Défense et illustration de la déontologie des bibliothécaires
Suite à un article de Marianne, l’Association des Bibliothécaires de France se voit contrainte de faire œuvre de pédagogie. L’hebdomadaire titrait Quand les identitaires s’attaquent aux bibliothèques et « remettait en question l’éthique professionnelle des bibliothécaires », estime l’ABF. Selon elle, cet article ne reflète pas la réalité du métier, et « fait également un procès d’intention à toute une profession ». Leur réponse est ici proposée dans son intégralité.
Le 17/03/2021 à 09:15 par Auteur invité
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17/03/2021 à 09:15
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Vivre en respectant le temps des institutions
Les bibliothèques publiques ne vivent pas en apesanteur. Elles dépendent de collectivités. En cela, elles appliquent nécessairement le premier alinéa de la République : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »
Vivre avec son temps en défendant une éthique du service public
Vivre avec son temps suppose d’actualiser régulièrement les textes professionnels de référence. C’est ainsi que l’ABF a revu en 2020 Le code de déontologie des bibliothécaires, qui prescrit, entre autres, les choses suivantes :
« 1. Les publics. Le personnel des bibliothèques est d’abord au service des publics. L’accès à l’information et à la culture étant un droit fondamental, il s’engage dans ses fonctions à : (…)
- assurer le libre accès des publics à l’ensemble des ressources sans laisser ses propres opinions interférer, dans le respect des lois en vigueur ; (…)
- promouvoir auprès des publics une conception de la bibliothèque ouverte, tolérante, conviviale et laïque.
2. Les ressources, collections, services.
Le personnel des bibliothèques veille à ce que la pluralité des ressources favorise l’autonomie de chacun, en recherchant l’objectivité et l’impartialité, et en respectant la diversité des opinions.
Dans ce sens, il s’engage dans ses fonctions à :
- ne pratiquer aucune censure, garantir le pluralisme, l’esprit encyclopédique et l’actualité des ressources, collections et services ;
- appliquer les dispositions législatives et réglementaires concernant les collections, ainsi que les décisions de la Justice, sans se substituer à celle-ci, notamment celles qui interdisent la promotion de toute discrimination et de toute violence ;
- faire connaître et mettre en valeur les collections, les ressources, les services dans le respect de la neutralité du service public. »
Vivre avec son temps en accueillant tous les publics
Ce qui caractérise le métier de bibliothécaire n’est autre que la volonté d’accueillir toute personne, y compris quand elle est en situation d’exil forcé, de détresse sociale (SDF…), d’échec (illettrisme, illectronisme) ou de remise en question personnelle. Et pour cela, oui, il faut de l’empathie.
Notre conception de l’humanisme passe d’abord par les femmes et les hommes que nous accueillons.
Vivre avec son temps en faisant vivre le débat
Une association professionnelle a vocation à faire vivre le débat. De ce point de vue, votre journaliste s’est montrée partiale, en prenant un article parmi d’autres dans une revue qui cherche à porter à la connaissance de tous des points de vue différents.
Si l’autrice avait pris le temps de s'aviser de l’ensemble de la revue plutôt que de n’en extraire quelques citations, elle aurait pu constater qu’il ne s’agissait pas de textes exprimant un point de vue officiel de l'ABF.
Si elle avait poursuivi sa superficielle enquête, elle aurait pu tomber, par exemple, sur un article traitant de neutralité et laïcité, ou sur le compte rendu d'une journée d'étude ABF-BPI "Bibliothèques et valeurs de la République", ou encore sur cette rubrique Débat présentant deux points de vue pour et contre l'écriture inclusive.
Les commissions de l’ABF sont plurielles et diversifiées (éthique, jeunesse, réseaux de bibliothèques, accessibilités, formation...) ; elles reflètent l’intention d’accompagner les bibliothécaires dans leur travail et leurs réflexions dans des domaines aussi variés que les collections, les espaces et l’action culturelle par exemple.
La création de la commission Légothèque en 2012 a permis de combler un vide sur certains sujets et d’accompagner les évolutions sociétales en s’interrogeant sur les préjugés et stéréotypes de tout acabit, les questions de genre, le multiculturalisme et le racisme.
La notion de « construction identitaire » n'est mentionnée dans l'article qu'au prix d'une falsification de l'expression "construction de soi" qui figure dans nos textes : la confusion consciemment distillée entre “identité” et “identitaire” se méprend sur l’objet de la commission Légothèque qui est d’être attentif à chacun·e afin de se construire, de construire son identité dans les meilleures conditions possibles. S’intéresser à la pluralité des individus afin d’accueillir au mieux tous les publics fait partie de la mission inclusive des bibliothèques.
Ni gardes rouges, ni vestales, les bibliothécaires ne desservent pas des sanctuaires. Laïcité, ouverture au monde et aux autres, responsabilité, autant de valeurs qui font des bibliothécaires des actrices et des acteurs de leur temps.
crédit photo StockSnap CC 0
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15 Commentaires
Aleph
17/03/2021 à 09:50
Hilarant.
Et sinon, merci pour le lien vers l'article de Marianne, que je ne lis pas d'habitude.
NAUWELAERS
17/03/2021 à 23:23
Dommage que j'aie loupé cet article de «Marianne»...
J'ignore ce que signifie effectivement cette Légothèque et les explications passablement confuses n'aident en rien à la compréhension générale de ce plaidoyer: attention, il s'agit d'identité et non d'identitaire...
Que doit-on comprendre ?
Ce serait bien d'expliciter et concrètement.
Et la phrase finale est une sorte de truisme, avec qui tout le monde sera d'accord (sauf les obscurantistes religieux): et en conclusion, oui les bibliothécaires sont des gens de leur temps mais que s'agit-il de prouver au juste et en opposition avec ce qu'on a écrit dans «Marianne» ?
On a l'impression de pédaler sur un vélo d'appartement en n'avançant pas d'un centimètre...
Un peu langue de bois manquant de chair, tout cela.
Mais s'il y a débat -et je suis pour le débat -pour quiconque n'a pas lu l'article incriminé de «Marianne» au moins (j'insiste sur ce point), ce texte-ci n'est pas vraiment éclairant, sans remettre en question la légitimité de celui-ci.
Tempête dans un verre d'eau ou vraie question mal traitée (attention, en deux mots !) ?
Alors peut-être à suivre mais avec enfin du concret et non du flou vaporeux qui moi me laisse sur ma faim d'infos véritables et d'une argumentation étayée et non étique et comme fuyante et pleine de lieux communs qui ne présentent rien de précis...
Je précise que j'attends avec une immense impatience que cette maudite crise sanitaire prolongée se termine pour retrouver un usage normal et tellement agréable des bibliothèques !
Que je fréquente beaucoup chaque fois que possible.
Je verrai si on connaît les Légothèques en Belgique: encore une nouvelle notion apportée par ce site...
Et il semble selon cette tribune que les bibliothèques finissent par devoir remplir des rôles de plus en plus larges, sociaux et sociétaux.
Pas les Bibliothèques nationales, bien plus chères d'accès et où le climat est très strict et administratif -et hélas de plus en plus soumis à l'emprise numérique à tous les étages, crise sanitaire aidant...
Ce qui va dans le sens contraire de cette tribune, qui concerne je pense les bibliothèques de quartier à taille humaine et qui peuvent se permettre de rester plus proches des usagers dans leur fonctionnement.
Et il faut maintenir un vrai et authentique pluralisme, c'est vrai.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Mahomet Trotsky
18/03/2021 à 09:47
Pour ceux qui connaissent bien le métier, il y existe une forte surreprésentation des personnes de gauche. Cela n'est malheureusement pas sans impact sur les collections des bibliothèques où les publications de gauche sont également surreprésentées. Il suffit de regarder le nombre d'abonnements dans les bibliothèques en France au journal l'Humanité et de le comparer au nombre d'abonnement à Valeurs Actuelles pour le constater. Il suffit aussi de jeter un oeil au programme du congrès 2020, sous l'égide de Christiane Taubira, de l'Association des Bibliothécaires de France avec "Les toilettes en bibliothèque : facteur d'inclusion ou de discrimination" ou encore "Parcours sur mesure pour les personnes migrantes"... (cf https://actualitte.com/article/8608/bibliotheque/le-programme-complet-du-congres-annuel-2020-de-l-abf-a-dunkerque) pour s'en rendre pleinement compte.
Un peu de diversité culturelle, sociale et politique ferait beaucoup de bien à cette profession !
Jojo
18/03/2021 à 17:42
La première bibliothèque où j'ai travaillé était abonnée à Minute. Aucune des bibliothèques où j'ai travaillé n'a été abonnée à l'Huma. La personne qui fait les commandes d'actualités et un lecteur de valeurs actuelles. Dans mon parcours j'ai croisé des macronistes, des sarkosystes, etc. Mais bon, ici des gens qui n'y connaissent rien persistent à voir du rouge partout, que voulez vous y faire...
NAUWELAERS
18/03/2021 à 19:06
Jojo,
Désolé mais aucune expérience individuelle limitée à une ou deux ou trois bibliothèques ne donne une tendance lourde pour tout le maillage des bibliothèques françaises...
Moi je serais incapable d'énoncer une règle générale faute de statistiques fiables en ma connaissance !
Allons, un peu de sérieux je vous prie...
CHRISTIAN NAUWELAERS
Jojo
18/03/2021 à 20:34
Vous sortez des vérités qui viennent de nulle part basées sur aucune expérience, aucune statistique, sur du vide en somme, juste votre représentation fantasmée des bibliothèques. Appliquez le sérieux que vous me demandez à vous même avant d'être aussi méprisant et condescendant à mon égard.
NAUWELAERS
18/03/2021 à 22:23
Justement Jojo j'écris que je ne décris PAS de règles générales sans connaître des statistiques !
Avant de me répondre, merci de lire ce que j'ai écrit.
Je prétends simplement qu'une expérience acquise dans deux ou trois bibliothèques ne donne pas une tendance lourde pour un ensemble des bibliothèques de tout un pays.
Il me semble que c'est du bon sens...
Quant à vous, vous évoquez «des gens qui n'y connaissent rien» dans votre post précédent...
Alors merci de ne pas fantasmer négativement, je vous prie.
On a encore le droit de ne pas être d'accord avec argumentation...
CHRISTIAN NAUWELAERS
rez
19/03/2021 à 10:24
il n'y a rien de vrai dans ce que vous dites, sans compter que votre concept du monde où les choses se font par 'représentation' des idéologies es signe de votre positionnement (scatologique).
dans tout cas, vous n'avez aucune idée du monde des bibliothèques, où s'il y avait une vraie position à gauche elles seraient mille fois plus présentes dans votre quotidien de coincé dans l'amertume.
Brunswick Marie
18/03/2021 à 12:08
Le problème soulevé pourrait être lié au quasi monopole des grands groupes d'édition pour l'approvisionnement des bibliothèques nationales. Les livres des éditeurs indépendants, avec toute leur diversité, y sont très peu présents.
Ayant récemment essayé de comprendre l'accès aux 61 bibliothèques municipales de Paris, je me suis vu opposer l'existence de "commissions" au sein du mystérieux SDE, où seules les nouveautés sont examinées, condamnant ainsi à jamais les livres négligés auparavant.
Alors, chers bibliotecaires, je vous invite à la diversité, mais donnez nous (éditeurs indépendants) un mode d'emploi...
NAUWELAERS
18/03/2021 à 16:46
Eh bien Marie Brunswick, au-delà du plaidoyer «pro domo» des bibliothécaires, voici une réaction intéressante de votre part.
CHRISTIAN NAUWELAERS
Brunswick marie
18/03/2021 à 17:57
La commission legothèque, d'après leur site, "vise à souligner le rôle d’accompagnement des bibliothèques dans la construction des individus ""en leur donnant accès à des collections"", des espaces et des services. " Mais dans la réalité, la plupart des bibliothèques se contentent d'utiliser un service d'offices proposé par un ou plusieurs libraires (ou plutôt des sortes de grossistes pilotés par les grands groupes d'édition) pour sélectionner les ouvrages qu'elles souhaitent acquérir et transfèrent ainsi une partie de leurs responsabilités dans la constitution des fonds. La loi ne les empèchent en rien d'aller explorer la production des éditeurs indépendants et de réclamer leurs livres à leur fournisseurs, mais peu font cet effort ... Sachant que la vente aux bibliothèques représente 13% du marché, on comprend bien le vérouillage organisé par les grands groupes.
rez
19/03/2021 à 10:25
Donc les biblios ne sont pas très à gauche si ses agents se limitent à lire livre hebdo et a passer ses achats à partir de ça.
Anonyme
22/03/2021 à 11:48
Pour ceux qui aiment les précisions statistiques :
L'Humanité, journal du Parti Communiste est présent dans 123 bibliothèques universitaires (cf http://www.sudoc.fr/039373800) pour une diffusion à 39 522 exemplaires en 2020 (cf https://www.acpm.fr/Support/l-humanite)
Valeur Actuelles, journal de droite nationale est présent dans 63 bibliothèques universitaires (cf http://www.sudoc.fr/039237494) pour une diffusion à 110 927 exemplaires en 2020 (cf https://www.acpm.fr/Support/valeurs-actuelles).
L'Humanité est donc lu par près de 3 fois moins de lecteurs que Valeurs Actuelles. Le journal communiste est pourtant présent dans 2 fois plus de bibliothèques universitaires que le journal de droite nationale.
Il y a donc bien une surreprésentation de la presse de gauche (et d'extrême gauche) dans les bibliothèques universitaires. Et il est donc tout à fait normal et sain de s'interroger sur cette surreprésentation comme le fait le journal républicain Marianne.
Manipulation
25/03/2021 à 16:12
Sinon on en parle de qui possède quoi ? De l'huma à libé à valeursactuelles ?
Toujours les mêmes noms, les mêmes têtes, qui possède l'ensemble. Rien de mieux pour diviser la société et conforter les idéaux des uns et des autres. Comme si, un journal, possède LA VÉRITÉ !
NAUWELAERS
25/03/2021 à 17:15
Bien d'accord avec vous Manipulation.
Une bibliothèque digne de ce nom doit présenter des périodiques et journaux d'obédiences diverses...
En considérant également que les étiquettes unilatérales et permanentes peuvent être réductrices et injustes.
Donc il faut une palette large et éviter l'insupportable travers de se vouloir détenteur d'un magistère politique ou moral qui donnerait le droit d'orienter les lectures des usagers dans le sens que l'on a décidé, loin de la supposée neutralité des fonctionnaires !
Non je ne crois qu'au libre choix.
Et la lecture successive en un même lieu de journaux et périodiques de sensibilités diverses peut élargir la conscience critique et permet de juger en meilleure connaissance de cause.
Loin du manichéisme débilitant et sans nuances des réseaux sociaux (trop souvent en tout cas).
CHRISTIAN NAUWELAERS
chrinau@gmail.com