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Rock

Iggy Pop and The Stooges

Un beau livre présentant l'ensemble de la discographie des Stooges, groupe culte et père du punk, et de son leader Iggy Pop au cours d'une carrière solo légendaire. Un histoire profondèment rock'n'roll. Iggy Pop est l'incarnation du Wild Man Of Rock'N'Roll. Torse nu, musculeux, son corps se déforme sous la férocité de la performance, qu'il veut toujours ultime. Son oeuvre commence avec les Stooges en 1967 après quelques balbutiements garage. Avec les frères Asheton, Ron et Scott, Il viole tous les codes du rock de l'époque avec leurs deux premiers albums, The Stooges en 1969 et Fun House en 1970. Les Stooges engendre une musique dont la vibration physique est la transcription sonore de la violence urbaine de la ville industrielle de Detroit. Trop radicaux, trop en avance, les Stooges se séparent une première fois en 1971, avant de se réincarner en 1972 grâce à l'aide de David Bowie. Iggy And The Stooges publient le dernier volet du tryptique historique : Raw Power en 1973. La carrière des Stooges se terminent dans la poudre, la misère et l'alcool en 1974 après une tournée des plus cahotiques. Oublié de tous, Iggy Pop ne sait pas que la musique de son groupe est en train de devenir l'un des piliers majeurs d'une nouvelle génération appelée Punk qui surgira dès 1976. Une petite communauté de passionnés français, journalistes, disquaires, et fans, va alimenter la flamme du mythe Stooges et Iggy Pop jusqu'à son grand retour en 1977, encore une fois grâce à David Bowie. C'est le début d'une carrière solo riche de dix-neuf albums studio, balayant de vastes territoires musicaux : new-wave, hard-rock, blues-rock, electro-rock, et même chanson française. Iggy Pop s'essaie à de nombreuses expériences sonores tout en gardant une éthique rock inflexible. C'est que l'homme est devenu une figure de l'histoire du rock, presque un personnage de bande dessinée que l'on retrouve aussi au cinéma ou dans des publicités où il n'hésite pas à se parodier lui-même. Toutefois, sa légende comme son coeur a toujours battu pour ses Stooges incompris et mal-aimés. Il brisera ainsi son éthique de ne jamais revenir en arrière pour reformer les Stooges avec les frères Asheton en 2003, puis avec James Williamson en 2010. Comme une rédemption, Iggy Pop offre à ses anciens camarades l'occasion de connaître une reconnaissance méritée. Pour lui, c'est la consécration d'une existence à porter une musique originale et sans concessions, quels que furent ses éventuelles maladresses. Littéralement revenus d'entre les morts après des années d'excès, Iggy Pop et les Stooges sont aujourd'hui unanimement salués par tous les fans de rock. Il y a toujours un album que l'on aime chez Iggy Pop, quels que soient vos goûts musicaux dans le domaine. Ce livre revient sur l'ensemble de la discographie des Stooges et d'Iggy Pop, ainsi que celles des membres de ce groupe mythique (Ron Asheton, Scott Asheton, James Williamson, Jimmy Recca). Les discographies officielles, mais aussi celle parallèle des Stooges avec ses nombreux bootlegs, sont étudiées. Plusieurs interviews fleuves d'Iggy Pop rares et inédites, ainsi que celle d'Alain Lahana, son tourneur français historique et ami, permettent de cerner l'homme Iggy Pop. Des documents photographiques rares et inédits des Stooges, d'Iggy Pop, et de Ron Asheton sur scène et à la ville, ainsi que de la memorabilia rare issue des archives du Iggy Pop Fan Club français offrent une riche iconographie d'un artiste et d'un groupe des plus visuels et séminaux de ces cinquante dernières années.

12/2021

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Beaux arts

Kandinsky, sa vie

Première biographie consacrée à Kandinsky, cet ouvrage s’attache à restituer dans toutes ses dimensions la vie mouvementée du célèbre peintre et théoricien qui ouvrit le passage vers l’abstraction, ainsi que la pensée et la personnalité d’un homme resté très secret. Appuyée sur un ensemble de sources considérables, les textes théoriques publiés et les inédits, les poèmes de l’artiste, sa correspondance privée et ses oeuvres qui constituent un véritable journal de bord de sa vie, les témoignages de ses contemporains et de ses proches, et prenant en compte les travaux les plus récents des nombreux chercheurs qui se sont intéressés à lui, cette biographie replace Kandinsky à l’intérieur des mouvements d’idées qu’il a inspirés, de ceux qu’il a traversés et parfois rejetés : positivisme, symbolisme, théosophie, courants de la philosophie russe et des mouvements prophétiques de l’aube du XXe siècle. Elle le présente face aux explosions formelles de son siècle et aux débats passionnés qu’elles ont soulevées. Né en 1866 dans une famille de marchands à Moscou où se déroula sa prime enfance, achevant son adolescence à Odessa, Kandinsky n’oublia jamais sa ville natale où il revint pour accomplir des études de droit. A la suite de diverses expériences personnelles marquantes, une mission ethnographique qui le met en contact avec l’art populaire russe dans « les maisons magiques « de Vologda, la rencontre d’une toile de Claude Monet qui lui fait pressentir la possibilité d’une peinture tout autre, il décide d’entrer tardivement en peinture à l’âge de trente ans, hanté par l’image première du coucher de soleil sur Moscou qui représente pour lui l’image absolue, se sentant investi d’une véritable mission spirituelle. C’est toute l’extraordinaire aventure de l’abstraction que l’on peut suivre ici, la recherche fiévreuse et obstinée d’une nouvelle voie de passage de la peinture vers un autre monde, l’effort vers la réalisation de la grande synthèse des arts. Le lecteur accompagnera Kandinsky dans une passionnante recherche intérieure et extérieure qui l’amène à Munich, initie voyages et épreuves. Il se retrouvera aux côtés de ses amis et compagnons de route, peintres, musiciens, sculpteurs célèbres, il participera à leurs discussions, aux expositions, rencontrera ses correspondants tant en Russie, en Allemagne, en France, en Belgique, en Italie, en Suisse qu’aux Etats-Unis. Eclairant bien des points obscurs ou méconnus de l’oeuvre et de la personnalité de Kandinsky, ce livre ouvre de nombreuses perspectives sur une vie extraordinairement riche et féconde qui a balayé, et souvent inspiré, l’ensemble des avant-gardes européennes. Peintre de génie, Kandinsky a touché à la poésie et au théâtre, produit des ouvrages et textes théoriques fondamentaux, s’est passionnément attaché à réunir les artistes mus par la « nécessité intérieure « par-delà préjugés de sexe ou de nation, jetant pour la première fois des ponts entre les différents arts, peinture, poésie, théâtre, musique, art populaire, art religieux, art des enfants, arts africains ou orientaux. Membre initiateur de groupes aussi variés que Mir Iskousstvo, la Neu Künstlervereinigung, le Blaue Reiter, die Brücke, der Sturm, Dada, le Valet de carreau ou Cercle et carré, Kandinsky a connu plusieurs vies. Chassé d’Allemagne par la guerre de 1914, livré aux aléas de la révolution russe, exilé à Berlin, fuyant à cause de la montée du nazisme en France, où il subit la seconde guerre mondiale, abandonnant à chaque fois ses oeuvres derrière lui, cette nature libre se montre là dans toute sa vigueur, animée jusqu’au bout de la ferme croyance que par-delà les tribulations de la vie, adviendra l’ère du « Grand Spirituel «.

04/2016

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Histoire de l'art

Iris. Time unlimited (1962-1975)

Iris Clert : peu de noms de galeristes aimantent autant que celui-ci. Pour des générations d'amateurs d'art, elle demeure l'icône flamboyante de l'effervescence artistique parisienne de l'après-guerre. Active du milieu des années 1950 au début des années 1980, elle accueille dans ses galeries successives, Rive gauche puis Rive droite, des expositions mythiques tels Le Vide d'Yves Klein en 1958 et Le Plein d'Arman en 1960, ainsi que certains des artistes les plus importants du XXe siècle comme Pol Bury, Gaston Chaissac, Bill Copley, Lucio Fontana, Leon Golub, Raymond Hains, Ad Reinhardt, Takis et Jean Tinguely. Si cette liste d'artistes, non exhaustive, lui confère évidemment une place de choix dans l'histoire de l'art contemporain, Iris Clert fut aussi - et c'est l'un de ses grands apports - l'inventrice de formats d'exposition et de communication inédits, comme en témoigne sa revue iris. time unlimited. Conçu pour renouveler sa manière de communiquer alors qu'elle emménage Rive droite au début des années 1960, Iris Clert publie pendant treize ans un feuillet de quatre pages, régi par une double ligne rédactionnelle : d'un côté, annoncer et promouvoir les expositions de la galerie et, plus généralement, informer sur le monde de l'art contemporain et son actualité ; de l'autre, proposer un espace de création propice à des interventions comiques, absurdes et polémiques. Le premier numéro paraît le 6 octobre 1962, le dernier numéro en avril 1975. La longévité de la revue est à noter dans un milieu où les expériences de ce type sont généralement éphémères. Chaque numéro présente des caractéristiques communes, tant au niveau du contenu que de la maquette. Reprenant le principe des unes de France-Soir, celles d'iris. time unlimited présentent le titre du journal encadré par deux oreilles, le portrait de la galeriste à gauche et celui de l'artiste de l'exposition annoncée à droite, une tribune ou gros titre et une photographie d'oeuvre en grand format, sous un bandeau d'informations légales. Le tirage oscille entre 4 000 et 6 000 exemplaires tandis que la liste des abonnés contient près de 450 noms. La fréquence de parution est variable, tributaire du rythme des expositions et des séjours d'Iris Clert à l'étranger. La publication accueille des collaborateurs plus ou moins réguliers, des rubriques plus ou moins récurrentes. Parmi celles-ci, des chroniques sur la vie artistique parisienne, des revues de presse, des jeux, des publicités, des présentations de critiques, le " Point de vue d'Iris ", des billets d'humeur, les " Ragots de la galerie ", des petites annonces loufoques et, bien sûr, un horoscope réalisé par la voyante d'Iris Clert. " Mon petit journal, commencé à la blague, deviendra une oeuvre d'art en soi. C'est une symbiose de mystification et de démystification où l'humour a tous ses droits ", résume Iris Clert dans ses mémoires. Bien plus qu'une curiosité de bibliophiles, iris. time unlimited demeure aujourd'hui une référence pour de nombreux éditeurs et galeristes. Collectionné par les bibliothèques universitaires américaines et européennes spécialisées en histoire de l'art et les centres de documentation des musées du monde entier, iris. time unlimited incarne le style qu'Iris Clert a imprimé dans le monde de l'art, mélange de sociabilité, d'humour, d'excentricité et de créativité. Grâce à cette nouvelle impression en fac-similé, au papier et format identiques à l'original, cet ovni éditorial est désormais à la portée de tous. La reproduction complète des 46 numéros est accompagnée d'un livret contenant un texte du critique et historien d'art Clément Dirié, auteur de l'ouvrage remarqué Iris Clert. L'Astre ambigu de l'avant-garde (2021), de photographies ainsi que des biographies des contributeurs et d'un index des abonnés. Sa publication célèbre au jour près le soixantième anniversaire de la parution du premier numéro d'iris. time unlimited.

02/2023

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Monographies

Les Gérard Cochet de La Piscine

En 2009, les descendants du peintre et graveur Gérard Cochet (1888-1969) faisaient don au musée de Roubaix de 102 oeuvres sur papier, préparatoires à des costumes ainsi qu'à des décors pour des spectacles lyriques donnés à l'Opéra-Comique. Ces dessins concernent plus spécifiquement trois oeuvres : Manon Lescaut de l'abbé Prévost et Jules Massenet (1938), Les Noces de Figaro de Mozart (1939) et Amphytrion 38 de Jean Giraudoux et Marcel Bertrand (1944). Entre 1938 et 1949, Cochet travaillera ainsi à plusieurs reprises pour la salle Favard. On lui doit également les costumes pour Mesdames de la Halle d'Offenbach (1940) ainsi que pour Le Oui des jeunes filles de René Fauchois et Reynaldo Hahn. Ces créations, bien accueillies par la critique, représentent en quelque sorte l'acmé de la carrière de décorateur de Gérard Cochet. Il avait, en effet, précédemment réaliser plusieurs décors pour des bâtiments publics et, en qualité de peintre de la marine, contribué à la décoration de plusieurs vaisseaux. Né à Avranches, Gérard Cochet grandit à Nantes où il s'initia très jeune à la peinture avec son ami Amédée de La Patellière (1890-1932) auprès d'un artiste local, tout en poursuivant des études classiques. En 1909, avec l'assentiment de ses parents, il décide de se consacrer uniquement à la peinture et se rend à Paris. Il s'inscrit à l'Académie Julian et ambitionne d'entrer à l'école des Beaux-Arts. Pour ce jeune homme discret, ces premières années sont particulièrement délicates. En proie au doute, il peine à se défaire de son apprentissage quelque peu académique et à trouver sa propre voie vers une modernité à laquelle il aspire. C'est au modeste Salon des humoristes qu'il expose pour la première fois en 1913. Ces timides débuts sont vite interrompus par la guerre. Bien que réformé, il décide de se porter volontaire. Le 5 mai 1915, Il est grièvement blessé en Argonne et perd son oeil droit. Définitivement reformé en juillet 1916, il s'initie à la gravure auprès d'André Dauchez et pratique la céramique au sein de l'atelier Lachenal. De la première, il apprendra le sens de la synthèse et la seconde lui permettra de gagner en spontanéité. Au début des années 1920, il s'affirme comme graveur de premier plan, multipliant les illustrations notamment pour les éditions Crès et Grasset. En 1924, il est récompensé pour son oeuvre gravé par le prix Blumenthal. Membre fondateur de la Jeune Gravure Contemporaine en 1929 et membre des Peintres-Graveurs Français à partir de 1946, il illustre de nombreux ouvrages de bibliophilie. Parallèlement à sa carrière de graveur, il développe également sa peinture. Une première exposition personnelle lui est consacrée par la galerie Briand-Robert en 1927. Son oeuvre peint le rapproche de la Jeune Peinture Française dont les membres les plus représentatifs sont Dunoyer de Segonzac, Marcel Gromaire, Charles Dufresnes, ses amis Yves Alix et Robert Lotiron... . Ce mouvement informel incarne pour le critique Claude Roger-Marx une certaine "mesure française" . Ils élaborent un réalisme renouvelé et affirment un certain sensualisme. Il n'est pas ici question, de "retour à l'ordre" , la plupart de ces peintres s'inscrivaient dès avant-guerre dans un réalisme construit, instruits des leçons du cubisme et de Cézanne mais regardant aussi Corot, Courbet ou Delacroix comme Gauguin, Manet ou Bonnard. Gérard Cochet développera plusieurs thématiques, Il sera le peintre des paysages et des paysans de la Manche, des champs de course, des intérieurs bourgeois et évoquera aussi régulièrement l'univers du théâtre et de la musique, qu'il affectionna tant et que cette exposition met en valeur.

03/2022

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Essais biographiques

Mon Pollock de père

Grand peintre américain, mais aussi professeur de calligraphie et de typographie, Charles Pollock, frère aîné de Jackson Pollock, n'aura laissé que peu de traces de l'existence de son oeuvre avant de mourir à Paris. Sa fille, Francesca, et son épouse Sylvia, mettront alors vingt années à rassembler, archiver, à enfin de faire connaître son travail et sa vie voilés par le silence et la discrétion. Pour quoi et pour qui s'être effacé ? Quels sens donner aux toiles de Charles Pollock et à son silence ? Aiguillonnée par ces questionnements, Francesca Pollock entreprend de (re)nouer un dialogue avec le père qu'elle a perdu à l'âge de 21 ans. La parole, qui fut si rare entre eux, est alors délivrée au moyen d'une écriture à plusieurs voix, celle de l'auteure, celle de Charles Pollock qui affleure des correspondances, de ses écrits et entretiens, mais aussi celle des oeuvres du peintre et de ses contemplateurs qui "parlent" bien plus que tout autre chose. Par le récit, ce n'est pas tant l'histoire de son père que Francesca Pollock désire comprendre et raconter, que sa propre histoire, sa propre vie si liées à celle de Charles Pollock dont elle n'a connu que la vieillesse et très vite sa mort physique. Mais bien plus encore, c'est l'absence de parole et de transmission, formes de morts symboliques qui enveloppent son père tout au long de son vivant : "Ce que j'ai mieux connu de lui, c'est son silence" . Dès lors, que faire, que comprendre, que dire des oeuvres du peintre, lorsque la figure du père ne dit mot ? Francesca Pollock entend extraire son père de ce chaos informe et enténébré dans lequel il s'est plongé, lui et son oeuvre. Cette entreprise passe par un long ouvrage, véritable forage et coups de sonde dans le passé pour excaver l'oeuvre ensevelie et rencontrer ainsi son père. Le lecteur suit, parfois avec anxiété, la gestation douloureuse de l'auteure pour "mettre son père au monde" , et enfin faire oeuvre de vérité, de liberté. Pour la psychanalyste qu'est l'auteure, la tâche n'en est pas moins ardue : il s'agit de déconstruire le mythe bâti autour de l'art et de la personne de Jackson Pollock, mythe qui l'élevait en tant que peintre unique, idée qu'il embrassait et encourageait, excluant ainsi, inconsciemment, l'art de son frère Charles. La délivrance surgit alors au détour de rencontres artistiques - celles surtout du critique d'art et poète Maurice Benhamou - qui, par des regards, des mots neufs, font renaître l'oeuvre de l'artiste et délestent l'auteure : "La pensée qui me submerge, c'est que le regard de Maurice a libéré ton oeuvre, et, ce faisant, il m'a libérée moi" . Tout au long de la narration, le lecteur assiste à une subtile correspondance entre le fond et la forme : des bribes d'histoires balbutiés qui se confondent avec les souvenirs épars de l'auteure jusqu'à la nette chronologie qui trace la vie du peintre et correspond à l'accomplissement des recherches, au sens retrouvé. Avec finesse, Francesca Pollock manie les outils de l'historienne : archives, correspondances, entretiens tirés de la presse ou radiophoniques, extraits de conférences de son père, s'enchevêtrent au coeur du récit, entre souvenirs, anecdotes, pensées de l'auteure, références livresques ou encore critiques des oeuvres du peintre. Ecriture dense donc, mais transparente, franche et d'une grande tendresse qui tire Charles Pollock de la tombe du silence pour s'ériger en tombeau artistique. Illustré de photographies familiales et de reproductions des oeuvres du peintre, l'ouvrage donne à voir, de manière touchante, la force et la cohérence de l'art singulier de Charles Pollock, de la figuration à l'abstraction, où formes et couleurs se cherchent et se correspondent.

04/2022

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Europe

Dictionnaire amoureux de l'Ukraine

Un Dictionnaire amoureux qui nous immerge dans l'âme de l'Ukraine (histoire, littérature, poésie, musique, peinture, géographie, gastronomie...) par Tetiana Andrushchuk, violoniste ukrainienne qui fut professeur au Conservatoire national supérieur de Kiev et Danièle Georget, auteure et rédactrice en chef adjointe à Paris Match. " Nous sommes un peuple de 42 millions d'habitants sur un territoire plus vaste que la France ou qui l'était, jusqu'à ce que la presqu'île de Crimée lui soit arrachée. Notre civilisation est plus ancienne que celle de la Russie, nos liens avec la France remontent au Moyen Age. L'Ukraine était un royaume avec Kiev pour capitale quand Moscou n'était qu'un bourg au milieu de nulle part. Pendant plus de trois siècles, nous sommes passés pour la province d'un empire qui nous avait pris jusqu'à notre nom. Mais lorsque les murailles de l'Union soviétique sont tombées, notre " terre qui n'est pas la nôtre " comme l'écrivait le poète, s'est réveillée. Enfin, elle allait pouvoir choisir son destin et cesser de suivre celui imposé par les autocrates de l'Est. Vingt-deux ans plus tard, Vladimir Poutine a cru pouvoir mettre un terme à cette " récréation ". Au nom d'un génocide, sorti de son imagination, contre les russophones, il a cru que ses soldats seraient accueillis avec le pain et le sel. Pour annexer l'Ukraine, il suffisait de cent cinquante mille hommes et d'un déluge de bombes. Ecrase-t-on une idée avec un marteau ? Je suis née à Kiev. Mon père est mort pendant la Seconde Guerre mondiale. Il portait l'uniforme soviétique, comme près de sept millions de soldats ukrainiens. Près de la moitié ont été tués. Violoniste, professeur au Conservatoire national supérieur de Kiev, j'ai reçu, à Moscou, les conseils du meilleur des hommes, un des rares violonistes dont les Français connaissaient le nom : David Oïstrak, né en Ukraine où il a étudié et commencé sa carrière. Et j'ai aimé de toute mon âme d'artiste la culture ukrainienne, de Chevtchenko, notre Hugo, à Silvestrov, comme j'ai aimé la culture russe, de Tchaïkovski à Tolstoï et Dostoïevski. Dans l'après-guerre, ma mère qui avait été chanteuse à l'opéra de Kiev, voulut me faire apprendre le français... " A quoi cela lui servira-t-il ? " lui demandait-on. Personne ne pouvait alors quitter l'Union soviétique. J'aimerais aujourd'hui raconter aux Français pourquoi notre identité n'est pas une invention de Maïdan, et pourquoi les Ukrainiens, tenaces, têtus, courageux, à l'image du boxeur Klitchko, montagne des rings qu'aucun coup ne parvenait à ébranler, font envers et contre tout, et depuis si longtemps, le choix de l'Europe et de la démocratie. Une nation est, comme un diamant, composée de milles facettes, si scintillantes que parfois elles nous aveuglent. Nous sommes le passé, le présent, les vivants et les morts, l'histoire et la géographie, la poésie, les oeufs peints de Pâques, les chemises brodées, le bortsch. Et la passion. La Russie, si prompte à renouer avec ses vieux démons, nous accuse du crime de fascisme : mais qui se trompe d'époque ? Aux femmes qui ont accouché sous les bombardements, à ceux qui se sont terrés dans leurs caves, à ceux qui ont passé leur rage en fabriquant des " cocktails ukrainiens ", à ceux qui tiraient les missiles stinger, à ceux qui distribuaient la nourriture dans les supermarchés, à ceux qui posaient les garrots, à ceux qui les fabriquaient, au sniper qui abattit le général Tchétchène, à tous ceux qui se sont battus, à ceux qui ont attendu. Et même à ceux qui doutent encore que l'Ukraine existe, je dédie ce livre. "

05/2022

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Faits de société

J'ai survécu à la drogue, à la pédophilie et à la traite sexuelle

Un témoignage très dur. La jeune autrice et militante Maïté Lonne se raconte sans tabous dans un livre autobiographique poignant. Entre violences intrafamiliales et abus sexuels, elle vivra en vase clos et la peur constante d'être tuée. Dès le début de l'adolescence, c'est la dégringolade, entre autodestruction, les hôpitaux psychiatriques, les foyers de l'aide à l'enfance, la drogue, la rue et les viols multiples. Tout se passe surtout en Belgique. Elle est victime de traite des êtres humains dans un réseaux d'exploitation sexuelle. Pendant cette période, elle est vendue sur des sites lambdas tels que "2eme main" entre deux tables. Elle est livrée dans des hôtels de passe, chez des particuliers violents et dans des clubs. Violée, menacée d'une arme à feu, frappée, abandonnée la nuit sur le bord d'une route, elle survira. La jeune femme raconte les difficultés liées aux trauma complexes, à ses multiples rapports au monde et à son corps, qui fut un objet de déviants. Laissons parler l'auteure : (...) d'un père norvégien alcoolique, drogué, schizophrène et artiste peintre, et d'une mère belge, danseuse, d'origine ashkénaze, très mal dans sa peau. Vers l'âge de 8 mois, elle décide de prendre la fuite pour me protéger, en revenant dans son pays natale, la Belgique. Mes grands parents, plutôt bourgeois, autoritaires, et violents, prennent la place du père qui brille par son absence. Mon grand-père est ancien procureur, un homme ancien militaire obsédé par l'éducation et la réussite dans son sens le plus stricte. Ma grand mère est une survivante de la seconde guerre mondiale et m'apprendra à vivre dans la peur constante d'être tuée. Je vie en vase clos, enfermée par deux vieilles personnes abusives et maltraitantes. Très jeune, je suis abusée sexuellement par mon cousin, et ensuite par mon beau-père. Ma mère devient violente physiquement. Mes grands parents sont violents psychologiquement. Vers l'âge de 13 ans je suis placée en unité psychiatrique suite à une tentative de suicide et des multiples automutilations. Je suis assommée à coup de calmants sans être soignée. Par la suite je suis placée dans un foyer de l'aide à l'enfance et j'y découvre la rue, les drogues, la délinquance et la violence extrême (...). Points forts : Maltraitance - Viols- traite des êtres humains - drogue - femme-objet - violences - Reconstruction Ce qu'en dit l'Editeur : Maïté Lonne parle à coeur ouvert, avec douleur, force et un désir extraordinaire de reconstruction. Elle s'investit dans la pédagogie avec courage et conviction. Son ouvrage donne la nausée au sujet de certains humains inhumains. Ils existent ces prédateurs, ces consommateurs, ces destructeurs. Elle l'a vécu. Elle aurait pu en mourir. Elle apprend à se réapproprier et à se régénérer. Son témoignage puisse-t-il servir à tous ces femmes victimes de monstres ! L'auteure : née à Oslo en 1992, Maïté Lonne est éducatrice. Elle navigue entre France et Belgique en vivant entre Bruxelles et Paris. Elle s'est mise à la disposition de la Commission européenne, de Child Focus en Belgique, et plaide devant différents Parlements sur des thématiques telles que l'exploitation sexuelle et les violences sexuelles. Elle a aussi représenté l'Europe lors de l'ouverture de la campagne mondiale WithHer initiée par les Nations-Unies et Spotlight Initiative (USA). Elle a publié un ouvrage sur les Maltraitances faites aux humains et aux animaux. Elle signe ici une autobiographie, le récit horrible de ce qu'elle a subi, viols, drogue, traite d'être humains, clubs de sexe, etc, et surtout l'apprentissage de sa reconstruction. L'auteure se rend également dans les écoles pour sensibiliser les adolescents aux côtés de la Fondation Samilia. L'auteure contribue à la réalisation d'un documentaire TV qui sortira en 2024 presqu'en même temps que son livre témoin. A lire et à voir donc.

03/2024

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Histoire de l'art

L'adresse au paysage. Figures de la montagne de Jean-Antoine Linck à Marianne Werefkin

Les auteurs proposent une lecture des représentations de la montagne depuis les dernières décennies du XVIIIe siècle - quand la moyenne et haute montagne des Alpes devient un sujet pour les peintres - jusqu'aux années 1930. Les auteurs proposent une lecture des représentations de la montagne depuis les dernières décennies du XVIIIe siècle - quand la moyenne et haute montagne des Alpes devient un sujet pour les peintres - jusqu'aux années 1930. Tableaux, aquarelles, dessins, gravures et photographies, certains célèbres et " incontournables ", d'autres méconnus, plus rarement vus, mais tous de grande qualité, ont été très précisément choisis. " La montagne ", une et multiple, est une formation géologique immémorielle et vivante, une entité imaginaire ettopographique, un objet d'étude et de projection fantasmatique, un milieu habité et un motif pictural inépuisable... S'adresser au paysage suppose qu'il n'est pas qu'étendue (géographique), milieu (biologique) ou décor (d'une intrigue ou d'un récit) ; cela suppose qu'il constitue une entité suffisamment personnifiée pour être le destinataire d'une parole ou d'une pensée adressée ; on s'adresse à quelqu'un. L'idée romantique que le paysage peut véhiculer, manifester, refléter ou exprimer un état d'âme a contribué à cette possibilité d'une " adresse au paysage ". Le premier ressort de l'intérêt pour la montagne qui se manifesta à l'époque des Lumières fut scientifique : ce milieu retiré et hostile, haut-lieu de l'imaginaire, matrice de mythes et de légendes, devint alors un terrain d'étude pour les naturalistes, qui s'attelèrent à résoudre les énigmes de la formation des reliefs géologiques, du cycle de l'eau, des effets de l'altitude... Les deux approches - puissance imaginaire et visée de connaissance - ont orienté également le travail des artistes confrontés aux paysages alpins. Elles constituent deux veines, deux tendances qui, souvent, se mêlent au sein d'une même oeuvre, à des degrés divers et de manière plus ou moins délibérée de la part de l'artiste. L'exposition et le livre présentent certains aspects particulièrement saillants de cette histoire. Ouverts avec Linck, soit une pratique de la peinture accordée à une connaissance de la montagne, ils débouchent sur l'oeuvre expressionniste de la peintre russe Marianne Werefkin (1860-1938), encore très peu connue en France, dont le musée d'Ascona a consenti le prêt exceptionnel de huit grandes peintures. Formée au grand style réaliste à Saint-Pétersbourg, elle interrompit une carrière prometteuse pour poursuivre sa quête d'un art nouveau. En 1896, elle s'installa à Munich avec Alexei Jawlensky, qui fut son compagnon pendant près de trente ans. Après l'aventure du Blaue Reiter, et la Grande Guerre, elle passa les vingt dernières années de sa vie à Ascona, qui était alors un village de pêcheurs, sur la rive suisse du lac Majeur. Déjà présent dans sa peinture, le motif de la montagne se renforce, multipliant les symboliques, parfois jusqu'à l'allégorie. Les hautes montagnes au profil caractéristique qui entourent le lac y apparaissent souvent, bien que transfigurées par la force expressive de la couleur. Elles sont à la fois des figures à part entière et le cadre de scènes hallucinées où l'être humain et la grande nature se confrontent, dans un rapport de force variable allant de la coexistence harmonieuse à l'exploitation. ARTISTES REPRESENTES : Giuseppe Pietro Bagetti - Louis Bélanger - Samuel Birmann - Bisson Frères - Marc-Théodore Bourrit - Adolphe Braun - Paul Cabaud - Alexandre Calame - Carl Ludwig Hackert - Victor Hugo - Pierre-Louis de La Rive - Jean-Antoine Linck - Gabriel Loppé - Frédéric Martens / Eugène Cicéri - Johann Jakob Scheuchzer / Johann Melchior Füssli - Vittorio Sella - Giorgio Sommer - Charles Soulier - Georges Tairraz (père) - Elisabeth Vigée-Lebrun - Marianne Werefkin - Edward Whymper - Caspar Wolf

05/2023

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Histoire du sport

L'Olympisme. Une invention moderne, un héritage antique

Prenant part à la programmation culturelle des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, l'exposition propose au public de découvrir la création des premiers Jeux Olympiques modernes, d'en saisir le contexte politique et de comprendre comment et pourquoi ses organisateurs ont voulu réinventer les concours de la Grèce antique. A partir d'archives inédites, d'objets jamais montrés et d'oeuvres d'art antique emblématiques, elle montre comment cette réinvention repose sur une combinaison orientée des sources antiques (textes, images et vestiges), faisant de l'olympisme moderne une illusion collective mais efficace. Le catalogue qui l'accompagne prolonge et illustre cette perspective. Il rappelle comment Paris, trois fois capitale olympique (1900, 1924, 2024), a été aussi le berceau où est née en 1894 l'idée de l'olympisme moderne : les collections du Louvre et la formation des artistes de l'Ecole des Beaux-Arts, la Sorbonne, le Collège de France et les réformes de l'instruction ou encore le milieu philhellène de Paris, forment le cadre où ont évolué des personnalités célébrissimes, comme Pierre de Coubertin, ou mal connues ou inconnues du grand public, comme l'écrivain grec Démétrios Vikélas, le philologue français Michel Bréal ou l'artiste suisse Emile Gilliéron. Grâce à l'exploitation du fonds d'archives inédites de l'atelier de E. Gilliéron déposé récemment à l'Ecole française d'Athènes, il est aujourd'hui possible d'analyser précisément la fabrique de la première iconographique olympique, de 1896 à 1924, inspirée des images antiques et déclinée en affiches, trophées, médailles, timbres et cartes postales. A l'aide de documents d'époque, comme la chronophotographie, est aussi retracé le processus de réinvention de gestes sportifs grecs, comme le lancer du disque. Enfin le catalogue montre comment cette réinvention, qui est aussi une manipulation des sources, occasionne des dérives nationales ou internationales, des exclusions ou des stéréotypes dont les études classiques ont été d'une certaine manière les victimes. L'ensemble des textes qui composent le catalogue fournissent ainsi les clés pour comprendre les enjeux de l'olympisme moderne. Editeurs scientifiques : Christina Mitsopoulou est archéologue, formée à l'université de la Sorbonne et l'Université d'Athènes, en Histoire de l'Art et Archéologie grecque. Spécialiste de l'archéologie des cultes, de céramique, petits objets et d'iconographie, son activité de terrain a surtout porté sur la région des Cyclades et l'Attique (Eleusis). Par sa formation comme guide culturelle en Grèce elle tire aussi une expérience de la topographie et de la communication du savoir académique vers un plus grand public. Depuis 2013 elle a étendu ses recherches vers le domaine de l'histoire de l'archéologie et des questions d'authenticité en art antique. Enseignante à l'Université de Thessalie en Grèce, elle mène depuis 2017 un projet de recherches au sujet du fonds Gilliéron à l'Ecole française d'Athènes, d'où est issue la présente exposition. Alexandre Farnoux est professeur d'archéologie et d'histoire de l'art grec à Sorbonne Université depuis 2001. Ancien directeur de l'Ecole française d'Athènes (2011-2019), il a fouillé en Macédoine, dans les Cyclades et en Crète. Il mène des recherches sur la civilisation grecque, en particulier sur le sport, et en histoire de l'archéologie, par exemple sur A. Evans et la découverte de la Crète ou sur la réception d'Homère. Il a été co-commissaire en 2019 de l'exposition Homère au Louvre-Lens et de l'exposition Christian Zervos, le tournant archaïque, au musée Benaki à Athènes. Violaine Jeammet est conservatrice générale au département des Antiquités grecques, romaines et étrusques du musée du Louvre. Spécialiste des figurines en terre-cuite grecques et romaines et membre associée de l'UMR 8164-HALMA, , elle enseigne à l'Ecole du Louvre. Commissaire ou co-commissaire de nombreuses expositions, dont l'exposition Tanagra-Mythe et archéologie au Louvre en 2003, elle conduit des études plus particulièrement sur l'artisanat et la polychromie antique.

04/2024

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Monographies

Chères images. Peinture et écriture chez Gilles Aillaud

Dans son hommage à la peinture figurative et animalière de Gilles Aillaud, Nicolas Pesquès entremêle avec finesse notations poétiques, fragments de théorie sur l'art, descriptions de tableaux, bribes de souvenirs en compagnie du peintre. Le côtoiement des formes et des couleurs de Gilles Aillaud, l'encourageant à écrire, semble lui révéler en même temps qu'écrire et peindre sont deux formes d'un semblable besoin d'expression, qui, sans se confondre, convergent vers la même question impossible. "? La seule question qui vaille est celle à laquelle on ne peut pas répondre. Les bêtes nous indiquent la possibilité de ne pas la poser. L'expression est ce que nous avons trouvé de mieux pour ne pas la résoudre sans l'étouffer. Par la peinture, par le poème, nous la restituons dans son malheur. ? " (Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux) On ne trouvera aucune réponse définitive à l'énigmatique question, ni dans la peinture de Gilles Aillaud, ni dans la littérature de Nicolas Pesquès ? ; seulement "? des formules possibles, inventives et vouées à la vision de sa nuit ? ". La formule qu'il invente dans son livre s'élabore dans une intimité étroite et de longue date avec l'oeuvre de l'artiste lié au courant de la Figuration narrative. Ce volume constitue une traversée de la peinture de Gilles Aillaud en cinq chapitres ? : Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux (texte d'une monographie parue chez André Dimanche en 2005), Pan ! (paru dans Sans peinture, L'Atelier contemporain, 2017), Après l'image, Chères images, et Vous la dirai-je (inédits). Cherchant sans relâche une manière de dire attentive à l'étrangeté de ce qui se présente, Nicolas Pesquès tente de cerner au plus près la singularité du sillon creusé par le peintre dans la réalité rugueuse ? : "? Peindre ce que l'on a devant soi, présenter le monde. Gilles Aillaud, une fois accompli le choix de cet écart plutôt que celui de la philosophie - mais celle-ci n'a pas cessé d'accompagner sa démarche -, n'a jamais eu d'autre souci. Il s'est d'emblée installé au coeur perpétuel de la peinture. ? " Ce coeur de la peinture, ce noyau, chez Gilles Aillaud, est celui d'une figuration des existences animales, végétales, minérales ? : "? Il ouvre et accède au monde. A ses rivages, à ses arbres, à ses cailloux. Il ouvre et accède au grand large de l'anonyme flux des choses précises. ? " (Dans le mauve à l'aplomb des corbeaux) Choses anonymes et précises à la fois, que le peintre saisit à la croisée du mystère de leur venue et de l'évidence de leur présence. L'écrivain tente de suivre le peintre dans ce flux, ce labyrinthe où il s'est engouffré, où l'idée d'achèvement n'a plus cours, où seuls comptent les mouvements de la pensée et les gestes de la main, toujours à recommencer ? : "? Le labyrinthe ? : c'est l'autre nom du dehors, c'est tout ce qui est là? : le paysage, la bête qui vaque, la main qui dessine, l'homme qui bifurque et continue. C'est peut-être la première image, celle de notre connaissance des choses, de la peinture, etc. Gilles Aillaud a toujours voulu y revenir, y séjourner. Que faire après l'image s'il n'y a rien avant ?? En produire d'autres, de nouveaux textes, de nouveaux tableaux ? ; c'est cela vivre dans le labyrinthe. ? " (Après l'image) Le labyrinthe, à la fin, apparaît comme un fourmillement d'images. Non seulement celles de la peinture, mais aussi celles du langage, qui toutes deux défont les logiques discursives et grammaticales parfois réductrices. Si la rencontre entre la peinture et la parole a lieu, c'est par la grâce d'un étoilement d'images ? : "? Et si l'idiome commun à toutes les expressions était l'image ?? Et qu'à l'empire du discours on puisse opposer un étoilement du corps et de la pensée, un rayonnement de plusieurs puissances. Une imagerie venue de partout et de tous nos sens. Ce serait l'empire de l'image, toutes images confondues, pour faire rentrer le discours dans le rang. Décoloniser l'espace occupé par la grammaire, laisser les images à leur tâche, nous abasourdir par leur manège et leur grégarité. ? " (Vous la dirai-je)

09/2023

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Religion

Communio N° 179 : L'Europe unie et le christianisme

Editorial : Olivier Chaline : L'Eglise et l'Europe en voie d'union : quelles présences de l'une à l'autre ? Thème : L'Europe unie face au christianisme Aldino Cazzago : Jean-Paul II : l'Europe dont je rêve Dans un parcours historique des interventions pontificales, l'article montre que Jean-Paul II s'est attaché sans relâche à défendre la vocation spirituelle de l'Europe enracinée dans le christianisme qui, seule, peut faire d'elle une communauté pleinement humaine. Ysabel de Andia : Ecclesia in Europa Expert au Synode des évêques pour l'Europe, l'auteur tire les conclusions de l'exhortation Ecclesia in Europa qui, devant "l'apostasie silencieuse" d'une Europe rejetant ses racines chrétiennes, l'invite à revenir au Christ, source de toute Espérance : c'est dans la fidélité à sa vocation spirituelle qu'elle peut réussir à intégrer de nouveaux pays et à promouvoir une mondialisation solidaire ; de Benoît à Edith Stein, ses saints patrons lui montrent la voie à suivre. Rémi Brague : Le christianisme comme forme de la culture européenne On ne peut faire du christianisme un des contenus de la culture européenne : ill offre ce caractère unique d'être une religion et rien d'autre qui, dans sa dépendance du judaïsme qui l'a précédé et du cadre culturel gréco-latin où il s'est établi, a instauré avec eux une relation spécifique : il n'en a pas seulement hérité, il les a acceptés dans un rapport de reconnaissance fait de gratitude et de respect. Olivier Chaline : Ni maîtresse ni servante : l'Eglise et l'Europe en voie d'union Le christianisme peut aider l'Europe en voie d'union politique en l'empêchant de se refermer sur ses habitants, en lui rappelant qu'elle n'est pas sa propre fin et en lui opposant des limitations, voire des forces de résistance le cas échéant. Piotr M. A. Cywkinski et Marcin Przeciszewski : L'Eglise en Pologne après 1989 face aux nouveaux défis de la démocratie Comme son titre l'indique, l'article donne une analyse détaillée de l'évolution du catholicisme polonais depuis que la Pologne est libérée du régime communiste, jusqu'à son intégration à l'union européenne, fortement appuyée par le pape Jean-Paul II et l'épiscopat polonais. De Jean-Paul II à Benoît XVI Serge Landes : Action de grâces Il serait aujourd'hui prématuré de comprendre dans son intégralité le pontificat qui vient de s'achever, il est encore bon de méditer de quelle façon, dans son agonie et sa mort, Jean-Paul II est resté jusqu'au terme de sa vie configuré au Christ. Jean-Robert Armogathe : La Méditation sur l'Eglise de Benoît XVI Avant de devenir pape, le cardinal Joseph Ratzinger avait, de longue date, élaboré une oeuvre théologique personnelle, centrée sur la présence de l'Eglise dans l'histoire des hommes. Dans cette perspective ecclésiologique, il est possible de formuler un oecuménisme de communion. Signets Xavier Tilliette : Claudel bibliste Durant les vingt dernières années de sa vie, Claudel, le poète qui "aimait la Bible" , s'est "agenouillé à l'Ecriture Sainte... . , avec un entrain, une alacrité, une allégresse qui ont constamment accru son bonheur et régénéré son écriture" . Christophe Dufour : La religion populaire : Pastorale diocésaine et "Ostensions" dans le Limousin Comment un évêque peut-il réagir en découvrant dans son diocèse une tradition religieuse qui, depuis le Moyen Age, mobilise l'ensemble d'une population dite déchristianisée ? Serviteur de son peuple, le pasteur reconnaît là une manifestation de sa foi et voit un lien entre l'évangélisation et cette forme de religion populaire, veillant à la purifier de toute superstition et à s'appuyer sur le sens mystique et la prière qui habitent le coeur de ses ouailles. Didier Laroque : My Architect. A son's journey Le film de Nathaniel Kahn, en reconstituant la vie de son père, un des plus grands architectes américains, permet de réfléchir sur la relation entre volonté d'art et vie morale, exigence de cohérence démentie par l'opinion qui fait de l'artiste un être voué au dérèglement. Le film, tout en montrant la souffrance filiale qui est le prix du génie paternel, est à l'unisson de l'oeuvre du Bâtisseur par la qualité des images et la profondeur de vue de l'Ecriture du Fils. Jean Clapier : Thérèse de Lisieux et la souffrance humaine Thérèse de Lisieux a trouvé dans l'expérience de da souffrance, vécue dans l'amour de Jésus, le sens de sa vocation : participer, en union avec le Crucifié, à son oeuvre de rédemption. C'est ce dont témoignent les textes réunis dans cet article.

06/2005

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Thèmes photo

Lost Shadows

En Camargue, Marco Rigamonti a rencontré un monde premier, l'eau et la terre épousant leurs intensités sous un ciel de lumière pure. Les paysages qu'il contemple sont silencieux. L'homme est passé par là, qui disparaîtra plus vite que la forme des lieux. Percevant les correspondances entre les objets façonnés et le territoire qui les porte, le photographe aborde l'espace comme on le respire, calmement, les poumons se remplissant d'air, puis se vidant. Ses images sont ainsi dépouillées d'affects faciles ou de sentimentalité, la psychologie étant le plus souvent une taie entre le regardeur et les scènes qu'il reçoit. Au pays des manades, Marco Rigamonti propose un voyage dans l'ocre et la grâce de toute présence, entre allègement du moi et solennité très ancienne. Il y a dans ses rectangles de vision de la gravité, mais aussi de l'absurde et de l'humour spontané, sans moquerie. L'émouvante intimité des choses y rencontre le saugrenu, ou l'incongru, et l'éclat de la vérité de ce qui est, simplement baigné de soleil, la malice du spectateur. On entre en ses photographies comme on pénètre dans une arène sans savoir d'où viendra l'animal qu'il nous faudra affronter dans un combat plus spirituel que physique. Les signes de la culture camarguaise sont montrés, entre sentiment de survivance de l'ethos d'un peuple et surprise d'advenue. Si l'on perçoit ici de l'oisiveté, ce n'est pas au sens du vice que déploraient nos grands-mères, et les affairés du Spectacle tournant sans fin dans le vide, mais au sens du souci du soi des Antiques, cette sagesse dans l'approche du temps et des corps jetés dans l'impermanence. C'est une attente sans drame sous la brise chaude, ou les rayons de plomb, une conscience de la maturation nécessaire pour que chaque entité - végétale, animale, humaine - arrive à son terme en développant le meilleur de son suc. Marco Rigamonti a photographié un Far-West français à la fois drôle et sauvage, ouvert à tous les êtres ayant su préserver leur part d'indocilité, leur liberté, leur grain de folie. La Camargue qu'il révèle, sèche et recouverte d'eau séminale, est une puissance, un royaume camarade pour les solitaires, un désert où affronter, front droit, la Camarde. Dans le dialogisme de ses images, un tuyau d'arrosage est bien plus qu'une ligne de caoutchouc serpentant dans le sable, c'est aussi, dans la conversation secrète des formes, l'arcature surplombant une fontaine en construction, le rail d'un train fantôme, ou la courbe délicieuse d'un tobogan. S'il est identifiable sur une carte de géographie, l'espace qu'arpente l'artiste italien est aussi de l'ordre d'une cosa mentale peuplée de signes pouvant paraître étranges pour les non-initiés, comme des archétypes sibyllins. On peut penser à la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico, et à la sensation troublante d'un monde de pure autonomie échappant à la causalité ordinaire. En ces territoires de sable et de poussière, des Aliens débarqueront peut-être, les tables de pique-nique arachnéennes n'étant d'ailleurs pas sans rappeler tel épisode fameux de La Guerre des étoiles. Par petites touches et décalages de détails, presque imperceptiblement, Marco Rigamonti nous fait entrer dans une fiction où un homme torée une camionnette, et où les éléments de la réalité semblent concourir à la construction d'un vaste trompe-l'oeil. Plane en ce pays unique, et rempli d'artefacts, une âme taurine gigantesque, comme si le moindre acte, la moindre scène, était regardée par qui a déjà été soumis au combat ultime, et l'a perdu. Voyant défiler les grandes étapes de son cadre familier, le bel animal trépassé prend le temps, luxe pour une noble bête à cornes élevée pour la lutte - mais l'éternité n'est pas pressée -, d'aller flâner du côté de Piémanson, de ses caravanes parfois éventrées, de ses pirates, de ses baigneuses graciles et de ses touristes égarés. Par la stupeur sereine de ses images, et leur douce ironie, le photographe affirme qu'il n'y a pas de pureté identitaire, mais un jeu, certes sérieux, intime, avec les codes de l'appartenance, ce qui ne peut que réjouir. Faulkner l'écrivait : "Le temps ne passe pas, il n'est même pas passé". Fabien Ribery

09/2023

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Beaux arts

Picasso

A la fois biographique et réflexive, cette monographie cherche à répondre à un certain nombre de questions que soulèvent le tempérament artistique et l'oeuvre exceptionnelle de Picasso surgis à une époque non moins exceptionnelle. Picasso y est considéré en fonction de sa situation en son temps, au sens le plus large du mot, bien au-delà des amitiés et des rivalités strictement artistiques du milieu parisien et français. Lui-même par nombre de ses prises de position n'a-t-il pas affirmé qu'il refusait de s'enfermer dans l'atelier et se réservait le droit d'intervenir dans les affaires du monde - d'y réagir et de leur répondre ? C'est donc d'un Picasso résolument moderne parce que constamment et consciemment confronté à la modernité du monde qu'il s'agira de montrer : comment il laisse cette modernité pénétrer dans ses travaux - matériaux, images, techniques, inventions - et comment, en réaction contre elle, il donne forme picturale ou sculpturale à des archétypes - à des passions, à des pulsions- dont, à ses yeux en tout cas, la permanence atteste de l'intemporalité. Mouvement d'acceptation mouvement de refus : cette confrontation sans trêve est, peut-être, l'explication la plus satisfaisante que l'on puisse avancer de la volonté de changement qui l'a animé au point de laisser l'oeuvre la plus polymorphe et la plus diverse de toute l'histoire de l'art. La réflexion se développe ainsi en quatre mouvements. Le premier, qui s'achève peu avant que la Première Guerre Mondiale révèle la face terrible de la modernité scientifique et industrielle, est celui de l'ouverture à toutes les modernités. La traversée rapide des styles artistiques issus de la Renaissance - de ce qui a été l'art et son histoire jusqu'alors- conduit au moment critique par excellence : le primitivisme, qui peut être pensé comme la négation résolue du moderne, et le cubisme, qui apparaît à l'inverse comme son acceptation et la façon la plus radicale d'en tirer les conséquences plastiques. Le deuxième, dont la conjonction du cubisme et d'un dessin quasi ingresque à Avignon au début de l'été 14 marque le commencement et qui dure jusqu'au début des années 30, se caractérise à l'évidence par la simultanéité de pratiques et de styles si distincts qu'on peut les penser incompatibles, le post-cubisme qui ne disparaît pas, le "néo-classicisme" et l'invention d'une autre peinture encore. Cette période pourrait être dite celle de l'artiste "maître du monde" , puisque capable de donner à chaque sujet et à chaque sentiment sa forme visuelle la plus juste - maîtrise qui est aussi celle d'une "vedette" à la prospérité visible, soupçonnable d'embourgeoisement ; celle, en somme, d'un Picasso assuré de ses moyens et de sa logique, de sa position et de sa gloire. La troisième se place sous le signe des monstres, quand la maîtrise maintenue pendant une quinzaine d'années éclate sous la pression d'évènements publics et privés qui sont tous de l'ordre du désordre et du drame. Il n'y aura pas d'ordre, il n'aura que des tragédies. Il n'y a donc plus lieu de maintenir l'équilibre complémentaire entre plusieurs styles, mais de se précipiter dans l'expérimentation, du côté des terreurs et des crimes avec pour principaux compagnons les surréalistes et surtout André Breton. A moins que l'on ne veuille reconnaître dans l'oeuvre picassienne des années 30 et 40 quelque chose comme l'équivalent de l'analyse freudienne - celle du "malaise dans la civilisation" qui tourne à la catastrophe. Ces vérités montrées, que reste-t-il à faire ? D'une part à pousser à ses extrémités les plus affolantes l'expérience de la violence - ce qui a donné la "dernière période" de l'oeuvre selon les terminologies habituelles, longtemps la moins admise et la plus redoutée. Et d'autre part à démontrer par la reprise et la mise à nu de leurs toiles que les grands prédécesseurs de Picasso avaient donné de l'humanité des représentations qu'il suffit de durcir pour y reconnaître les scènes d'Eros et de Thanatos, les Femmes d'Alger et le Massacre des Innocents, le Déjeuner sur l'herbe et L'enlèvement des Sabines. Dans un monde occidental qui se glorifie de ses nouveautés et de sa prospérité, le vieux Picasso rappelle inlassablement - et non sans une cruauté désabusée- que l'histoire est vouée à finir par des désastres - y compris l'histoire de l'art du reste.

10/2008

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Littérature étrangère

Tous les jours sont des nuits

Elle s’appelle Gillian, elle est belle, elle a du succès, elle est aimée. Mais le début du livre renvoie toutes ces phrases au passé, y compris la première. Est-elle en effet encore Gillian au moment où débute le roman ? N’a-t-elle pas tout perdu, jusqu’au reflet d’elle-même ? Une nuit, au retour d’une soirée trop arrosée, après une dispute, Gillian et son mari Matthias, qui travaillent tous deux pour la télévision, ont un accident de voiture en heurtant un chevreuil sur une petite route qui traverse la forêt. Matthias, qui conduisait, meurt sur le coup. Gillian se réveille à l’hôpital et découvre qu’elle n’a plus de visage. Toute la belle façade s’écroule, tout ce qui faisait sa vie a disparu. Gillian doit subir plusieurs opérations de chirurgie plastique. Elle qui était toujours entourée, admirée, sollicitée, découvre la solitude et l’absence de vraie amitié. Même sa mère n’ose plus aller la voir. Pour Gillian, les jours deviennent des nuits. Après cette première partie, Peter Stamm fait un saut en arrière et raconte la rencontre entre Gillian et Herbert, un artiste qui peint des nus à partir de photos. Croisé sur un plateau de télévision, il finit, après quelques échanges de mails, par photographier et peindre Gillian nue dans son atelier. Ce sont en fait les photos de ce travail qui ont déclenché la dispute fatale avec Matthias. Ce dernier avait en effet découvert par hasard la pellicule dans un tiroir du bureau de Gillian et l’avait faite développer. Outre un fort sentiment de culpabilité, Gillian en retire l’idée que l’art peut tuer, mais aussi la conviction que sa vie n’était jusque-là qu’une simple mise en scène fondée sur les apparences. La troisième partie nous emmène sept ans plus tard. Herbert traverse une crise existentielle. Incapable de peindre depuis plusieurs années, il a finalement accepté un poste de professeur aux Beaux-Arts. Un jour, il reçoit l’invitation d’une fondation culturelle dans les montagnes de l’Engadine, qui lui donne carte blanche pour faire une exposition. Après de longues hésitations, il finit par accepter, d’autant plus que sa compagne, avec qui il a un petit garçon de sept ans maintenant, vient de le quitter. C’est là qu’il retrouve Gillian qui, après sa guérison, a fui le monde des médias et a trouvé un travail d’animatrice culturelle, loin de la ville et de ses attraits, dans le centre de loisirs qui jouxte la fondation culturelle. Peter Stamm est trop bon romancier pour confier cette rencontre au hasard : c’est en fait Gillian (qui se fait désormais appeler Jill) qui a convaincu le directeur du centre culturel d’inviter Hubert et de lui proposer de faire une exposition. Si tous les jours sont des nuits quand l’amour disparait, les nuits peuvent devenir des jours quand le bonheur d’être ensemble est là, pour reprendre les dernières lignes du sonnet de Shakespeare mis en exergue au début du livre. Mais Peter Stamm sait aussi éviter les pièges des réconciliations prématurées, c’est le prix de la liberté de ses personnages qui ne réagissent pas toujours comme on l’attend. Ici, la vie n’est pas un songe, elle est un jeu dont on doit maitriser les règles pour ne pas se faire rejeter. Mais dont on peut aussi rejeter les règles, si on en a le courage. Peter Stamm écrit comme on compose un patchwork, mêlant par assemblage de phrases courtes, des éléments parfois très dissemblables (souvent des notations psychologiques et des détails apparents ou bien des sensations physiques et des sensations mentales) qui, avec le recul, composent sans pathos la densité d’une histoire à la fois ordinaire et hors du commun, dans la mesure où la banalité des gestes et des pensées retrouvent mystère et intensité grâce à une prose discrète dont la simplicité et la naïveté apparentes sont d’une précision chirurgicale. Les personnages de Peter Stamm mettent ici en scène la possibilité de changer de vie après une brusque catastrophe ou même simplement une banale vie d’ennui et d’erreurs. Ainsi, après son accident et le deuil une fois surmonté, Gillian ne se laisse pas écraser par le chagrin, le regret, le remords : elle accepte la perte et tente de construire une nouvelle existence sur des valeurs qui ne sont désormais plus extérieures à ce qu’elle est au fond d’elle-même. Il n’en sera peut-être pas de même pour Hubert qui, après de merveilleux mois passés avec Jill, semble prêt à se laisser de nouveau happer par l’habitude et le confort d’une vie qui n’est autre que la répétition annoncée de l’échec. Peter Stamm ne nous dit pas tout. Il n’a d’ailleurs jamais tout dit au fil de ce roman, mais beaucoup suggéré, et les harmoniques du possible vibrent encore longtemps dans notre mémoire, une fois le livre refermé.

08/2014

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Théâtre - Pièces

Théâtre 2002-2017. Tome 2

Ce volume fait suite à Théâtre 1987-2001 et reprend huit pièces de Pascal Rambert déjà publiées entre 2005 et 2017. Mon fantôme (cantate), Toute la vie, L'Art du théâtre, Répétition, Lac, Libido sciendi, Argument,. Mon fantôme (cantate) (2005) Où est la nuit ? qui m'aimera ? et la girafe ? et le grand cerf ? et les abeilles ? et l'ours et les colonies de choses volantes et rampantes ? et le ciel ? et l'étendue ? qui peindra l'étendue ? Pour s'endormir, un enfant s'invente un personnage imaginaire avec lequel il discute. Il l'appelle Mon Fantôme. Commande de France Culture, ce texte est à destination des enfants. Toute la vie (2007) Tu m'aimes je t'aime on s'aime on est qui quand on s'aime on est qui ? on est où quand on s'aime ? on est où ? on est qui ? on est devenu qui ? Ah ! parcourt le monde. Ah ! parcourt des formes artistiques. La question : "Qu'est-ce qu'être soi-même ? " rythme son voyage. Une seule réponse : "J'avance" . Pièce d'anticipation, Toute la vie est une fresque à jouer, danser et chanter dans le futur. L'Art du théâtre (2007) L'Art du théâtre est construite en parallèle de Toute la vie. Dans cette pièce, présentée tel un manifeste par Pascal Rambert, un acteur raconte l'art du théâtre à son chien cocker. Les deux textes peuvent être indépendants ou se monter ensemble, le premier étant comme un petit Dogma du second. Répétition (2014) Je suis issu du rêve de Denis qui lui-même est issu du rêve d'Emmanuelle qui elle-même est issue du rêve d'Audrey. Nous sommes chacun des habitants du rêve de l'autre nous croyons vivre dans le monde réel mais nous vivons notre vie nous la passons dans le rêve des autres Dans l'intimité d'une répétition de théâtre, quatre acteurs s'observent. L'un après l'autre, ils prennent la parole et enflamment une mèche dévastatrice qui ne s'éteindra qu'après que les mots aient accompli la tache précise qui leur était assignée. Lac (2015) Je pensais que je ne pouvais imaginer beaucoup on m'avait toujours dit ne rêve pas on m'avait toujours dit l'imagination c'est bien beau on m'avait toujours dit ce genre d'idioties or j'ai décidé de monter sur le théâtre pour combattre cela et ça me paraît aussi important en tout cas pas moindre que de s'engager sur des terrains de conflits réels dont la mort est la sanction Pascal Rambert a écrit cette pièce pour les étudiants comédiens de la Manufacture (Bachelor Théâtre, 2012-2015), après les avoir rencontrés. "Une histoire de langue mettant en ligne seize corps moins un face à la mort, au sexe et au crime" (PR). Libido sciendi (2015) Ils montent l'escalier ils s'arre^tent ils regardent le lustre Giacometti ils respirent elle enle`ve son tee-shirt il enle`ve le sien elle de ? boutonne son pantalon les pantalons tombent ils respirent je vois la rampe en fer forge ? dix-septie`me ils se regardent ils sont nus dans le grand escalier elle monte quelques marches elle respire il la regarde elle e ? tire ses bras elle respire ils regardent le lustre Giacometti Libido sciendi est une pie`ce de danse créée au festival Montpellier Danse en 2008, dans une mise en scène de l'auteur, réactualisée en 2014 au Musée Picasso à Paris. Argument (2015) Cessez voulez-vous Annabelle ce chant funèbre l'air est lugubre le ciel bas la nuit épaisse j'ai peur si je ferme les yeux j'entends j'entends si je me concentre bien fermez les yeux écoutez écoutez entendez-vous ces coups de canons ces tirs secs des fusils l'air comme un gaz porteur met dans nos oreilles les sons de Paris écoutez écoutez on s'y bat les murailles cèdent les corps tombent on dresse la barricade ça claque l'artillerie sera sortie elle aura anéanti vos amis aux grandes idées Argument renvoie à l'histoire de la Commune, au travers d'une scène tragique et magique où les convictions conservatrices s'opposent aux forces révolutionnaires, sur fond imaginaire de toile de Jouy. Une vie (2017) Pourquoi on va au théâtre ? Pour dévorer du visage. C'est des cibles mouvantes les acteurs. On les regarde. On les suit comme ça. Ces déplacements. C'est fantastique. On voudrait pouvoir les descendre comme des cols-verts en plein vol. Pan. Pan. Leur prendre leur jolie petite gueule et les fixer. C'est ça que je fais. Je fixe. Je fixe pour les autres. Pour que les autres voient. La porosité entre l'art et la vie, entre la vie et la mort, est au centre de cette pièce qui se déroule dans un studio de radio, le temps d'une émission monographique sur un artiste. Création par La Comédie-Française dans une mise en scène de l'auteur.

11/2023

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Poésie

La Déployée / Des pas sur Moà-neige

Autrice, artiste plasticienne et commissaire d'exposition indépendante, Juliette Fontaine a déjà publié plusieurs recueils de poèmes, dont (Avant l'hiver) des fenaisons, préfacé par Yves Bonnefoy aux éditions L'entretoise en 2003 et Tu dis, aux éditions Isabelle Sauvage en 2006. Tout en continuant sa pratique artistique (dessin, vidéo, expositions, commissariats et direction du Centre d'arts plastiques d'Aubervilliers depuis 2013), elle est récemment revenue à l'écriture de manière durable et intense : ce recueil en est le témoignage le plus saisissant. Tout y résonne d'une intériorité vibrante & retenue. Quelque chose y palpite continûment : au rythme d'un intime trouvant à s'éployer ? sans s'épancher. Les mots alors figurent & paysagent. L'autre tacitement apparaît. "J'écris dans les marges du monde", dit-elle ? simplement, doucement. Et à partir d'où, en effet ? écrire ? De quel pudique endroit ? en retrait, sans être retiré/e du monde ? trouver à voir et à dire l'en-vers des choses, la jointure [des] corps ; la soudure des eaux ? Membrure du réel invisible jusque-là. De ces marges seulement. Là : seule, seulement, à l'écart du bruit du monde et de sa rumeur, peut se former, se déployer ? tu as raison délie tous tes bras ? quelque chose comme un chant : mots-musique, mots-image qui naissent du silence, trouvent là leur source : leur ombre-source précisément. Marges du monde, donc : silence _ dévalement ; germoir qui s'ouvre. Là, seulement, s'ouvre la patine noire du ciel. Là, seulement, on entend du vent le prologue et la promesse, on voit les granits et les anges ? ceux-là même qui, nuit après nuit, la rêvent, elle : l'Enigmatique, Laylâ l'obscure ? Lilith ourdie des mains. A l'orée du monde, l'oreille se tend, écoute l'eau _ la pluie Schönberg, se surprend engouffrée par l'entrée d'une aube et la parole tonnante qui vient avec. Tonnerre en effet ! : la parole habituelle ? bavarde et affairée ? vidée de ce qu'elle désigne, pour être efficace, rapidement communiquer ? parole-affolée ? se fait à nouveau pleine et sereine : alentie ; fait à nouveau paraître ce qu'elle nomme ? parole héliotrope. Parole aux couleurs nombreuses, aux senteurs odorantes, entêtantes comme la plante ? il y a ce peuplement de l'ocre, cette nausée blanche du jour aussi, que l'on sent ; parole tournée, se tournant vers le soleil, l'ombre que ce dernier fait naître & varier ? alors on voit que l'ombre sur l'herbe recule lentement / et quitte le jardin ; on perçoit la densité brute des sous-bois. L'héliotrope, c'est aussi l'instrument qui de son miroir renvoie les rayons solaires et permet(tait) l'arpentage ; mais si la parole, dans le poème & par le poème, arpente marges du monde, s'y établit furtivement, en dresse comme une "cartographie", dans les paysages et figures qu'elle évoque et convoque à la fois ? oh rive rougie des yeux ; nudité insolente des bras ? pourtant il y a dérivation nouvelle / _ lumières courbes. Car l'arpentage est du corps d'abord : mesure de ce qui ne se mesure pas ? cette grande forme immense-ouverte plus tard d'infinis, désinscrits des routes ? dont on il faudra bien tenter ? oui ! : la danse nerveuse des mésanges ? de prendre la mesure ? l'ampleur et le rythme, le pouls aussi ? dans l'ajustement des pas : marchant, c'est cela, dans _ à tâtons. Alors dans l'écart du Dehors ? le pli des choses ? le repli du corps ? l'approche s'invente : le corps devient désir : va à l'autre ; et dans l'étreinte tentée/tentante, inverse la nomination devenue imprécation : donne-toi ton Nom / donne-toi ton Nom ? il y a le vocable blanc des mains / offerte à la saillie lunaire ? et maintenant le creuset visité du corps. Intensité sensible qui seule mesure l'être. "J'écris dans les marges du monde", dit-elle ? simplement, doucement. Et elle veut dire qu'il est possible de laisser trace de ses pas dans ces marges, que d'autres suivront. Le bruit du monde s'atténuant & sa rumeur diminuant, il y a ce bruissement retrouvé du silence où tout vit ténûment ? de cette animalité qui caractérise alors les eaux, limpides ou troubles. Alors : l'avenir des crues / l'érection des pistils ; les loups turbulents ; cette ligue des vents limeurs et la nuit partout est une mer de lait. Car écrire dans les marges du monde, ce n'est pas seulement écrire depuis ces dernières, mais, également, s'y frayant un chemin ? nichée contractile / géologie de notre langue ? ou le découvrant opportunément ? passage inattendu pour des pas dans la neige ? venir tracer dans cet espace signes et voies : lignes d'erre que d'autres à leur gré suivront par la souche effleurée des réminiscences. Et alors, forpaysés, on trouvera devant soi l'empreinte des doigts sur la roche ? tout un poème. "J'écris dans les marges du monde", dit-elle.

05/2023

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Notions

L'incommensurable, l'inouï, la vraie vie

L'incommensurable, l'inouï et la vraie vie Présentation L'incommensurable, l'inouï, la vraie vie sont les titres d'ouvrages de François Jullien. Ce sont trois concepts qui forment un triangle isocèle dont l'incommensurable et l'inouï sont les deux angles de base et la vraie vie le sommet. L'incommensurable dit la fêlure qui se découvre en beaucoup de points de notre expérience : tout n'y est pas bord-à-bord ou de plain-pied. Comme dans les nombres incommensurables, un hiatus y subsiste qu'on peut vouloir boucher mais qui ne se réduit pas. L'incommensurable dit simplement que cela n'entre pas dans la commune mesure que constitue l'ordre des nombres. Ainsi entre le plaisir et la jouissance, qu'on dit pourtant synonymes : le premier laisse mesurer sa satisfaction, l'autre a versé dans l'oubli de toute satisfaction. Il y a de l'incommensurable également entre la relation sociale et la relation intime : on fait un saut irrésorbable de l'une à l'autre. Parce qu'elle est irréductible, cette fêlure d'incommensurable ouvre un infini dans l'expérience. L'infini n'est donc pas seulement aux extrémités de l'expérience (l'infiniment grand ou l'infiniment petit), comme on se le représente d'ordinaire. Il se découvre au coeur de l'expérience un infini irréductible qu'on ne peut éliminer : notre existence est traversée de ces fêlures d'infini. Ces ressources d'incommensurable sont à détecter, mais à garder comme des ruptures, sans vouloir les boucher par autre chose, par du Sens et de l'idéologie. En regard de l'incommensurable, l'inouï dit, non la fêlure, mais le débordement de notre expérience. L'inouï est ce qui reste à la lisière et que d'ordinaire on n'entend pas. Car l'expérience ne devient " expérience " qu'en se rangeant dans des cadres déjà constitués : elle laisse donc échapper ce qui n'y trouve pas d'emblée sa place et qui par-là demeure " in-ouï ". Cet inouï n'est pas pour autant l'extraordinaire ou l'exceptionnel avec lesquels on le confond, car il peut être au contraire le plus ordinaire. L'inouï, autrement dit, est plutôt l'autre nom du " réel ", mais du réel auquel on n'accède pas parce qu'on ne peut le ranger dans l'expérience balisée ; et c'est pourquoi on le projette par commodité à l'extrémité de notre expérience et qu'on en fait de l' " extraordinaire " ou de l' " insolite ", comme le fait dans sa définition le dictionnaire pour nous en débarrasser. Que l'inouï puisse être le plus ordinaire, se vérifie d'ailleurs le plus simplement : vivre est de tout le plus inouï. Nous ne cessons de vivre, mais sans nous rendre compte de l'inouï de vivre, parce que vivre ne se laisse pas enfermer dans les cadres et les cases de notre expérience. Aussi faut-il fêler ces cadres figés de notre expérience pour pouvoir en déborder et commencer d'en entendre l'inouï. Tel est donc l'inintégrable qui relie l'incommensurable et l'inouï et les instaure en vis-à-vis. C'est pourquoi aussi, fêlure et débordement allant de pair, il faut fêler notre langage ordinaire pour le faire déborder dans sa capacité de dire, comme notre vie dans sa capacité d'exister, et pouvoir y dire l'inouï - ce que fait la poésie. Comme l'in-commensurable, comme l'in-ouï, la " vraie vie " est également un concept à entendre en creux, de façon négative ou plutôt nég-active, même s'il s'affirme en plénitude. Car le concept de vraie vie n'énonce pas quelque vérité sur la vie ni n'indexe la vie sur une vérité, mais fait ressortir ce qui est l'opposé de la " non-vie ", de la vie qui " ne vit pas ", de la vie qui n'est pas " une vie ", qui n'est au fond qu'une apparence de vie. Sa logique n'est pas celle de la fêlure comme l'incommensurable ou du débordement comme l'inouï, mais elle est celle du dé-couvrement : retirer ce qui masque la capacité de la vie à vivre et qui l'étiole. La vraie vie, autrement dit, se révèle quand s'y dégage ce qui recouvre l'expérience de la vie au point qu'on n'en perçoit plus ni l'incommensurable ni l'inouï. C'est pourquoi le concept de vraie vie est l'aboutissement des deux autres comme à leur départ, à la fois leur horizon et leur condition. Auteurs Jean-Pierre Bompied, enseignant de philosophie, a publié récemment Penser par écart, le chantier conceptuel de François Jullien, Descartes& Ce, 2019. Linda Branco, artiste (art souterrain et art collaboratif), anime l'association Décoïncidences Pascal David, philosophe, a publié de nombreux ouvrages, Penser la Chine, interroger la philosophie avec François Jullien, Hermann, 2016 Alain Douchevsky, philosophe, collabore à la revue Approches Patrick Hochart enseigne la philosophie à l'UniversitéParisVII-Paris Diderot Etienne Klein, physicien, philosophe des sciences, a publié de nombreux ouvrages et récemment Le goût du vrai, Gallimard, 2020 François L'Yvonnet, philosophe, éditeur (Editions de l'Herne), a publié récemment François Jullien, une aventure qui a dérangé la philosophie, Grasset, 2020 François Jullien, philosophe, a commencé son travail en Chine avant de déployer sa puissance conceptuelle et sa singularité dans de multiples domaines. Il est l'un des penseurs contemporains les plus traduits dans le monde.

01/2023

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Histoire régionale

Angoulême BD. Une contre-histoire (1974-2024)

La thématique : Angoulême / la bande dessinée comme enjeu de pouvoir Le salon d'Angoulême est la queue de comète d'une longue campagne de valorisation de la bande dessinée en Europe francophone, amorcée en 1962 avec le Club des Bandes Dessinées. Le Club était une association Loi de 1901 née des lecteurs de la revue FICTION, composée de nombreuses sommités comme Alain Resnais, Francis Lacassin ou Evelyne Sullerot et ayant des antennes en Suisse, Belgique et Espagne. Par "valorisation" , il faut entendre la dimension immatérielle et matérielle, culturelle et commerciale, de ce moyen d'expression artistique. En janvier 1974, la bande dessinée est déjà reconnue comme un art à part entière, le 9ème, et elle représente un important marché dans le domaine du livre. Le salon d'Angoulême émerge en fin de ce long cycle. Malgré l'adjectif "international" affiché par les organisateurs dès sa naissance, il s'agit en réalité d'une version francophone du Salon italien de Lucca, qui préexistait depuis déjà huit années et dont les organisateurs avaient servi de parrains. C'est aussi la dernière action promotionnelle de la SOCERLID du Parisien d'origine corse Claude Moliterni. Cette société avait doublé puis enterré le Club des Bandes Dessinées. Moliterni, en charge de la Convention de (bande dessinée de) Paris depuis 1969, livre son carnet d'adresses à l'équipe du nouvel événement réunie autour de l'attaché culturel d'Angoulême, sans regret car il a perdu toute apparence de neutralité en vendant sa revue PHENIX à l'éditeur Georges Dargaud et en devenant son salarié. - "Est-ce que le terme de "Salon" utilisé pour la bande dessinée ne fait pas un peu trop "installé" ? ... Dans quel esprit avez-vous organisé ce salon ? " - "Le nom ? ! Vous savez, c'est toujours un peu pareil quand il s'agit de désigner quelque chose... Convention était déjà pris (nda : la Convention de Paris), Congrès et tout... on a pris Salon parce que ça ne veut rien dire et c'est parfait ! " Francis Groux au micro de la télévision nationale française (ORTF), lors du Salon d'Angoulême 1, Janvier 1974. "Aujourd'hui, le groupe ICON (International Comics Organisation) est devenu une maffia, rien ne peut se faire sans nous. Ce n'était pas du tout l'objectif de départ, mais ce sont les faits, certains l'ont compris à leurs dépends. . ". Claude Moliterni, extrait de LA CHARENTE LIBRE du 28 janvier 1974, au lendemain du salon Angoulême1. Si une équipe de bénévoles, chapeautée par Francis Groux, a bien attiré cet événement public au sein de sa ville, le terreau politique local était propice. La cité souffrait en effet d'un long complexe d'enclavement : isolée dans les terres loin du littoral, coincée sur son plateau entre ses murailles, sans autoroute et hors des circuits touristiques. Les élus d'Angoulême n'ont eu de cesse, année après année, de revendiquer une place à l'échelle nationale. Ils vont s'agripper à la campagne de régionalisation qui, à la fin des années soixante, marque la fin du gaullisme : Angoulême sera nommée "ville moyenne pilote" . C'est dans le cadre de cette dynamique que s'inscrit la campagne "Angoulême Art Vivant" dont sont issus les rencontres liées à la bd en 1972. Angoulême bénéficiera ensuite de la montée en puissance d'un natif du cru : le Charentais François Mitterrand... Un demi-siècle plus tard, comme toutes les institutions tentées de maîtriser le récit de leur propre histoire, le Salon devenu Festival international de la bande dessinée (FIBD) d'Angoulême a entrepris de réécrire son narratif, son "storytelling" , pour être plus conforme à la légende qu'il a entrepris d'édifier. Maintes fois retouchée, aménagée, tronquée, embellie, caviardée, l'histoire "officielle" de cet événement tel qu'il cherche à se raconter de la main même de ses promoteurs, le FIBD et son opérateur privé 9eArt+, est pleine d'oublis, de trous, de vides, d'escamotages et d'absences. Et il ne faut guère compter sur les médiateurs et les médias, majoritairement complaisants, amnésiques, approximatifs ou en affaires avec la manifestation - quand ils ne sont pas d'une servilité qui elle aussi interroge - pour poser les questions qui gênent, ou qui fâchent. Pourtant, le fil rouge qui traverse toute l'histoire de l'événement est éminemment politique - au sens le plus large et le plus générique du terme. Car ce qui se noue à Angoulême depuis un demi-siècle, autour d'un thème en apparence dénué d'enjeux d'envergure, c'est une intense, féroce et perpétuelle comédie du pouvoir - toutes les formes de pouvoir. Les personnes intéressées par la bande dessinée, donc par les politiques éditoriales des maisons d'édition, ne peuvent faire l'impasse sur ces cycles de rencontres entre amateurs et professionnels. Pour illustrer les propos de cet ouvrage, les auteurs iront puiser dans la riche iconographie de l'artiste Alain Saint-Ogan (1895-1974). Un homme qui a longtemps symbolisé "le dessin français" et qui ne s'est jamais reconnu comme un auteur de bande dessinée mais bien comme un homme de presse. Il a oeuvré dans la presse pour enfants et pour adultes. Son personnage de manchot, Alfred, l'ami de gamins Zig et Puce, a longtemps personnifié les prix délivrés aux salons de bande dessinée d'Angoulême.

02/2024

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Religion

Evangile selon Saint Luc

Le troisième évangile a été universellement reçu dans l'Eglise primitive comme l'oeuvre du médecin et disciple de saint Paul, appelé Luc. Jamais le fait n'a été contesté et dès la fin du IIe siècle les affirmations explicites attestent l'unanimité de l'adhésion à cette attribution. Le Canon dit "de Muratori", qui nous transmet l'écho de la tradition de l'Eglise Romaine, est pleinement d'accord sur ce point avec les témoignages des Eglises d'Occident et d'Orient, tels que nous les font connaître saint Irénée et Tertullien, Clément d'Alexandrie et Origène. Ce que nous savons de l'auteur révèle une physionomie très attachante. Originaire, croit-on, d'Antioche, Grec de race et d'éducation, notre évangéliste joint à la conscience du narrateur la sympathie de l'artiste, à l'objectivité de l'historien le charme d'une âme largement ouverte à tout Ce qui est humain. Il a le goût de la précision, mais non de la minutie. Parle-t-il d'institutions, de géographie, d'art nautique ou de médecine, il se montre informé, sans toutefois étaler une vaine érudition. Raconte-t-il un fait, il est moins préoccupé d'en décrire tout le détail des circonstances contingentes que d'en dégager la portée universelle. Derrière les choses, il voit les idées. Il les exprime en une langue plastique et sereine, qui se revêt parfois d'une discrète teinte sémitique, mais reste élégante en sa simplicité. Héritier de la civilisation hellénique, saint Luc en a la fierté : naïvement, comme ses contemporains, il appellera "barbares" les habitants de Malte qui ne parlent pas le grec. Mais il n'a pas fermé les yeux sur les misères qui accompagnaient cette brillante culture. Il semble avoir entendu de la gentilité les poignants appels vers le Dieu inconnu. Il aurait pu chercher dans la philosophie la réponse des sages. Il fit mieux, il devint le disciple de Paul qui fut son "illuminateur" dans la voie du Seigneur Jésus. Non qu'il ait été par lui converti au christianisme, car l'Apôtre ne l'appelle jamais son fils. Mais après avoir été fait chrétien, probablement par les premiers prédicateurs de l'Evangile, qui vinrent de bonne heure à Antioche, il trouva dans saint Paul le maître incomparable qui lui donna l'intelligence du mystère de Jésus-Christ. S'il reçut en effet des témoins immédiats les matériaux de son récit, il apprit de l'Apôtre à en mettre en lumière les pensées directrices notamment cette "philanthropie" de Dieu, qui par le Christ et dans le Christ, appelle tous les hommes, sans distinction de caste ni de race, à l'unité du salut, et dont le mystère, caché aux siècles et aux générations, maintenant révélé aux saints, a éclairé la nuit du paganisme d'une lueur d'espérance. Ainsi l'auteur du troisième évangile se présente à nous avec l'autorité, non seulement de sa culture, mais de sa foi. Celle-ci, loin de l'exposer à fausser l'image des faits, avive en lui le besoin de la retracer avec exactitude. Elle rend son intelligence exigeante. Elle stimule la curiosité de ses enquêtes auprès des autorités incontestables. Elle ajoute une garantie à ses dires. De la vie de l'évangéliste nous ne connaissons guère que ce que nous laisse entrevoir le livre des Actes. A Troas, Luc rencontre Paul, lors de sa seconde grande expédition apostolique, vers l'an 50. Il le suit en Macédoine, il s'en sépare quand l'Apôtre, en compagnie de Silas, gagne Thessalonique. Six ans plus tard, vers 56-57, lorsque Paul, revenant de Grèce, traverse la Macédoine, Luc le retrouve à Philippes. Il se rend avec lui à Jérusalem et à Césarée. La captivité de l'Apôtre lui procure alors des loisirs. Il dut en profiter pour parfaire sa documentation sur la vie du Christ. A ce moment, en 57- 59, des témoins oculaires pouvaient être encore interrogés : il y avait Jacques, dit "le frère du Seigneur", et les anciens de Jérusalem, plusieurs des saintes femmes et des disciples de la première heure, comme Mnason le Cypriote, le prophète Agabos, le diacre Philippe, père de quatre filles prophétesses ! Il y avait peut-être aussi la très sainte Vierge Marie, qui aurait eu entre soixante-quinze et quatre-vingts ans, et dont les confidences expliqueraient la fraîcheur que gardent dans le troisième évangile les récits de l'enfance de Jésus. Quand saint Paul quitte Césarée pour aller à Rome devant le tribunal de César, saint Luc s'embarque avec lui. A Rome, il collaborera, ainsi que plusieurs autres ; dont l'évangéliste saint Marc, à la propagation de la foi chrétienne par le grand apôtre. Cette époque est plus probablement celle de la rédaction définitive du livre des Actes. Saint Luc avait déjà écrit son évangile. D'anciens prologues anonymes, dont le prototype grec remonte au IIIe siècle et peut-être même à la fin du second, en placent la composition en Achaïe. Telle est également l'opinion de saint Jérôme. De fait, tout suggère qu'il a été composé dans un milieu grec, peut-être à Corinthe, sans exclure l'hypothèse de son achèvement à Rome vers 63-64. Saint Luc demeurera un certain temps dans cette ville. Il est nommé parmi ceux au nom desquels saint Paul salue les chrétiens de Colosses et Philémon en des écrits qui datent de sa captivité. Mais il n'est plus mentionné dans l'épître aux Philippiens. Aurait-il déjà quitté Rome ? La chose est d'autant plus vraisemblable que saint Paul est seul lors de sa comparution devant César. Acquitté une première fois, saint Paul fut de nouveau arrêté par la police de Néron, et saint Luc reparaît auprès de lui pendant cette seconde captivité, qui devait aboutir au martyre de l'Apôtre. Sur les dernières années de l'évangéliste nous ne possédons que des traditions incertaines. Des anciens prologues dont nous avons parlé, les uns le font mourir en Béotie, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, les autres en Bithynie, à l'âge de soixante-quatorze ou quatre-vingt-quatre ans, ayant gardé la chasteté dès son enfance.

01/1952

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Critique littéraire

Études anglaises - N°1/2015

Agnès DERAIL-IMBERT Eros et Arès : les enfants de la guerre dans Billy Budd, Sailor de Melville Cette étude se propose de lire Billy Budd, Sailor comme une fable juridique qui dramatise, dans un double contexte de guerre et de mutinerie, le conflit entre la violence d'une innocence exceptionnelle (Billy) et celle du mal absolu (Claggart). L'une et l'autre, hors la loi, recèle une menace insurrectionnelle que la souveraineté politique (celle du capitaine Vere), pour se maintenir, doit réprimer. Le jugement de Vere - l'exécution de Budd -, s'exerçant au nom de la violence légale, met en oeuvre une stratégie qui enrôle la puissance cohésive d'Eros au service de la loi mar- tiale, dans une opération qui vise à naturaliser et à sublimer la violence arbitraire de l'état d'exception. Against a backdrop of war and mutiny, Billy Budd, Sailor can be read as a juridical drama staging the conflict between the exceptional violence of utmost innocence (Billy's) and that of absolute evil (Claggart's). Both infringe the law and both are pregnant with a threat of insurrection which political sovereignty (captain Vere's) must eradicate for the sake of its own integrity. Vere's sentence condemning Budd to death in the name of legal violence partakes of a complex strategy whose aim is to summon Eros's cohesive power in order to buttress martial law and to naturalize and sublimate the arbitrary violence of the state of exception. Michael GILLESPIE The Picture of Dorian Gray as a Postmodern Work Despite the wide range of interpretative approaches to The Picture of Dorian Gray that have appeared since its publication, all seem to assume that a particular set of values or beliefs-traditional Judeo-Christian morality, cultural attitudes, nationa- list dispositions, or queer inclinations-is integral to Wilde's narrative. This essay challenges the value of any metaphysical reading by asserting that the world of The Picture of Dorian Gray is delineated in strictly physical terms and so is best as a Post-Modern work. Through close reading, this essay shows key points in the narrative that highlight the absence of all values and that underscore the view that characters behave according to strictly material considerations. In the end the essay concludes that Wilde presents a world as grim and bleak as anything found in the works of Samuel Beckett. Malgré les nombreuses interprétations dont a fait l'objet The Picture of Dorian Gray depuis sa publication, tous les critiques semblent penser qu'un ensemble de valeurs ou de croyances-qu'il s'agisse de la morale judéo-chrétienne, de positions culturelles, de dispositions nationalistes ou de l'homosexualité-fait partie inté- grante du roman de Wilde. Cet essai remet en question la pertinence de toute lec- ture métaphysique en affirmant que le monde de The Picture of Dorian Gray est délimité en termes strictement physiques et que l'on ici affaire plutôt à une oeuvre post-moderne. En se fondant sur une lecture détaillée, cet essai montre que des points-clés dans le récit mettent en évidence l'absence de toute valeur et soulignent l'idée que les personnages se comportent en fonction de considérations purement matérielles. En conclusion, cet article souligne que Wilde donne à voir un monde aussi sombre que celui de Samuel Beckett. Christopher S. NASSAAR Hidden Meanings and the Failure of Art : Wilde's A Woman of No Importance Complexity is the hallmark of Oscar Wilde's mature works. From "Lord Arthur Savile's Crime" through The Picture of Dorian Gray and Salome, there is an incre- dible amount of complexity wherever we look. When we reach A Woman of No Importance, however, the complexity apparently disappears, and the play is usually read as a conventional Victorian melodrama. A deeper look at the play reveals veiled references to Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot and Baudelaire. The refe- rences point to a deep hidden meaning in the play. Traced carefully, they reveal Mrs. Arbuthnot as a deeply corrupt woman who is unaware of the dark recesses of evil within herself. Unfortunately, this suppressed undercurrent of meaning is too dee- ply buried and very difficult to detect, which has led people in general to accept the surface meaning as the true one. The play is thus a stylistic failure, although its veiled thematic content is quite profound. La complexité caractérise les oeuvres d'Oscar Wilde, de "Lord Arthur Savile's Crime" jusqu'à The Picture of Dorian Gray et Salome, alors que, dans A Woman of No Importance, celle-ci paraît moins évidente, la pièce étant le plus souvent lue comme un mélodrame victorien conventionnel. Cependant, si on analyse la pièce de plus près, on y décèle des références voilées à Farquhar, Hawthorne, Arbuthnot et Baudelaire. Celles-ci soulignent qu'il y a dans la pièce un sens caché, et une analyse détaillée révèle que Mrs Arbuthnot est en fait une femme corrompue et inconsciente du mal tapi en elle. Malheureusement, parce que celui-ci est profondément enfoui, on s'en est souvent tenu à une lecture superficielle de la pièce. Celle-ci est donc, en un sens, un échec stylistique en dépit de sa profondeur thématique. Nathalie SAUDO-WELBY Narratorial authority in Sarah Grand's Beth Book (1897) The Beth Book, a partly autobiographical narrative, is a feminist Bildungsroman told in the third person. Historical, religious and scientifc discourses combine to give authority to the narrator's vision of Beth, so that the narrator is fnally in a position to award Beth the title of female genius. Yet, very little is said of the con- tent of Beth's "art for man's sake ;" the title and the content of her non-fction book are not described ; and the novel's last words are the name of her "Knight, " a writer who believes in woman's genius to reveal man's own. Avoiding the most direct form of didacticism, Sarah Grand has shifted the emphasis away from Beth's message to women to the narrator's work of authorizing Beth to progress to her position of public speaker. In the process, this narrator is given a historical consciousness and a sex. The Beth Book est un roman d'apprentissage féministe au contenu en partie auto- biographique. Fondant son autorité sur une analyse historique et un discours reli- gieux et scientifque, l'instance narrative fnit par octroyer à Beth le titre de génie féminin. Pourtant, un vide entoure le contenu de "l'art pour l'homme" de Beth ; de son ouvrage, on ne sait ni le titre ni le contenu mais seulement qu'il ne s'agit pas de fction ; les derniers mots du roman sont le nom de son "Chevalier" , un écri- vain qui croit que le génie des femmes consiste à susciter celui des hommes. Tout en évitant les formes de didactisme les plus directes, Sarah Grand a placé au centre de son roman engagé la tâche de la narratrice omnisciente qui va faire progresser Beth en position d'orateur de génie. Au cours de ce processus, la narratrice acquiert une conscience historique et un sexe. Pierre LONGUENESSE Yeats et le mélange des genres : du texte à la scène Dans le projet de "théâtre de l'imagination" formulé par Yeats dès 1890, le Verbe poétique est porteur d'un pouvoir visionnaire, par la performativité de son énoncia- tion concrète portée par le corps de ce que l'on n'appelle pas encore, avec Georges Banu, un "acteur-poète" . Ce projet fait de l'écriture dramatique un objet multi- forme, où le drame n'a de sens que mis en tension par ce qui le "menace" dans sa pureté générique : la narration, le chant, la danse. ll conduit le dramaturge vers des collaborations audacieuses sur les scènes de ses créations, entre musiciens, compo- siteurs, et danseurs. En somme, loin de "menacer" son théâtre, ces figures d'un "hors-champ" artistique sont ce qui en constitue l'expression par excellence, puisque, par le théâtre, est dévolu au verbe le pouvoir extra-ordinaire de faire sur- gir, par sa physicalité propre, aussi bien le souffle du chant que le rythme du corps dansant. In the "Theatre of Imagination" conceived by Yeats in the 1890s, the poetic Verb is given the power to create visions through the concrete physicality of its uttering by the performing body of what Georges Banu will later call an "acteur-poète". This project transforms dramatic writing process into the creation of a multiform object, in which the issue of the drama is brought out by the tension between oppo- site mediums : theatre on the one hand, singing, dance, tale on the other hand... This exploration involves Yeats in original collaborations on stage with composers, musicians, and dancers. In short, these manifestations of an artistic "hors-champ, " far from threatening the drama, become on the contrary the core of its expression, as a new power is, on stage, devoted to the Verb : the extra-ordinary power to arise the pneuma of singing as well as the rhythm of the dancing body. Anne MOUNIC "To tell and be told" : war poetry as the "transmission of sympathy" War poetry raises a paradox : the destructive collective imposition which weighed upon each soldier during the Great War triggered off new individual awareness and led to a questioning of the values that had prevailed until then, and notably idealis- tic philosophy. Discussing the paradox, we shall oppose tragedy and the individual epic, catharsis and empathy, the choice of death and the choice of life. The Great War writings will be placed in their literary and philosophical context, before and after. La poésie de guerre soulève un paradoxe : la contrainte collective de destruction qui pesa sur chaque soldat durant la Grande Guerre suscita une nouvelle conscience singulière, menant à un questionnement des valeurs et, notamment, de la philoso- phie idéaliste. Discutant ce paradoxe, nous opposerons la tragédie à l'épopée indi- viduelle, la catharsis à l'empathie, le choix de la mort à celui de la vie. Les écrits de la Grande Guerre seront placés dans leur contexte littéraire et philosophique, avant et après. Olivier HERCEND Cinema, the mind and the reader in Virginia Woolf's The Mark On the Wall Taking up David Trotter's Cinema and Modernism, this article emphasises the strong links that exist between Virginia Woolf's thoughts on cinema and the new techniques and notions that she develops in "The Mark on the Wall. " Indeed, her depiction of the mind's process fosters the image of a fragmented world, a succes- sion of images that come under no authoritative order or meaning : a mere mon- tage. But cinema also contains the promise of an artistic answer to the fragmentation of the modern condition. Through a renewal of textual co-operation, Woolf opens her reader to the possibilities of what I choose to call an "aesthetics of juxtaposi- tion. " Reprenant les idées exprimées dans Cinema and Modernism, de David Trotter, cet article relie la pensée de Virginia Woolf sur le cinéma aux techniques et aux notions nouvelles qu'elle développe dans "The Mark on the Wall" . De fait, en tentant de décrire le fonctionnement de l'esprit, elle fait naître l'image d'un monde fragmenté, une succession d'images qui ne tombent sous l'autorité d'aucun ordre ni d'aucune signification essentiels : en un mot, un montage. Mais le cinéma est également la source d'une réponse artistique à la fragmentation de la condition moderne. En renouvelant les modalités de la coopération textuelle, Woolf ouvre son lecteur aux possibilités d'une "esthétique de la juxtaposition" . Antonia RIGAUD Les Europeras de John Cage : de l'opéra au cirque Cet article interroge le rapport ambigu qu'entretint John Cage avec le théâtre tout au long de sa carrière. Influencé très tôt par Artaud et Stein, il ne cesse de faire référence au théâtre et conçoit son art comme une réflexion sur la théâtralité et la notion de performance. Ses Europeras, à la fin de sa carrière, permettent de mettre en avant la manière dont il a cherché à la fois à inscrire ses expérimentations artis- tiques dans le champ théâtral tout en faisant sortir le théâtre des codes mêmes de la scène. La place centrale que Cage donne au théâtre, bien qu'il ne produise que de très rares oeuvres théâtrales, témoigne de son désir de penser le théâtre non pas en tant que médium mais en tant que lieu d'expérimentation. This article addresses John Cage's ambiguous relationship with theatre throughout his career. Influenced early by Artaud and Stein, he often referred to theatre and understood his own art project as a reflection on theatricality and performance. The Europeras, written late in his career, testify to his attempt to associate his artistic experimentation with theater while pushing on the limits of theatre. The prominent position Cage gave to the theatre in contrast to the rarity of his theatrical work pieces is emblematic of his ambition to re-think the theatre as a locus of experimentation.

09/2015