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Voltaire ironie

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Critique littéraire

Introduction à l'Iliade. Edition bilingue français-grec ancien

Louée depuis l'Antiquité la plus haute, l'Iliade, de même que l'Odyssée, n'a jamais cessé d'être chantée, apprise et commentée par des générations de lecteurs fervents. Chantés par les aèdes dans toutes les cours aristocratiques, les quelques 16 000 vers de l'Iliade relatent cependant une période très brève des événements de la Guerre de Troie, la destruction de la cité de Priam, autour d'un personnage central, l'ombrageux Achille. Curieuse tradition que celle qui choisit de fonder sa culture sur la chute d'une autre, ainsi que sur le récit de vaines querelles, tant humaines que divines ! Les paradoxes liés à l'Iliade sont multiples : l'oeuvre la plus connues de l'Antiquité, dont les manuscrits sont les plus nombreux, est aussi une des plus obscures. Rares sont les certitudes, notamment en ce qui concerne Homère : l'auteur de l'Iliade aurait vécu en Ionie, peut-être au milieu du VIIIe siècle, mais, malgré les hypothèses pléthoriques des homérisants, force est de constater que tout le reste est littérature ! Reste le texte, "bien pour l'éternité", selon l'expression de Thucydide, et l'un des plus grands chefs-d'oeuvre de la culture européenne. A ce trésor de la littérature grecque, il fallait un écrin, et l'édition de Paul Mazon en est un de choix. Celle-ci rassemble en quatre volumes les 24 chants de l'Iliade auxquels il convient d'ajouter un volume d'introduction générale. La toujours belle et fidèle traduction de Paul Mazon est secondée par l'érudition, entre autres, de Pierre Chantraine. Des notes accompagnent la lecture, tandis que chaque tome est précédé d'une préface qui lui est propre. Le lecteur soucieux d'approfondir trouvera dans l'Introduction générale un état des lieux de la question homérique ainsi que de précieuses remarques linguistiques. Le tome IV contient en outre un Index.

01/1968

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Sciences politiques

Mon combat contre la dictature Algérienne

L'homme à abattre - Un cailloux dans la chaussure algérienne Rachid Nekkaz est l'un des principaux opposants au régime algérien. Il a été l'un des initiateurs du Hirak, manifestations de masse qui ont redonné espoir au peuple algérien entre 2019 et 2021. Il est aujourd'hui en résidence surveillée après avoir été emprisonné pendant 443 jours dans une prison à Alger. Dans ce livre, Rachid Nekkaz raconte son parcours extraordinaire depuis sa cité en banlieue parisienne jusqu'aux portes de la présidentielle algérienne, acclamé par des dizaines de milliers de jeunes qui voyaient en lui l'espoir d'un avenir meilleur. Pourtant, rien ne prédisposait ce pur produit de la culture française, passionné de Voltaire, à devenir l'ambassadeur d'un peuple opprimé et étouffé par un régime autoritaire qui confond opposition et trahison. Pendant six ans, sa simplicité naturelle et ses 1300 vidéos live participatives sur Facebook (1, 8 millions d'abonnés) et Youtube (236. 000 abonnés) lui ont permis de libérer la parole et de redonner confiance à tout un pays élevé depuis 60 ans dans la peur des puissants services de sécurité, coresponsables avec les islamistes intégristes de la mort de 200 000 victimes et de 18 000 disparus lors de la terrible décennie noire des années 1990. Tout a commencé par une promesse faite à son père peu avant qu'il ne soit terrassé par un cancer de la prostate dont il héritera. Malgré une langue arabe approximative, il a réussi petit à petit à se faire aimer et adopter par la majorité de la jeunesse grâce à son incroyable culot, un courage exceptionnel et une présence sur le terrain en marchant 3124 km à pied à la rencontre de la population à travers les plaines, les montagnes et les déserts algériens en s'inspirant de la marche du sel de Gandhi. Le régime en place - ayant eu très peur de la popularité grandissante de Rachid Nekkaz qui s'attaquait frontalement avec des preuves de la corruption des élites dirigeantes - a décidé en 2016 de modifier la Constitution pour l'empêcher de candidater aux élections à cause de la nationalité française qu'il avait acquise à sa naissance. Anticipant les évènements, il a échafaudé secrètement un plan B avec l'idée stupéfiante de présenter à sa place son cousin homonyme, mécanicien de profession. Si le régime n'avait pas annulé les élections du 18 avril 2019, l'enfant des cités serait devenu le 1er Président démocratiquement élu depuis l'indépendance en juillet 1962. Son rêve de démocratie se brisera dans les geôles d'Alger où il y restera 443 nuits. Rachid Nekkaz est né en France où il vivra pendant 40 ans avant de renoncer à sa nationalité française en 2013 et de s'engager corps et âme pour la démocratie dans son pays d'origine, l'Algérie. Diplômé d'histoire à la Sorbonne et militant des droits de l'homme, il était le principal opposant au 5ème mandat de l'ancien président grabataire Abdelaziz Bouteflika en mars 2019. Il a également un des premiers initiateurs du Hirak, manifestations de masse en Algérie, qui a redonné espoir au peuple algérien. Rachid Nekkaz a écrit 4 livres dont un livre-entretien avec les 7 chefs d'Etat du G7 (Clinton, Chirac, Blair...) en 2000. Il a été nominé au Prix Nobel de la Paix en 2019.

03/2022

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Sciences historiques

Les vieux. De Montaigne aux premières retraites

Un chirurgien parisien du XVIIe siècle imaginait qu'on pourrait prolonger indéfiniment l'existence des vieillards en injectant dans leurs veines le sang d'un homme jeune. Mais l'espoir fut de courte durée et dans l'Europe classique il resta difficile de vieillir. En société, tout vieillard est alors " un Huron ". Molière ironise sur les duègnes et les barbons tandis que Corneille déplore cette " vieillesse ennemie ", dont Rembrandt et Frans Hals donnent une vision bien pessimiste. Au XVIIIe siècle, tout bascule. Greuze, Diderot et les préromantiques s'attendrissent sur les bons vieillards. Mieux soignés _ l'élixir de longue vie de Cagliostro n'y fut sans doute pas pour grand-chose _ ils sont aussi plus nombreux. Les catalogues de centenaires fleurissent. Finie l'époque des vieux repoussants. Les rôles sont maintenant inversés : les grands-mères racontent les sorcières aux enfants, les grands-pères deviennent des patriarches " sages et frais ". La Révolution, qui célèbre les vieillards dévoués à la patrie, élabore de beaux projets de pensions de retraite, mais ils n'aboutissent pas. Au même moment, le médecin du roi de Prusse s'intéresse à La Macrobiotique ou l'art de prolonger la vie de l'homme. Et en effet, l'espérance de vie commence à s'allonger, sans que Malthus en devine les conséquences. Car au XIXe siècle, la vieillesse part à la conquête de l'Europe. Les têtes grises triomphent à la tête des Etats : Louis-Philippe, Victoria, Metternich, François-Joseph, les présidents de la IIIe République... Charcot fonde une véritable médecine de la vieillesse. En France, comme en Angleterre ou en Allemagne, se met enfin en place une politique sociale en faveur des vieux. Certes l'éclatement de la famille entraîne pour beaucoup une nouvelle solitude, mais ils acquièrent un petit revenu en même temps qu'un statut social. Et le plus célèbre d'entre eux, Hugo, " le grand-père sans mesure ", donne à la vieillesse sa plus belle dimension symbolique. Jean-Pierre Bois, né en 1945, est ancien élève de l'Ecole Normale Supérieure de l'Enseignement Technique, agrégé d'Histoire et docteur ès Lettres. Il est actuellement professeur à l'Université de Nantes.

02/1989

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Littérature étrangère

Calligraphie des rêves

A ceux qui s'étonnaient qu'il ne se soit jamais servi des circonstances, fort romanesques, de sa naissance et de son adoption, Juan Marsé avait jusqu'ici l'habitude de répondre que ses mémoires se trouvent dans ses romans et ses nouvelles. " Je comprends que ce soit un thème très littéraire (ou qu'il puisse le paraître à certains) mais je ne l'ai jamais abordé comme tel, bien que mes romans soient pleins de gamins qui s'inventent leurs père, ou qui décident d'être fils d'eux-mêmes ", a-t-il même écrit un jour. Or, c'est une explication que Marsé ne pourra plus avancer : il raconte en effet dans le roman qui nous occupe, et de façon très précise, cet épisode fondateur de sa vie et probablement de son œuvre : sa mère meurt dix jours après sa naissance, laissant son père, chauffeur de taxi, seul avec sa sœur aînée. Le pauvre veuf ne s'en sort pas et songe à confier le nouveau-né à une autre famille. Et voilà que le hasard s'en mêle : un soir, comme il passe devant une maternité de Barcelone, il est hélé par un couple dont la femme est en pleurs : elle vient de perdre l'enfant qu'elle attendait. Quelques instants plus tard, dans le taxi, affaire est faite : le couple sans enfant se chargera du fils du chauffeur et finira par l'adopter. C'est le point de départ d'un récit qui revient sur les épisodes marquants de l'éducation du jeune garçon, et retrace l'histoire de l'Espagne du XXe siècle. Ce livre, malgré tous les événements rattachables à la vie de l'auteur, et que tous les connaisseurs de son oeuvre reconnaîtront sans peine, n'est donc pas une autobiographie (l'idée n'en est sans doute jamais venue à l'auteur, trop modeste), et peut-être serait-il étonné (et irrité) qu'on lui dise qu'il peut se rapprocher du genre moderne de l'autofiction. Ce qui n'est d'ailleurs pas sûr, tant il est vrai que ce n'est pas sa vie qui l'intéresse - il ne s'agit pas de Mémoires -, mais ses rêves : il s'est donné pour fonction de les écrire, et de là, encore une fois, son titre de Calligraphie des rêves, sachant qu'en espagnol le premier sens de " caligrafía " est, tout simplement, " écriture ". On trouve aussi dans ce beau roman ce qui fait une grande partie du talent de Marsé : sa richesse lexicale, sa puissance évocatrice, en particulier dans la création d'images, ses personnages bien campés et objets tout à la fois de l'ironie et de la tendresse de l'auteur, ses dialogues enlevés et sonnant toujours juste, et enfin cet humour qui n'est pas le moindre de ses charmes. Et comme toujours, l'art de suspendre l'intérêt du lecteur, toujours pressé, en fin de chapitre, de lire le suivant. ?? ?? ?? ??

01/2012

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Pléiades

Romans et nouvelles (1959-1977)

Vivement controversé à ses débuts, Philip Roth s'est peu à peu imposé aux Etats-Unis comme l'un des plus grands auteurs de sa génération. Les cinq livres réunis ici témoignent déjà de ce qui deviendra sa marque de fabrique : richesse de l'imagination, verdeur, vigueur de l'ironie, selon un alliage très particulier d'oralité et d'élégance, d'exubérance et de délicatesse. Cest à cette époque-là, et avec ces ouvrages, que Roth devient Roth. Goodbye, Columbus (1959), l'extraordinaire recueil de nouvelles qu'il publie à vingt-six ans, et bien plus encore la très iconoclaste Plainte de Portnoy (Portnoy et son complexe, 1969) ont fait scandale, l'un au sein de la communauté juive, que les décapants récits de Roth se soucient peu de flatter, l'autre bien au-delà : la chronique familiale, psychologique et sociale dessinée au vitriol par Portnoy va de pair avec un langage où rivalisent le loufoque, la gouaille et une outrancière crudité. Le roman, qualifié de magistrale "orchestration de voix" et d'allègre "festival linguistique" , est un véritable jalon culturel des années 1960. Tel un ventriloque, le protagoniste fait dialoguer sur le divan de son analyste les voix contradictoires qui l'habitent. Dans un torrent d'imprécations et de lamentations sont données à entendre la voix de l'enfant, celle de l'adolescent, celle de l'adulte torturé. Le plus souvent aux prises avec sa yiddishe mame grotesquement castratrice, Portnoy dialogue aussi avec son père humble et soumis, et avec ses maîtresses, de séduisantes shikses (jeunes filles non juives, en principe interdites), en qui il voit les incarnations de l'Amérique qu'il entend conquérir. Multipliant les identités et les masques comme un acteur multiplie les rôles, c'est ensuite David Kepesh que Roth introduit sur la scène de son oeuvre. Ce professeur de littérature se voit transformé en une gigantesque glande mammaire dans Le Sein (1972), fable kafkaïenne à la fois fantastique et burlesque, tandis que Professeur de désir (1977) retrace son enfance en famille, son exploration effrénée de la liberté sexuelle pendant ses études, puis les expériences féminines contrastées de sa maturité. Malgré l'apparence "sage" de ce schéma biographique, la pratique de la fiction est toujours aussi affranchie et ludique - en témoigne, entre autres, l'épisode désopilant de la visite faite en rêve à la "putain de Kafka" . Enfin apparaît Nathan Zuckerman, qui accompagnera Roth jusqu'en 2007. Dans Ma vie d'homme (1974), il essaie de se libérer d'un mariage désastreux. La structure narrative, emboîtée et miroitante, du récit se complexifie, au point que Milan Kundera qualifia le livre de "chef-d'oeuvre de baroque" . On a dit de Nathan qu'il était le travesti littéraire de Philip. Mais comme le souligne Philippe Jaworski dans sa préface, "la présence de "l'auteur" dans ses écrits de fiction ressortira toujours à une réalité de fiction" . Au reste, "la réalité de l'écrivain pourrait tout aussi bien dériver de l'existence de son personnage" .

10/2017

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Littérature française

Sulak

Comme le dira plus tard le commissaire Georges Moréas, en d'autres circonstances, Bruno Sulak aurait pu devenir un des meilleurs flics de France. Mais le hasard a fait de lui un braqueur, sans doute le plus audacieux et le plus fascinant de son époque. Après avoir grandi à Marseille et brièvement fréquenté quelques voyous, Bruno intègre l'armée. Doté d'une mémoire prodigieuse, doué dans toutes les disciplines, il est rattrapé par un vol de motocyclette commis à l'adolescence. On le chasse sans le moindre égard. Il rejoint alors la Légion, comme son père. Sportif émérite, il s'entraîne au parachutisme, et bat le record de chute libre. Mais on lui refuse l'homologation de son exploit, à moins de s'engager pour 5 ans de plus. Une injustice qui le pousse à faire le mur pour aller passer le week-end en famille. Pendant son absence, l'ordre est donné à son régiment d'embarquer pour le Zaïre et ce qui n'était qu'une escapade devient une désertion. Il ne peut plus rentrer et bascule alors dans la délinquance. Avec son fidèle complice Drago, il se lance alors dans le braquage de supermarchés, rencontre la belle Thalie, une jeune fille de bonne famille qui va participer à certains vols à main armée, au volant de la Simca que Bruno utilise comme une signature à chacun de ses hold-up. Incarcéré une première fois, il étudie l'anglais et le droit, puis s'évade au nez et à la barbe des gardiens. Il s'attaque à des bijouteries, se présente chez Cartier en tenue de tennisman, une raquette à la main, profite d'une visite officielle d'Helmut Khol pour aller cambrioler un joailler parisien dans un quartier truffé de policiers... Adepte de la non-violence, il n'a jamais blessé personne, avait toujours deux balles à blanc dans son revolver au cas où on le forcerait à tirer. Généreux, épris de liberté, révolté par l'injustice, il se tint jusqu'au bout à son code d'honneur et ne dénonça jamais ses complices. Mais sa dernière incarcération à Fleury-Mérogis lui fut fatale : son ultime tentative d'évasion tourna à la tragédie et suscite encore la polémique. Il fallait toute l'ironie et le second degré de Philippe Jaenada pour trouver la bonne distance vis-à-vis de ce personnage magnifique. Construit sous forme d'anecdotes croisées, son récit nous permet de suivre en simultané l'évolution des personnages clefs qui vont s'associer à Sulak. Avec son humour pince-sans-rire et son style inimitable (usage immodéré des parenthèses, digressions en chaîne), Jaenada imagine ce que la vie de Sulak aurait pu être si tel ou tel événement ne s'était produit, montrant par là les hasards qui président au destin d'un homme. D'une grande tendresse à l'égard de son personnage, il dresse le portrait d'un homme intègre et retrace avec nostalgie cette époque où les gangsters avaient encore du panache.

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Récits de voyage

Lukanga Mukara. Voyage d'étude dans les profondeurs de l'Allemagne

Le destin de Hans Paasche (1880-1920) est hors du commun. Des steppes Massaïs à la campagne allemande, apôtre du changement, il met sa vie au service de cette idée apparemment simple : soldat, il devient militant pacifiste ; chasseur, il devient végétarien ; fils de politicien, il devient révolutionnaire, et ne cesse d'évoluer. Il va à l'encontre de l'évolution classique : en prenant de l'âge, on s'embourgeoise souvent - lui se désembourgeoise. Franchissant au fil du temps les barrières sociales et intellectuelles, il joue en permanence sur plusieurs tableaux : à la fois aventurier et père de famille, intellectuel et homme d'action, chrétien et fils des Lumières, bourgeois propriétaire et défenseur du petit peuple. Ses textes sont audacieux, profonds et empreints d'une ironie mordante ; il s'y appuie sur des valeurs et des connaissances classiques pour construire une pensée résolument moderne et iconoclaste. Le voyage d'étude de Lukanga Mukara dans les profondeurs de l'Allemagne (titre complet, 1912, inédit en France) est remarquable. Comme Hérodote, et davantage encore à la manière de Montesquieu, le chercheur africain Lukanga Mukara, guidé par sa curiosité scientifique, voyage pour faire progresser sa connaissance et celle de son peuple. Il est envoyé par son roi dans les profondeurs de l'Allemagne pour y étudier les coutumes et les comportements des indigènes... Les lettres qu'il envoie à son souverain pour partager ses découvertes sur ce drôle de pays sont à la fois pertinentes, drôles et sans concessions. Critique de l'hyperconsumérisme et du matérialisme effréné, plaidoyer pour l'écologie et un nouveau rapport de l'Homme à la Nature, incitation à un mode de vie plus sain et plus zen, apologie du relativisme culturel et de l'observation participante : difficile de croire que ce texte a 100 ans. Lire les lettres de Lukanga, c'est avoir le plaisir de découvrir un regard acéré, encore contemporain, sur notre plus proche voisin, à la veille de la première conflagration mondiale. En regardant dans le miroir que nous tend le voyageur africain, on réalise l'absurdité de choses qui nous paraissaient pourtant normales ; on prend conscience de la non-linéarité et la relativité du " progrès " ; et on comprend, peut-être, ces mots prononcés par Paasche au crépuscule de sa vie : " Il n'y a jamais eu d'époque qui ait réclamé d'action plus impérativement que la nôtre. Et jamais la tâche échue aux Hommes énergiques n'a été plus prometteuse de succès qu'aujourd'hui. Car alors même que l'être humain est si profondément abaissé, sont forgées les armes de l'esprit qui pourront servir à sa libération. " C'est peut-être ce livre qui a inspiré Le Palagui d'Eric Scheuermann, qui a eu tant de succès en Europe ces dernières années ; et les observations d'Hans Paasche s'inscrivent dans le droit fil de celles des humanistes Romain Rolland et Stefan Zweig.

09/2012

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Littérature française

Dîner de gala. L'étonnante aventure des Brigands Justiciers et de l'Empire du Milieu

Ce livre raconte les aventures, dans la première moitié du XXe siècle, de la cohorte des Bandits Justiciers, autrement appelés Redresseurs de Torts ou Brigands Rouges : ainsi nomme-t-on l’Armée des communistes chinois qui triomphera en 1949, après de longs et coûteux combats. Leur chef est un fils de paysans du Hunan, destiné à régner sans partage sur le Parti puis sur la Chine. Quand le récit commence, le pays est déchiré par la guerre civile. Les puissances étrangères – France, Angleterre…, mais surtout l’envahisseur japonais – se disputent les dépouilles de l’Empire, tandis que le Kuomintang de Tchang Kaï-Chek tente de prendre le pouvoir, luttant à la fois contre les étrangers et contre ses rivaux communistes. Mao s’impose d’abord dans un petit fief reculé des montagnes. Il construit patiemment l’Armée Rouge avec quelques comparses et, tout en combattant les Japonais, parvient à repousser quatre campagnes successives de Tchang Kaï-Chek. La cinquième campagne sera terrible : le Kuomintang engage un million d’hommes, et l’Armée Rouge doit fuir, harcelée par les nationalistes et par les habitants des régions traversées, minée par des rivalités intérieures. La Longue Marche, d’octobre 1934 à octobre 1935, voit le corps d’armée dirigé par Mao perdre près de cent mille hommes sur cent trente, avant de trouver refuge dans une zone communiste stable. Ce désastre sera plus tard transformé par le Président-poète en triomphe légendaire. Mao, qui a appris des Soviétiques la pratique des purges, assoit son emprise sur le Parti. En 1949, il proclame l’avènement de la République populaire de Chine. Viendront ensuite les épisodes terribles des Cent Fleurs, du Grand Bond en avant et de la Révolution Culturelle... Cette épopée cruelle et picaresque nous est racontée sous la forme d’un récit d’aventures à la façon de Au bord de l’eau. Les personnages ont nom Tête-de-Fouine, Petit-Chien dit Rouge- Vertu, Liu-Gros-Nez, le Mandarin-Versatile, le Dragon- Borgne, l’Ours-Téméraire ou Deuxième-Couteau. Le ton, plein d’ironie narquoise, n’est pas celui du récit historique, bien que l’auteur s’appuie sur une documentation extraordinairement précise, jusque dans le moindre détail de la vie quotidienne de ces combattants légendaires : il n’y manque pas une sandale à semelle de paille ni une écuelle de porc au piment. Le récit est à la fois pétillant d’humour et nourri d’une quantité d’anecdotes souvent affreuses ("La Révolution n’est pas un dîner de gala", faisait observer le grand Timonier). Philippe Videlier confirme, avec ce livre, l’invention d’un genre : le conte historique, genre qu’il avait déjà expérimenté dans ses ouvrages précédents. Le résultat est saisissant d’intelligence, et l’humour grinçant qui baigne le texte replace l’atrocité des faits dans le grand manège de l’histoire des hommes, avec sa musique lancinante.

09/2012

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Critique littéraire

Ecrire l'Encyclopédie. Diderot : de l'usage des dictionnaires à la grammaire philosophique

Ecrire l' " Encyclopédie " : c'est à Diderot maître d'œuvre du Dictionnaire raisonné, éditeur, nomenclateur, rédacteur, que cet ouvrage est consacré. Rien n'est plus aride, en apparence, que le labeur du dictionnariste. Diderot, pourtant, fit de l'Encyclopédie un extraordinaire atelier d'écrivain. S'il y composa nombre de " belles pages ", souvent ignorées aujourd'hui, c'est qu'il trouva là l'occasion d'expérimenter son " faire ", par l'usage de tous les modes, de toutes les variétés d'écriture au sein d'une forme éminemment contrainte : l'article de dictionnaire. Atelier d'écrivain, le dictionnaire des sciences et des arts fut aussi un dictionnaire de langue commune, incluant " l'étude des mots " dans le cercle des connaissances. Ce champ, vaste mais peu exploré, de la " Grammaire ", c'est-à-dire de la définition des mots courants (tels " fortuit ", " fraîcheur " ou " innocence "), est ici analysé. Diderot en effet fit œuvre de lexicographe pour l'Encyclopédie, mais à sa manière : ne se bornant pas à enregistrer l'usage mais le soumettant à la critique, il entendait à la fois transmettre une langue et " changer la façon commune de penser ". Ce fut sa grammaire philosophique : analysant les acceptions en sémanticien, interpellant les préjugés latents en matérialiste, ou rêvant sur les idées accessoires des signes en poète, l'écrivain s'y confronta à la définition du matériau même de son art, les mots de la langue. L'entreprise de Diderot ne prend tout son sens que replacée dans la problématique des dictionnaires de son temps : cette étude retrace, de Furetière à sa conflictuelle descendance (le Basnage huguenot et le Trévoux de la contre-Réforme), le développement d'une forme alors neuve de recueils alphabétiques de savoirs, les " Dictionnaires universels " dans l'histoire desquels est inscrite l'Encyclopédie et, avant elle, laCyclopaedia de Chambers. La comparaison de l'Encyclopédie avec la Cyclopaedia et le Trévoux démontre l'existence d'un véritable matériau lexicographique européen. Cette confrontation, qui intéresse l'histoire des idées, permet de percevoir bien des enjeux opposant, sur le terrain commun du dictionnaire, des visions du monde parfois antithétiques. Le Trévoux notamment, réputé dictionnaire des jésuites, apparaît comme un inséparable outil de travail sur la critique duquel s'est bâtie une bonne part de l'Encyclopédie, et d'où dérive en particulier la souveraine ironie lexicographique de Diderot : le dialogue secret qu'il mena avec le Trévoux, dont les articles servirent souvent de canevas aux siens, est un des plus suivis de la polyphonie encyclopédique. A partir des contraintes du " genre " dictionnaire, on voit ainsi naître les démarches d'écriture qui gouvernent le développement de l'intelligence philosophique de Diderot et surgir nombre des vastes questionnements qui animent le reste de son œuvre. On voit aussi se dessiner des perspectives surprenantes sur les destinataires du discours encyclopédique, dont le co-éditeur d'Alembert, et surtout l'ami perdu, J J Rousseau. Dans ce travail de " forçat ", écrire l'Encyclopédie, Diderot a clairement engagé le plus profond de son art et de sa pensée.

01/1999

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Architectes

Enquête sur la pensée Ricciotti

Enquête sur la pensée Ricciotti est le fruit d'une rencontre entre Jean-Louis Poitevin, critique d'art, et Rudy Ricciotti : en surgit un échange amical où la franchise est de mise. Les créations architecturales mondialement connues de Ricciotti ont fait sa renommée, mais qui sait vraiment ce qui lui passe par la tête ? La Méditerranée au doux parfum rassurant, son verbe pamphlétaire, la politique, la littérature ou sa définition de la beauté : aucun sujet n'est épargné. Il se prête volontiers à la fin de l'ouvrage au jeu de l'abécédaire, pour lequel il a préféré apposer en face de chaque mot une locution incisive plutôt qu'une longue définition. Ricciotti déteste qu'on lui assigne un courant, une théorie. Loin des instances architecturales ou des écoles d'architecture, ce livre est à mettre entre les mains de tous les curieux. Architecte : Personne qui conçoit le parti, la réalisation et la décoration de bâtiments de tous ordres, et en dirige l'exécution. Comment construit-on sa légende ? Comment réfléchir l'architecte ? Pourquoi cette addiction à la création ? Fantasque, insupportable, brillant, culotté, mal aimé, lucide, Rudy Ricciotti déclenche une avalanche de sentiments dès qu'on parle de lui. Ce livre n'ambitionne pas d'en faire le procès mais de vous offrir un nouvel éclairage sur sa pensée. "Les tribus lapones suivent le troupeau de rennes. Le troupeau de moutons suit le berger. L'architecte est le berger non écouté des rennes. Il pense penser mais tout le précède et l'accable" répond Rudy Ricciotti, quand Jean-Louis Poitevin, l'auteur de ce livre, lui demande de définir son âme — qu'il ne saurait dissocier de son corps. Rudy Ricciotti porte sa croix, celle de ne pas plaire à tout le monde. Mais cela voudrait dire pour lui plaire à n'importe qui. Doté d'une ironie sans faille, il se prête volontiers au jeu de l'abécédaire où Camus côtoie le Sud Est, une religieuse, la littérature ou encore le béton, matériau si cher au camarguais. Certaines de ses réponses vous paraîtront étranges, mais elles provoqueront en vous une émotion. Et il aura gagné. Ses créations architecturales mondialement connues ont fait sa renommée, mais qui sait vraiment ce qui lui passe par la tête ? Pour la première fois, vous pourrez vous plonger dans cet esprit animé. Enquête sur la pensée Ricciotti est le fruit d'une rencontre entre Jean-Louis Poitevin, critique d'art, et Rudy Ricciotti : en surgit un échange amical où la franchise est de mise. La Méditerranée au doux parfum rassurant, son verbe pamphlétaire, la politique ou sa définition de la beauté, aucun sujet n'est épargné. Ricciotti déteste qu'on lui mette sur le dos un courant, une théorie. Loin des instances architecturales ou des écoles d'architecture, cet ouvrage est à mettre entre les mains de tous les curieux. Et surtout des novices.

05/2021

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Pléiades

Romans et récits. Tome 1, Education européenne ; Les Racines du ciel ; La Promesse de l'aube ; Lady L. ; La Danse de Gengis Khan

La réalité n'est jamais aussi belle que le rêve d'une mère. Gary a connu d'éclatants succès, mais il a vu son oeuvre se heurter à des réticences. La popularité de l'écrivain et sa reconnaissance n'ont pas marché du même pas. Ce n'est pas exceptionnel, et cela s'explique. Les obstacles à une consécration rapide étaient multiples. Le style de l'homme a pu en être un. La manière du romancier en fut un autre. Gary a été un extraordinaire raconteur d'histoires et un inventeur de personnages en un temps, l' "ère du soupçon" , où ces notions, l'histoire, le personnage, étaient réputées périmées. Or pour lui, le récit - l'histoire - n'est pas la part honteuse du roman. Mais c'est se tromper lourdement que de voir en lui, sous ce prétexte, un écrivain conventionnel. La mise en abyme dans Education européenne, la polyphonie des Racines du ciel, la voix narrative fantastique dans La Danse de Gengis Cohn, la dimension autofictionnelle de La Promesse de l'aube et de Chien Blanc, la temporalité dans Les Enchanteurs ou l'inventivité verbale et les dispositifs narratifs d'Emile Ajar ne sont pas précisément des signes de soumission au roman hérité du XIX ? siècle. Encore faut-il, pour s'en aviser, ne pas passer à côté d'une prose qui mélange les genres, avoue ce qu'elle doit à la poésie et s'autorise toutes les libertés, à commencer par un humour qui a pu déconcerter autant qu'il séduit, parce qu'il va de l'ironie la plus fine au grotesque le plus assumé. Cet humour n'est pas un ornement : il est fondamental. D'une part, il conjure la tentation de l'idéalisme ; de l'autre, il permet de "désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus" . Le réel, voilà l'ennemi. Gary l'appelait "la Puissance" . Il a plusieurs visages : guerre, bêtise, vieillissement, solitude... Gary est sensible au tragique de l'Histoire et au malheur des hommes. Ca l'agace : "J'ai tout le temps mal chez les autres". L'humour est donc une défense. L'imaginaire, un refuge. "Nourris de ce siècle, jusqu'à la rage" , les livres de Gary ne sont pas des romans historiques. Ancrés dans l'imaginaire autant que dans l'Histoire, ils relèvent de la "mystique" littéraire de l'aventure qu'ont illustrée, avant lui, Kessel, Cendrars, Saint-Exupéry, et Malraux bien sûr. Cette conception de l'aventure n'est pas de celles qui produisent une littérature populaire de grande diffusion : elle engage une réflexion sur la condition humaine. L'aventure et l'imaginaire luttent aussi contre une forme particulière de réalité, l'identité. Chez Gary, le je est une clôture, un piège. Ce qu'il y a de permanent dans son identité l'exaspère. Il lui faut s'évader, courir le monde, muer comme un python, se "séparer un peu de [s]oi-même" , changer d'identité et vivre d'une vie pseudonyme, au risque de s'y brûler. "L'aventure Ajar"

05/2019

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Psychologie, psychanalyse

L'HOMME AUX RATS. Journal d'une analyse

Le 1er octobre 1907, Freud entreprend l'analyse de l'homme aux rats, dont il tirera l'une de ses Cinq Psychanalyses. Ce manuscrit, constitué des notes prises après chaque séance, n'était pas destiné à la publication. Il fut confié par la fille de Freud à Daniel Lagache, qui en assura la publication. C'est un document de grande importance, car il révèle la façon dont Freud analysait, transcrivait, puis remaniait et réinterprétait en vue d'une publication ultérieure. Cette édition bilingue est donc un document témoignant du travail de Freud. Ernst Lanzer est obsédé par l'image d'un supplice chinois qui consiste à ligoter un homme et à l'asseoir sur un pot dans lequel se trouve un rat. La bête, affolée, n'a d'autre moyen que de rentrer dans l'homme. L'issue en est la mort pour les deux parties. On ne livrera pas ici "la solution de l'idée aux rats" pour ne pas gâcher le plaisir de la fin au lecteur. On peut simplement dire que le rat, charriant la peste comme dans la légende allemande du joueur de flûte, est pour Freud une part archaïque de la psyché d'Ernst Lanzer, qu'il combat et qui cherche à réintégrer à tout prix sa psyché. Le rat est son refoulé, son enfer quotidien, qui agglutine le plaisir à la souffrance, le châtiment à la jouissance. Freud précise à cette occasion les concepts de culpabilité et de masochisme. En parlant, Ernst Lanzer fait sortir le rat au soleil, et celui-ci, d'abord aveuglé et apeuré, finit par s'humaniser, en une métamorphose bouleversante. L'Homme aux rats est aussi l'histoire d'une guérison. Cette guérison n'est possible que par l'alliance extraordinaire entre le médecin et son malade. Nous sommes en 1909. Freud complète sa théorie de la névrose en écoutant attentivement Ernst Lanzer, cerne le concept d'ambivalence, promis à un grand avenir, comme chez Melanie Klein. Réciproquement, le médecin explique à son malade sa théorie, s'identifie à lui (écrivant à Jung "Je suis plutôt du type obsessionnel") et affine ainsi le concept du contre-transfert. Cette identification permet aussi l'identification du lecteur, qui chemine ainsi entre la théorie et la pratique de Freud, expliquée pas à pas, comme dans une bonne enquête. On sort éclairé de la lecture de ce livre. A l'une des obsessions d'Ernst Lanzer, la cure viendra répondre comme une torture libératrice. Soumis à la bienveillante question de Freud, obligé de réfléchir sur lui-même, le malade trouvera une issue inédite à sa maladie. Ce faisant, Freud permettra à Odipe d'échapper à son destin, après lui avoir fait reconnaitre la force terriblement contraigante du fatum. Ironie tragique, Ernst Lanzer, guéri, mourra quelques mois plus tard à la guerre. Qui est fou en fin de compte ? Le malade ? La société ? Freud n'en dit rien, mais on peut penser que le futur auteur de Malaise dans la civilisation, décrivant les phénomènes de psychose collective comme la guerre ou le nazisme, avait gardé Ernst Lanzer dans un coin de sa tête. Les malades ne sont pas forcément ceux qu'on croit. (D. Berthezène)

11/1996

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Pléiades

Romans et récits. Tome 2, Adieu Gary Cooper ; Chien blanc ; Les Enchanteurs ; Gros-câlin ; La Vie devant soi ; Pseudo ; Clair de femme ; Les Cerfs-volants ; Vie et mort d'Emile Ajar

La réalité n'est jamais aussi belle que le rêve d'une mère. Gary a connu d'éclatants succès, mais il a vu son oeuvre se heurter à des réticences. La popularité de l'écrivain et sa reconnaissance n'ont pas marché du même pas. Ce n'est pas exceptionnel, et cela s'explique. Les obstacles à une consécration rapide étaient multiples. Le style de l'homme a pu en être un. La manière du romancier en fut un autre. Gary a été un extraordinaire raconteur d'histoires et un inventeur de personnages en un temps, l' "ère du soupçon" , où ces notions, l'histoire, le personnage, étaient réputées périmées. Or pour lui, le récit - l'histoire - n'est pas la part honteuse du roman. Mais c'est se tromper lourdement que de voir en lui, sous ce prétexte, un écrivain conventionnel. La mise en abyme dans Education européenne, la polyphonie des Racines du ciel, la voix narrative fantastique dans La Danse de Gengis Cohn, la dimension autofictionnelle de La Promesse de l'aube et de Chien Blanc, la temporalité dans Les Enchanteurs ou l'inventivité verbale et les dispositifs narratifs d'Emile Ajar ne sont pas précisément des signes de soumission au roman hérité du XIX ? siècle. Encore faut-il, pour s'en aviser, ne pas passer à côté d'une prose qui mélange les genres, avoue ce qu'elle doit à la poésie et s'autorise toutes les libertés, à commencer par un humour qui a pu déconcerter autant qu'il séduit, parce qu'il va de l'ironie la plus fine au grotesque le plus assumé. Cet humour n'est pas un ornement : il est fondamental. D'une part, il conjure la tentation de l'idéalisme ; de l'autre, il permet de "désamorcer le réel au moment même où il va vous tomber dessus" . Le réel, voilà l'ennemi. Gary l'appelait "la Puissance" . Il a plusieurs visages : guerre, bêtise, vieillissement, solitude... Gary est sensible au tragique de l'Histoire et au malheur des hommes. Ca l'agace : "J'ai tout le temps mal chez les autres". L'humour est donc une défense. L'imaginaire, un refuge. "Nourris de ce siècle, jusqu'à la rage" , les livres de Gary ne sont pas des romans historiques. Ancrés dans l'imaginaire autant que dans l'Histoire, ils relèvent de la "mystique" littéraire de l'aventure qu'ont illustrée, avant lui, Kessel, Cendrars, Saint-Exupéry, et Malraux bien sûr. Cette conception de l'aventure n'est pas de celles qui produisent une littérature populaire de grande diffusion : elle engage une réflexion sur la condition humaine. L'aventure et l'imaginaire luttent aussi contre une forme particulière de réalité, l'identité. Chez Gary, le je est une clôture, un piège. Ce qu'il y a de permanent dans son identité l'exaspère. Il lui faut s'évader, courir le monde, muer comme un python, se "séparer un peu de [s]oi-même" , changer d'identité et vivre d'une vie pseudonyme, au risque de s'y brûler. "L'aventure Ajar"

05/2019

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Poésie

Poésies d'Emily Dickinson illustrées par la peinture moderniste américaine

Au XIXe, dans un village de la côte est américaine, une femme invente un univers à elle, inspirée par l'immensité des petits rien et la légèreté de l'éternité. Emily Dickinson s'adonne à ce qui la fait vibrer : l'écriture. Dans la première moitié du XXe, des artistes américains expriment leur amour pour leur pays en peignant l'immensité de ses paysages, de ses ciels, ces vibrations de couleurs... Un désir affirmé : s'affranchir de l'influence de la peinture européenne. Le texte Au xixe siècle, dans un village de la côte est américaine une femme crée son destin, invente un univers à elle, inspirée par l'immensité des petits rien et la légèreté de l'éternité. Emily Dickinson s'adonne entièrement à ce qui la fait vibrer : l'écriture. Du regard qu'elle porte sur le monde depuis sa fenêtre se dégage une spiritualité et une sensibilité universelle qu'elle retranscrit dans ses poèmes. Au cours d'un siècle et sur un territoire marqué par le puritanisme et le classicisme, elle se démarque en imposant un style audacieux et libéré de toute contrainte : des vers rythmés mais non rimés, des majuscules aléatoires, des tirets comme respiration. Une modernité étonnante. La poésie d'Emily Dickinson se contemple comme un tableau. De multiples teintes se côtoient au creux de ses mots : le pourpre de l'aube ou du crépuscule, le vert du brin d'herbe rencontrant le papillon, le bleu céleste de l'infini. Des couleurs qui s'assombrissent lorsque la perte, la mort et la souffrance de ceux qui restent s'invitent dans ses vers, ou qui s'égayent à l'idée d'une danse, d'un sentiment amoureux, d'une musique ou d'une impertinence sur la religion. Son écriture, espiègle et pleine d'ironie, nous touche par la véracité de ses ressentis. La vie d'Emily Dickinson (1830-1886) est entourée de mystères. Elle vécut toute sa vie dans la maison familiale d'Amherst (Massachusetts), sans être mariée ni avoir d'enfant. C'est dans l'espace clos de sa chambre qu'elle écrit des centaines de poèmes et de lettres. Elle est aujourd'hui considérée comme l'une des plus grands poètes des Etats-Unis d'Amérique. L'iconographie Dans la première moitié du xxe siècle, des artistes américains expriment leur amour pour leur pays en peignant l'immensité de ses paysages, de ses ciels, les vibrations de couleurs propres à la terre qui les nourrit. Avec un désir affirmé : s'affranchir de l'influence et des codes de la peinture européenne, en vogue depuis si longtemps. Ainsi Charles Burchfield, Arthur Dove, Edward Hopper, Georgia O'Keeffe, Agnes Pelton, Charles Sheeler, Henrietta Shore, Marguerite Zorach et tant d'autres cherchent dans les émotions émanant de la nature une réponse sensuelle au formalisme conceptuel qui émerge des mouvements d'avant-garde européens du début du xxe siècle. Anna Hiddleston, attachée de conservation aux collections modernes du centre Pompidou, dirige la sélection iconographique et présente dans son introduction la peinture moderniste américaine.

10/2023

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Critique Poésie

Baudelaire, la modernité mélancolique

Cet ouvrage célèbre le bicentenaire de la naissance du poète et explore son oeuvre sous l'angle de l'expérience mélancolique. Epreuves corrigées de la première édition des Fleurs du mal, manuscrit autographe de Mon coeur mis à nu, estampes de Meyron, autoportrait ou encore portraits par Nadar invitent à une immersion dans l'univers du poète. Après un essai introductif d'Antoine Compagnon portant sur Baudelaire et la modernité, le prologue, présenté par Jean-Marc Chatelain, partira du rapport privilégié que Baudelaire entretenait avec la figure d'Hamlet, son double allégorique, pour explorer la mélancolie baudelairienne jusqu'à son point le plus intime. 3 axes sont proposés : l'exil et l'errance ; le souvenir et les fantômes du passé ; la déchirure mélancolique du moi. L'exil et l'errance La première partie du catalogue est consacrée au sentiment d'exil, qui constitue la donnée initiale du destin de poète de Baudelaire, vivant mal la séparation avec sa mère et atteint de " la grande Maladie de l'horreur du Domicile ". André Guyaux évoque notamment le voyage que Baudelaire effectue en 1841 aux îles Maurice et Bourbon, auquel le contraint son beau-père, le général Aupick, qui entend l'éloigner de la capitale pour lui faire passer le goût de la littérature. Jean-Marc Chatelain retrace ensuite l'histoire éditoriale des Fleurs du mal jusqu'à leur publication en 1857, à partir des épreuves corrigées par Baudelaire (dont le recueil est conservé à la Réserve des livres rares). Les fantômes de la vie antérieure Rémi Brague, dans son essai, éclaire le rapport singulier qu'entretenait Baudelaire avec le langage de l'image, lui qui se donnait pour double tâche de glorifier " le culte des images (ma grande, mon unique, ma primitive passion) " et le " vagabondage ". L'image répond fondamentalement, chez Baudelaire, à un mode de présence spectral. Ainsi en est-il des " fantômes parisiens " à la suite des démolitions orchestrées par le préfet Haussmann. Valérie Sueur, dans son essai, montre les correspondances entre les vers de l'un (notamment les " Tableaux parisiens ") et les estampes de l'autre, tel le Stryge. La déchirure mélancolique du moi Jean-Claude Mathieu, dans l'essai de la troisième et dernière partie, revient sur tous les thèmes forts du catalogue. Dans ses poèmes, Baudelaire, attentif à la vie triviale des faubourgs boueux et des rues encombrées, prend soin des " ruines ", plus bouleversantes que le nouveau Paris, des " Petites Vieilles " chétives... Dans l'oeuvre de Baudelaire comme dans sa vie, la mélancolie prend différentes formes, celle du dandysme d'une part, qui fait l'objet de l'essai d'Andrea Schellino ; celle de l'ironie de l'autre, du rire et de la caricature, qu'expose Julien Dimerman. Dans l'épilogue " Baudelaire en son miroir ", Sylvie Aubenas présentes les principaux portraits photographiques du poète comme des images diffractées de lui-même qui témoignent à leur manière de l'impossible coïncidence avec soi-même, telle que Courbet la décrit en 1848 : " Je ne sais comment aboutir au portrait de Baudelaire, tous les jours il change de figure. "

10/2021

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Essais

Incertitudes en psychanalyse

Comme toujours dès qu'on décentre durablement l'humain de son apparente et naïve quiétude, dès qu'on sème le doute sur ses souvenirs et l'origine de ses passions, on le rend malade. Malade de la peste. Le dimanche 27 aout 1909, sur le pont du George Washington qui l'amenait à New-York, contemplant la découpe des gratte-ciels de Manhattan, Freud ne s'y était pas trompé. "Ils ne savent pas que nous leur apportons la peste... " avait-il confié pensivement à Ferenczi et Jung. La psychanalyse comme peste des certitudes. Vérité impossible à formuler en Europe ? Ironie d'un viennois ciblant la naïveté américaine ? En tout cas, la mesure de cette "peste" et la qualification de ses symptômes ne sont pas plus aisés aujourd'hui qu'en 1909. C'est pourtant cela que vise ce recueil. Au demeurant, la véracité de la phrase citée fait débat. Elle ne figure ni dans les oeuvres de Freud, ni dans celles de Ferenczi ou de Jung. Pourtant, le 7 novembre 1955, à Vienne, lors d'une conférence prononcée sur le sens d'un "retour à Freud", Lacan affirme la tenir de Jung. Mais l'aurait-il finalement inventé pour propager, au nom de son fondateur, l'annonce des méfaits de la jeune science ? Comme pour le pangolin du XXIème siècle, un doute subsiste sur l'identité de l'agent infectieux. Rendre à l'incertitude son bien, tel est donc l'enjeu. Mais encore faut-il pouvoir la défaire de l'irritation qu'engendre toute retenue, fût-elle celle du jugement. Séjourner "dans les incertitudes, les mystères et les doutes sans se laisser aller à la quête agacée de faits ou de raisons" exige une solide capacité négative. John Keats en faisait la source du génie de Shakespeare, et Bion en rappelle l'impérieuse nécessité dans l'exercice de l'analyse. C'est à ce prix que l'écoute s'affranchit de tout agrippement au savoir, qu'elle accueille l'angoisse et l'effondrement pour permettre, le moment venu, les salutaires mouvements de la curiosité. Certes on pourra regretter que depuis plus d'un siècle "la jeune science" ait pris quelques rides et qu'elle puisse parfois s'essouffler sous le poids de trop généreux commentaires. Pourtant l'incertitude demeure l'ordinaire du psychanalyste. A condition, bien sûr qu'il accepte de suivre les chemins du scandaleux et de l'inouï en s'arrachant aux ornières du bien connu et du prédictible. Comme on le verra, les textes ici assemblés partent souvent de "petits riens", rencontrés au fil du quotidien analytique. Dans la cure, dans l'échange entre collègues, en marge de lectures. Ils sont comme autant de pensées incidentes. Elles en disent souvent longs sur les vastes et complexes théories qui les sous-tendent et se sont constituées au cours d'un lent parcours. A l'écart de tout conformisme assuré, chaque auteur a voulu se laisser distraire par l'imprévu et l'incertain. Sans fausse pudeur. Sans naïveté ni complaisance non plus.

12/2021

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Littérature française

Pension alimentaire

"Comment est-ce que tu peux divorcer ? dit mon père au moment de l'addition. Nous avions déjeuné dans cette brasserie à l'angle de la rue du Bac et de la rue de Varenne où ils servaient un tartare au paprika assez unique". "Un exercice de style réussi sur le divorce". L'Expansion. "Art désinvolte de croquer les horreurs de la vie, dérision élégante... . une façon bien à lui de saisir son époque, les tics du milieu parisien". Gérard Pussey, Elle. "Neuhoff traite avec drôlerie des glissements de terrain, des chutes d'arbres dans la géographie sentimentale et sociale d'aujourd'hui". Bernard Pivot, de l'académie Goncourt, JDD. "Neuhoff sait raconter dix ans de vie en deux lignes... Du Claude Sautet bousculé par le Cassavetes de Husbands. Très drôle et très triste, très violent et très tendre. Comme nos vies... Une comédie de moeurs de grande classe". Christian Authier, Le Figaro. "Un superbe roman. Un peu à la façon d'une longue nouvelle de Fitzgerald". Gilles Martin-Chauffier, Paris-Match. "Une chronique des jours malheureux, où chaque phrase est un enchantement. Quel écrivain ! " Patrick Besson, Marianne. "D'une redoutable férocité, d'une beauté crue... Un grand livre sur les bons sentiments qui conduisent aux mauvais". Anthony Palou, Le Figaro Magazine. "Panache, ironie, une douloureuse pudeur qui file la chair de poule... Le récit d'un homme à l'élégance rare. Un bouquin sublime". Nicolas Rey, VSD. "La plupart des pouffements de Neuhoff sont des sanglots réprimés. Au lecteur de les débusquer derrière ses sarcasmes et son petit rire sec à la Léautaud". Jacques Nerson, Le Nouvel Observateur. "Une lucidité qui fait mal, un livre qui observe les blessures du divorce avec le regard de l'homme qui n'en demeure pas moins un père". Valérie Gans McGarry, Madame Figaro. "Alerte, cruelle, lucide et drôle... la chronique douce-amère d'un amour sur le déclin puis d'une séparation inéluctable... Une bonne dose d'autodérision et un sens de la formule irrésistible". Delphine Peras, Lire. "Il faut se méfier de Neuhoff, comme il faut se méfier de Blondin ou de Giraudoux. Ce sont des écrivains mezza voce, de la litote, du dépouillement... Il fait de la pudeur un style. Au lieu de dramatiser, il gomme. Au lieu de s'appesantir, il glisse... Art de l'ellipse, du dépouillement, de la rapidité : la classe, quoi ! " Jacques-Pierre Amette, Le Point. "Ce roman est ce que les Anglais appellent une comédie de manières. Quand on dit comédie, c'est par politesse. Une tristesse passe sur ce livre vif et rapide. A lire d'office". Charles Dantzig, Bibliobs. fr "Tout en finesse, Neuhoff navigue dans un univers qu'un Truffaut n'aurait pas renié. A écrire ironiquement des sentiments dévastés, il pourrait devenir un produit de luxe français : l'élégance fait livre". Benoît Delmas, Témoignage chrétien. "Le titre -Pension alimentaire- est à lui seul un programme, qu'Eric Neuhoff exécute avec sa maîtrise habituelle. Dans un style sobre et incisif". Marie-Claire. "Un cinglant roman de désamour, des pages d'une sobriété poignante. Comme si Neuhoff n'avait feint de s'emporter que pour mieux cacher ses larmes". Jérôme Garcin, Le Nouvel Observateur.

08/2007

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Histoire antique

Quand notre monde est devenu chrétien

Quand notre monde est devenu chrétien a reçu le prix du Sénat du livre d'histoire et le grand prix Gobert (décerné sur proposition de l'Académie française) 2007. Il faisait en outre partie des sélections des 20 meilleurs livres de l'année 2007 sélectionnés par le magazine LIRE, ainsi que des 20 meilleurs livres de l'année 2007 sélectionnés par Le Point. C'est le livre de bonne foi d'un incroyant qui cherche à comprendre comment le christianisme, ce chef-d'oeuvre de création religieuse, a pu, entre 300 et 400, s'imposer à l'Occident tout entier. A sa manière inimitable, érudite et impertinente à la fois, Paul Veyne retient trois raisons : 1. Un empereur romain nommé Constantin, maître de cet Occident, s'est converti sincèrement au christianisme et a résolu de christianiser le monde pour le sauver. 2. Constantin s'est converti parce qu'au grand empereur qu'il voulait être il fallait une grande religion. Or, à cette époque, face aux dieux païens, le christianisme, bien que secte très minoritaire, était le frisson nouveau, la religion d'avant-garde qui déroulait un gigantesque plan d'amour pour le salut éternel de l'humanité. 3. Constantin n'a forcé personne à se convertir, il s'est contenté d'aider financièrement et administrativement les chrétiens à mettre en place leur Eglise, c'est-à-dire un réseau d'évêchés tissé sur l'immense empire romain. Lentement, par docilité, les foules païennes se sont retrouvées chrétiennes. La christianisation de cent millions de personnes n'a pas fait de martyrs. Dès lors, on naîtra chrétien comme auparavant on naissait païen. Au passage, Paul Veyne est amené à évoquer certaines questions : d'où vient le monothéisme ? Faut-il parler ici d'idéologie ? La religion a-t-elle des racines psychologiques ? Avons-nous des origines chrétiennes ? Quand notre monde est devenu chrétien a reçule prix du Sénat du livre d'histoire 2007ainsi que le grand prix Gobert, décerné sur proposition de l'Académie française, et récompensant "le morceau le plus éloquent d'histoire de France, ou celui dont le mérite en approchera le plus" . "Paul Veyne est un formidable conteur. Il a une façon inimitable et joyeuse de nouer le dialogue avec les textes classiques et les lecteurs d'aujourd'hui, de prendre ces derniers à témoin en leur offrant, par des analogies éclairantes et audacieuses, un livre passionnant qui examine chaque facette de cette aventure humaine, religieuse et politique extraordinaire". Gilles Heuré, Télérama. "Une revigorante promenade spirituelle, imagée, anticonformiste, passionnante, qui rend le lecteur plus intelligent". L'Express. "Une démonstration aussi rigoureuse qu'enlevée. Une revigorante promenade spirituelle, imagée, anticonformiste, passionnante, qui rend le lecteur plus intelligent". Christian Makarian, Le Vif/L'Express. "Paul Veyne mêle histoire et philosophie avec talent et impertinence". Juliette Cerf, Philosophie magazine. "Pétillante d'ironie, cette sociologie des commencements du christianisme n'est pas seulement un modèle, elle est un plaisir de lecture". Lire. "Un sommet d'érudition mais aussi une somme écrite dans une langue magnifique". Le Point. "Une magistrale leçon d'histoire qui renvoie au débat contemporain sur les fondements de notre culture". Le Figaro Magazine.

02/2024

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Beaux arts

Narcisse et Echo. Discours, essais et poèmes (1961-2019)

Dès les commencements, l'écrit a occupé chez Markus Lüpertz une place décisive. Dans les années 1960, c'est sous l'égide des Dithyrambes de Nietzsche qu'il réalise ses premières grandes séries de toiles ; il intitule Hölderlin son exposition de 1982 à Endhoven, Bleiben Sie sitzen Heinrich Heine un bronze de 1984, Heine-Hölderlin une toile de 1985 ; et il initiera encore d'autres compagnonnages, avec les oeuvres de Michel-Ange, Nikolaus Lenau, Theodor Fontane, Stefan George ou Stéphane Mallarmé. Parallèlement, il présente ses propres poèmes. Certains, d'une teneur polémique, figurent déjà dans les catalogues des grandes expositions de Baden-Baden (1973) et de Cologne (1979), et semblent servir avant tout la promotion de l'oeuvre peint ; d'autres, d'inspiration lyrique, voire élégiaque, assimilent résolument l'artiste à la figure d'Orphée, poète des poètes, au début des années 1980 ; de plus en plus souvent, par la suite, Lüpertz conçoit parallèlement, mais sans visée illustrative, les images et les textes de ses catalogues ; plus tard, ces deux supports dialoguent à nouveau dans les livres d'artistes. Au-delà des poèmes, enfin, les articles et les discours se multiplient lorsque Lüpertz accède à une existence et à des responsabilités publiques. En 1981, il monte pour la première à la tribune à la Royal Academy de Londres ; en 1988, il est nommé à la tête de la Düsseldorfer Akademie ; il prend bientôt la parole dans des musées, au salon du livre de Francfort ; il est publié dans le Spiegel et le Frankfurter Zeitung... - La suite de sa carrière ne démentira jamais cette volonté d'exister conjointement sur la scène artistique, littéraire et publique. C'est à l'éditeur allemand Siegfried Gohr et à la maison BuchKunst Kleinheinrich que l'on doit, en 2007, la parution en un seul volume de plus de quarante ans de textes, poèmes et discours de Markus Lüpertz. Intitulé Narziß und Echo. Texte, Reden, Gedichte. 1961-2004, cet ouvrage de poids (600 pages) rétablit un certain équilibre entre le plastique et l'écrit, et permet d'apprécier, par un regard d'ensemble, l'intégrité et la complexité de cette figure d'artiste. Le choix de l'ordre chronologique, dans la présentation des textes, met en évidence la germination et la ramification de grands thèmes sous des formes très diverses. L'art et les artistes occupent, évidemment, une place de choix : du manifeste "dithyrambique" des années 1960 aux grands discours d'hommage du début des années 2000, en passant par les poèmes provocateurs de Baden-Baden et de Cologne, les journaux de résidence et de création, les textes d'accompagnement performés lors du dévoilement de grandes sculptures, les conférences, les articles et les interventions sur des thèmes multiples ("Thema und Kunst" , "Das Geld - die Kunst" , "Frauen und Kunst" , "Kunst und Kommerz" ...), cette thématique est abordée dans une impressionnante variété de genres. Mais tout aussi remarquable est la constance avec laquelle Markus Lüpertz s'adonne à une poésie beaucoup plus proche de la tradition et s'autorise, sans jamais tout à fait se départir d'une ironie sûre de ses forces et d'un sens poussé du burlesque, à puiser dans les thèmes communs (l'amour, la déception amoureuse, la déception, le deuil, la peur, la mort...) pour en offrir une déclinaison fort personnelle. Le contraste avec un "professionnalisme" et une "grandeur" dénués de pathos, tels que le revendique l'oeuvre peint, est ici total, et le recueil provoque à cet égard un véritable dévoilement : car cette inspiration, loin d'être marginale, représente plus d'un tiers du volume.

06/2020

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Jazz, Blues, Soul, Rap, Reggae

Jimi Hendrix

Jimi Hendrix est surement la star ultime et le plus grand guitariste que la terre rock ait porté avec seulement trois albums studios. Mais cette ouvrage foisonne de disques sur lesquels il a posé ses notes merveilleuses... Plus d'une centaine pour s'apercevoir aussi qu'il s'agit d'un des plus grands musiciens de l'histoire du rock. Jimi Hendrix était trop. Trop bon. Trop doué. Trop intense. Trop sexe, trop drogues, trop rock'n'roll. Trop tout. " Larger than life " comme disent les anglo-saxons. Plus grand que la vie ! Hors du commun, c'est le moins qu'on puisse dire. Alors, les autres avaient du mal à suivre. Tous les autres : musiciens, accompagnateurs, stars du rock concurrentes, groupies, producteurs, organisateurs de concerts, journalistes, disc jockeys, présentateurs télé... Et nous aussi, pauvre public, bien sûr. Car son oeuvre est à son image : immense, d'une richesse inouïe, fascinante. Mais aussi truffée d'arnaques dues à des producteurs véreux, de disques post-mortem sur lesquels il n'apparaît parfois même pas ! Un bordel sans nom, pour résumer. C'est à cette somme que ce livre s'attaque. Tous les albums, ou presque ! Tout considérer. Et faire le tri. Comme Hendrix lui-même faisait le tri : après avoir écouté un de ses grands disques - voire un seul morceau -, tout le reste parait fade. Jimi Hendrix était le plus grand. Il n'y a même pas de discussion. Le plus grand guitariste, bien sûr. Mais aussi probablement l'un des plus grands musiciens et compositeurs de l'histoire du rock - au sens large. Voire même l'un des plus grands chanteurs. Ironie suprême pour ce grand timide qui disait détester sa voix. Mais comment faire ce fameux tri ? La carrière de Jimi Hendrix sous son nom - après n'avoir été qu'un simple accompagnateur - n'a duré que quatre ans. Il n'a publié de son vivant que trois albums studio - trois chefs-d'oeuvre - et un live. Et ce livre recense plus de cent disques ! Un cas d'école. Parce que Jimi jouait, composait, jammait avec d'autres musiciens et enregistrait en permanence. Les inédits sont innombrables, et souvent excellents. Car une chute d'Hendrix, c'est presque toujours quelque chose que n'importe quel autre musicien se damnerait pour avoir un jour enregistré... Son génie était tel que même ses rebuts étaient divins. Enfin, presque tous. En conséquence, sa discographie, pléthorique, est une véritable jungle. On ne sait où donner de la tête. Ce livre essaie de trier le bon grain de l'ivraie. Avec subjectivité, bien sûr. Comment faire autrement ? En art, il n'y a rien de meilleur que la subjectivité. La critique objective est un leurre. Stan Cuesta en sait quelque chose, lui qui a découvert Hendrix avec l'un de ses faux disques, l'une de ses fameuses arnaques, et qu'il l'a aimé parce qu'il ne savait pas. Depuis, il a tout écouté. Et il nous livre ici ses impressions, tel un reporter de guerre de retour de la ligne de front. En plus, il s'attache à raconter la planète Hendrix au sens large. Tous ces disques qu'on évoque généralement sans jamais les écouter : ceux que Jimi a, ceux des groupes avec lesquels il a joué. Un travail de dingue ? Absolument. Fait par un dingue, pour des dingues. Parce qu'Hendrix, c'est dingue.

10/2023

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Littérature française

L'état des sentiments à l'âge adulte

Tout commence par le brutal déchirement d'un couple - non pas une banale scène de ménage, mais une étreinte désespérée qui vire au viol sous la menace d'un rasoir. Pour la narratrice et Jean-Luc, son compagnon, cette ultime confrontation des corps recouvre d'autres désaccords : entre eux, un fossé s'est creusé invisiblement pour se muer en rupture définitive. Lui, commercial au chômage, ne cesse depuis des mois de combler son sentiment d'échec par une surenchère carriériste sans objet. Entre aigreur et ambition conformiste, il a perdu toute spontanéité et esprit critique. Bref, " il est devenu con ". Elle, forte d'un diplôme en sciences sociales, vient de faire un choix diamétralement opposé, en se faisant embaucher comme aide à domicile auprès de personnes âgés. Petit boulot qui apparaît " dégradant " à son conjoint. Alors que ce conflit sur leurs valeurs respectives vient d'atteindre un point de non-retour, la narratrice va tenter d'y voir plus clair auprès des deux personnes qu'elle côtoie jour après jour dans son métier alimentaire. La première est sa collègue de travail qui la relaie en milieu d'après-midi auprès d'un grabataire de 93 ans, Mariama, une Sénégalaise sans état d'âme ni excès de zèle. Au contact de cette jeune immigrée, aussi désinvolte que généreuse, la narratrice apprend à accomplir les tâches ménagères dans un esprit d'improvisation et d'amusement qui lui ouvre des perspectives inédites. Surtout, elle apprend à ne pas tomber dans le piège de la compassion facile envers leur capricieux protégé, à éviter cette pitié dangereuse qui a déjà fait tant de dégât dans sa vie de couple. La seconde n'est autre que le vieillard alité, que l'ironie du sort a baptisé d'un nom illustre, Victor Hugo. Homonymie qui ne l'empêche pas d'avoir le sale caractère d'un tyran domestique et d'un phraseur vaniteux. Mais son vécu ne manque pas de relief : jeune Résistant presque " par hasard ", puis patron d'une blanchisserie où il fera la rencontre d'une certaine Bérénice, costumière rasée à la Libération qui sera sa passion secrète, il a aussi été témoin de la répression sanglante de la manifestation des travailleurs immigrés algériens du 17 octobre 1961, vision d'horreur qui le conduira à se défier de toutes les valeurs " humanistes ". De la fréquentation de cette mémoire vivante, la narratrice ne tire pas une sagesse illusoire, mais un simple attachement qui fait son chemin en elle par des voies détournées. D'autant qu'à l'heure de sa mort prochaine, cet Hugo-là, outre la préparation de son propre enterrement sans fleurs ni personne, a choisi de transmettre l'essentiel de lui-même à ses deux fidèles accompagnatrices. Une surprise en forme " de gros cadeau " qui les aidera toutes deux, Mariama autant que la narratrice, à trouver l'énergie de bouleverser le cours de leur existence. Pour mieux dynamiter les préjugés moraux, conventions amoureuses et autres servitudes volontaires, Noémi Lefebvre joue sur tous les registres, enchevêtrant envolées réflexives et oralité à vif, aveux intimistes et mise à distance clinique, hyperréalisme et incongruité satirique. Mettant ainsi à l'épreuve des mots les chemins tortueux d'une liberté sans cesse à réinventer.

02/2012

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Beaux arts

Magritte tout en papier. Collages, dessins, gouaches

L'oeuvre de Magritte est internationalement reconnue comme un des moments essentiels de l'art du XXe siècle. De nombreuses rétrospectives et plusieurs monographies lui ont été consacrées à travers le monde ces quinze dernières années. Mais jamais jusqu'ici on n'avait étudié une facette peu connue de son oeuvre à savoir : les gouaches, dessins, lettres et croquis. Or l'oeuvre sur papier, chez Magritte, constitue une plongée originale dans le laboratoire d'une pensée subversive. Fruit d'un travail de recherche réalisé au sein du Centre de Recherche René Magritte de l'Université libre de Bruxelles, l'ouvrage doublé d'une exposition à la fondation Maillol à Paris puis au Boijmans Museum de Rotterdam, présentera lettres, croquis, esquisses sur papier, dessins préparatoires, études à la gouache, préparations mises au carré, gouaches tirées de peintures, collages et objets peints. En même temps qu'une réelle rétrospective de l'oeuvre à travers ces mediums - premières pensées ou transcriptions de ses images désormais classiques - cet ouvrage permet de mettre en évidence plusieurs aspects méconnus de la création chez Magritte. D'abord une pensée en forme de collage. Procédé essentiel de la culture moderniste, au coeur de la démarche magritienne, le collage introduit une rupture dans le principe même de la représentation. Il en a radicalement transformé le langage. On touche ici un élément essentiel de la poétique surréaliste. Le dessin ensuite s'impose comme écriture de la pensée. Ce volet couvre l'ensemble de l'oeuvre. Des esquisses aux croquis introduits dans les lettres, Magritte a construit l'image tout en testant l'idée selon un travail qui fait de tout dessin un récit en action. Il s'agit de recomposer le processus créateur de l'artiste en montrant comment il a joué des supports et des techniques. De la lettre à l'image, le laboratoire de l'oeuvre se compose à l'instar d'une pensée en perpétuel mouvement. L'activité de copies, variante et dérivés, constitue un autre chapitre dans lequel on voit que la gouache a toujours eu pour Magritte une valeur promotionnelle. On s'en rendra compte en partant des travaux publicitaires du peintre réalisés dans les années 20. Rassemblés ici, ils introduisent les copies qui ont été réalisées en gouache à des fins commerciales. Par ce biais, Magritte brise la valeur unique de l'oeuvre sans pour autant que cette dernière perde son aura. La gouache permet de renoncer au tableau comme pratique conventionnelle. Désormais celui-ci vaut comme "idée poétique" vouée à être répétée, reprise, modulée, transformée par la gouache. Michel Draguet aborde ici ce jeu de variation auquel Magritte n'a cessé de se livrer avec liberté et ironie. Enfin, directement déduite des travaux publicitaires, la pratique de la gouache passe par une affirmation de la couleur comme lumière. Ce sens, Magritte l'a expérimenté dans une forme d'opposition à sa propre peinture à l'huile aux tonalités sombres et tragiques. La gouache a au contraire parti lié avec le soleil ; elle a aussi nourri la virulence de la période vache. La confrontation des deux séries rend compte d'horizons différents. De l'une à l'autre, deux valeurs chromatiques - postimpressionniste déduite de Renoir ou expressionniste et fauve - de la gouache influent Magritte dans sa recherche de redéfinition de l'imaginaire surréaliste. Toutes les gouaches ne sont pas que des variantes. Magritte a développé dans cette technique des oeuvres sans équivalents en peinture. La gouache apparaît ainsi comme un moyen d'expression en soi au même titre que certains dessins à la plume.

03/2006

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Sociologie

Tchernychevski et l'âge du réalisme. Essai de sémiotique des comportements

Nikolaï Tchernychevski (1828-1889) est un personnage d'une importance colossale en Russie, encore bien trop méconnu en Occident. Journaliste et critique littéraire, peut-être le plus influent des années 1860, théoricien paradoxal des relations entre l'art et la réalité, activiste politique (aussi bien Dostoïevski qu'Alexandre II le jugeaient à tort responsable de la naissance du mouvement révolutionnaire étudiant), Tchernychevski est resté dans l'histoire comme l'auteur de Que faire ? (1863), roman qui prétendait fournir un "guide dans la vie", sur lequel les jeunes radicaux pourraient modeler leur vie quotidienne, leurs relations personnelles et leurs émotions. La volonté de créer des "hommes nouveaux" et des "femmes nouvelles" pour le nouvel âge révolutionnaire était née. Et Que faire? devint bel et bien un guide de vie, ses situations fictionnelles (mariage et adultère organisés de façon rationnelle, vie en communautés, création d'un corps révolutionnaire parfait) se trouvant mis en application dans la réalité, avec des résultats variables. On trouve de nombreuses allusions implicites et explicites à Que faire ? dans la littérature de l'époque, dans tous les romans de Dostoïevski postérieurs à 1863 et chez Tolstoï (l'intrigue maritale du roman se retrouve sous la forme d'un cauchemar d'Anna Karénine). Plus tard, Lénine déclara que Que faire ? était son livre préféré (et reprit le titre de Tchernychevski pour son propre ouvrage - exposant un programme concret d'action révolutionnaire qui eut bien plus de succès). En 1937, Tchernychevski apparaît sous la forme d'un personnage de fiction dans Le Don de Vladimir Nabokov, écrit dans l'émigration, tentative cette fois-ci pour exorciser ce démon par l'ironie et le ridicule, notamment grâce à une lecture féroce du journal intime de Tchernychevski, publié en Union soviétique dans un tout autre but : développer son culte en le présentant comme un saint Jean-Baptiste, prophète du bolchévisme. L'influence de Tchernychevski dépassa sans l'ombre d'un doute ce que ses actes méritaient, mais le fait est que, amis ou ennemis, contemporains ou auteurs postérieurs, tous y virent une figure d'une importance particulière : un symbole de son époque et un prototype du mouvement révolutionnaire russe naissant. Cette fusion de "la littérature et la réalité", l'un contaminant l'autre, fournit une matière idéale à une étude sémiotique de la culture qui puisse illustrer l'action réciproque de l'auteur en tant qu'homme et de son époque. Dans son ouvrage, Paperno étudie de très près la vie et l'oeuvre de Tchernychevski, et montre comment l'écrivain naît d'un contexte historique spécifique, de préoccupations sociales et psychologiques communes à son milieu et sa génération et des codes littéraires en vigueur. Parmi eux, le passage d'une vision religieuse du monde à l'athéisme et la foi en la science, de la prééminence de l'aristocratie et la noblesse sur la scène culturelle à l'émergence d'intellectuels roturiers au sein des étudiants et des lecteurs de revues, du Romantisme au Réalisme (et à une nouvelle perception des rapports entre l'art et la vie), etc. Au bout du compte, Paperno montre comment l'expérience personnelle de l'auteur se transforme en structure littéraire, donnant naissance à un roman à même d'influer sur la vie émotionnelle et le comportement de lecteurs placés dans la même situation culturelle.

06/2017

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Littérature française

Sulak

Il était jeune, il était beau, il s'appelait Bruno Sulak, et fut, au début des années 80, l'homme le plus recherché de France. Gentleman braqueur, il défraya la chronique judiciaire et séduisit tous ceux qui l'approchèrent, jusqu'au célèbre policier qui mit fin à cinq années de cavale effrénée. De sa vie tourmentée, Philippe Jaenada a fait un roman biographique captivant. Comme le dira plus tard le commissaire Georges Moréas, en d'autres circonstances, Bruno Sulak aurait pu devenir un des meilleurs flics de France. Mais le hasard a fait de lui un braqueur, sans doute le plus audacieux et le plus fascinant de son époque. Après avoir grandi à Marseille et brièvement fréquenté quelques voyous, Bruno intègre l'armée. Doté d'une mémoire prodigieuse, doué dans toutes les disciplines, il est rattrapé par un vol de motocyclette commis à l'adolescence. On le chasse sans le moindre égard. Il rejoint alors la Légion, comme son père. Sportif émérite, il s'entraîne au parachutisme, et bat le record de chute libre. Mais on lui refuse l'homologation de son exploit, à moins de s'engager pour 5 ans de plus. Une injustice qui le pousse à faire le mur pour aller passer le week-end en famille. Pendant son absence, l'ordre est donné à son régiment d'embarquer pour le Zaïre et ce qui n'était qu'une escapade devient une désertion. Il ne peut plus rentrer et bascule alors dans la délinquance. Avec son fidèle complice Drago, il se lance alors dans le braquage de supermarchés, rencontre la belle Thalie, une jeune fille de bonne famille qui va participer à certains vols à mains armée, au volant de la Simca que Bruno utilise comme une signature à chacun de ses hold-up. Incarcéré une première fois, il étudie l'anglais et le droit, puis s'évade au nez et à la barbe des gardiens. Il s'attaque à des bijouteries, se présente chez Cartier en tenue de tennisman, une raquette à la main, profite d'une visite officielle d'Helmut Khol pour aller cambrioler un joailler parisien dans un quartier truffé de policiers... Adepte de la non-violence, il n'a jamais blessé personne, avait toujours deux balles à blanc dans son revolver au cas où on le forcerait à tirer. Généreux, épris de liberté, révolté par l'injustice, il se tint jusqu'au bout à son code d'honneur et ne dénonça jamais ses complices. Mais sa dernière incarcération à Fleury-Mérogis lui fut fatale: son ultime tentative d'évasion tourna à la tragédie et suscite encore la polémique. Il fallait toute l'ironie et le second degré de Philippe Jaenada pour trouver la bonne distance vis-à-vis de ce personnage magnifique. Construit sous forme d'anecdotes croisées, son récit nous permet de suivre en simultané l'évolution des personnages clefs qui vont s'associer à Sulak. Avec son humour pince-sans-rire et son style inimitable (usage immodéré des parenthèses, digressions en chaîne... ), Jaenada imagine ce que la vie de Sulak aurait pu être si tel ou tel événement ne s'était produit, montrant par là les hasards qui président au destin d'un homme. D'une grande tendresse à l'égard de son personnage, il dresse le portrait d'un homme intègre et retrace avec nostalgie cette époque où les gangsters avaient encore du panache.

03/2024

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Histoire ancienne

Histoire Romaine. Livres 36 et 37

Le livre 36 est le premier qui nous soit parvenu par la tradition directe, et, comme le livre 37, il comporte très peu de lacunes, mais elles amènent à discuter deux questions, celle de la suture entre 36 et 37 et celle de la rédaction originelle du récit concernant les affaires de Crète. Ces deux livres, qui couvrent les événements des années 69 à 60, peuvent être qualifiés de "pompéiens" . Ils correspondent, sur le plan extérieur, à la dernière phase de la guerre de Mithridate et à la conquête pompéienne de l'Orient grec, et, à Rome, à l'affirmation de la puissance de Pompée, et à la montée des oppositions qui vont le conduire à se rapprocher de César et de Crassus pour former le "premier triumvirat" . Ces événements sont connus par d'autres textes, et l'originalité de ces livres ne se trouve pas dans l'information elle-même, quoique sur certains faits, d'ordre institutionnel notamment, elle soit sans équivalent. Nous présentons un tableau détaillé des concordances avec les récits parallèles : Cicéron (discours et correspondance), Salluste (Histoires et Catilina), Plutarque (Vies de Lucullus, de Pompée, de César, de Cicéron), Tite-Live (pour cette période uniquement les Periochae), Appien (Guerre mithridatique et Guerres civiles). Cette comparaison permet d'évaluer le travail de Dion, d'analyser ses choix narratifs, de repérer des allusions littéraires et de se rendre compte des informations qu'il est le seul à donner. Bien que la trame annalistique et la distinction entre affaires intérieures et affaires extérieures soient présentes, l'analyse du travail de composition montre que Dion évite l'impression d'hétérogénéité en constituant des ensembles narratifs, notamment pour le récit des campagnes militaires, et en articulant événements extérieurs et événements de Rome. En tant qu'historien des campagnes de Lucullus et Pompée, Dion se distingue généralement de ses prédécesseurs par la sobriété de son récit, mais certains passages sont très marqués par la rhétorique et la dramatisation, comme la bataille décisive livrée contre Mithridate et sa mort. Les digressions (par exemple à propos du siège de Jérusalem, de l'augurium salutis ou de l'étendard du Janicule) sont en relation directe avec le cours des événements. En outre, il fait preuve d'une certaine originalité quand il accompagne son récit de réflexions et d'énoncés sentencieux. Une réflexion historique de grande ampleur est vraiment le fil conducteur. Si l'année 69 sur laquelle s'ouvre le livre 36 est marquée par l'élargissement des conflits en Asie (Tigrane et Mithridate), le véritable tournant se produit en 67, avec le commandement extraordinaire attribué à Pompée. C'est pourquoi le vote de la loi Gabinia occupe une grande partie du livre et fait l'objet d'une rédaction particulièrement soignée, avec un ensemble exceptionnel de trois discours, dont l'argumentation et les aspects formels sont étudiés avec précision (celui de Pompée est sans doute fictif). Ces discours soulignent le caractère décisif, selon l'historien, de cette étape du passage de la République au Principat et manifestent son intérêt pour les questions institutionnelles. De même la conjuration de Catilina forme une part importante du livre 37, et permet à Dion de livrer une réflexion très critique sur l'affaiblissement du Sénat. La place accordée aux personnages est cohérente avec la perspective d'ensemble des livres républicains : par exemple, le contraste entre l'échec de Lucullus et la réussite de Pompée anticipe sur sa domination politique future, et la présentation de Pompée, César et Cicéron est conçue de façon à préparer les événements ultérieurs. Les effets de contraste et d'ironie et les comportements politiques comptent bien plus que le souci de cohérence psychologique.

11/2014

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Histoire de France

Journal d'un interné. Drancy 1942-1943

Drancy de Georges Horan est un manuscrit inédit récemment découvert par sa famille. Connu pour ses 56 estampes publiées en 1947 sous le titre Drancy, seuil de l'enfer juif (dont la réédition a lieu en parallèle par les éditions Créaphis), Horan livre ici un texte exutoire et cathartique rédigé dans les semaines qui suivent sa libération du camp en mars/avril 1943. La sincérité et l'immédiateté du texte lui confèrent une portée particulière. "Ecrit pour [lui], pour [s]e libérer d'une obsession", ce texte à usage privé ne le force pas à l'optimisme, contrairement à sa correspondance avec sa famille. Il fait preuve d'humour, d'ironie et de lucidité, s'autorise un style très personnel qui ajoute à ce texte une indéniable dimension littéraire, rare pour ce type de document. Il s'agit de "fixer sur le papier" ce dont il fut le témoin au cours de son internement, débuté le 10 juillet 1942. Encouragé par René Blum, jeune frère de Léon, il a dessiné ces "choses vues" mais il les a aussi décrites. Ce texte inédit, qui documente notamment l'été 1942, une des pires périodes du camp, éclaire ses dessins d'un jour nouveau et donne des clefs de compréhension sur ce moment majeur pour l'histoire du camp de Drancy. Celui-ci devient alors le camp de transit de l'ensemble des camps d'internement des juifs de zone occupée, comme de zone libre, principalement vers Auschwitz-Birkenau. Son témoignage sur les déportations en gare du Bourget est exceptionnel : de "corvée de Bourget" il est "porteur de bagages" pour les départs et les arrivées. Thomas Fontaine, historien et directeur du musée de la Résistance national, développe en postface l'importance du rôle de cette gare dans le processus de déportation et de l'enjeu mémorial qu'elle constitue. Extraits de texte (avant-propos de Georges Horan) : 16 avril 1943. J'écris ceci pour moi. Pour me libérer d'une obsession. J'essayerai difficilement d'être objectif et m'appliquerai à n'être qu'un témoin, un oeil attentif. Si la subjectivité ne veut point se soumettre, tant pis. [...] J'écris pour moi-même. Peut-être en donnerai-je une lecture, afin que personne ne m'interroge plus sur Drancy. Je suis intoxiqué de Drancy, saturé. Toutes ses images - j'en ai fait des centaines, peut-être un millier – me sont familières ; elles sont impressionnées dans ma pensée, et mes yeux les reconstituent. Je dors encore sous leur maléfique influence. Je n'ai que ce moyen de leur échapper ; les fixer sur le papier. Elles s'useront. Mais auparavant je dois leur donner un corps, une forme. Je ne suis malheureusement ni Callot ni Goya ni Picasso. Mais j'ai promis aux compagnons de retracer leur misère. C'est un devoir. De ces centaines de croquis, de silhouettes, je dois tirer une documentation vengeresse. [...] Je dois dire pour ceux qui ne le peuvent. Certaines affirmations déplairont parce que vraies. Je ne dresse pas un réquisitoire : il se dégagera lui-même. Je ne plaide pas une cause ; d'autres le feront. J'ai vu fort peu de noblesse ; mais énormément de laideur, de bassesse et d'horreur. Quoique je fasse je ne saurai jamais dépeindre l'épouvante des nuits précédant les déportations : les hurlements désespérés des femmes, les lamentations, les pleurs, les gémissements des enfants et des bébés. Je suis tellement inférieur à la tâche à accomplir. Dussé-je revivre péniblement en ma chair, en mon esprit, en mon coeur les tourments qui ont cessé provisoirement pour moi, que je dois l'entreprendre. Et que mes compagnons et les autres me pardonnent si je ne réalise que partiellement ce travail épouvantable.

10/2017

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Littérature anglo-saxonne

La fureur de vivre

"La fureur de vivre" est le premier livre de Lauren Hough. Best-seller du New York Times dès sa sortie en 2021, il est acclamé par les médias : Ms Magazine, Oprah Daily, The Washington Post ou NPR, la radio publique américaine. Cate Blanchett (1) bouleversée par le texte et frappée par la puissance de la voix de Lauren Hough prête la sienne pour l'audio et signe une préface inédite pour les Editions du Portrait-préface de comé- dienne débutée avec Emma Watson pour le Steinem-. Dans ce roman d'apprentissage, dans la tradition de la non-fiction narrative américaine, Lauren Hough raconte son enfance dans la secte les "Enfants de Dieu" et son insertion dans la société américaine. Lauren et sa famille sont trimballées d'un continent à un autre, d'un pays à un autre, vivent dans des maisons surpeuplées et connaissent la pauvreté. Dans la secte, les enfants subissent de nombreux abus sexuels lors des "nuits de partage" programmées avec des adultes, sont victimes de "frottements" par des garçons dont le comportement abusif est encouragé et sont forcés à pratiquer le "flirty fishing", c'est-à-dire à coucher avec des Systémites - personnes qui sont dans le système- pour leur extorquer de l'argent à re- verser à la secte - prostitution sainte ! -. A l'âge de 15 ans, elle quitte la secte avec sa mère et son frère pour aller vivre chez sa grand-mère, au Texas, un des Etats les plus conservateurs des Etats-Unis. Très vite, elle rejoint l'armée car elle veut voyager - même l'Arabie Saoudite lui donne envie ! -. La politique du "Don't ask don't tell" (2) l'oblige à dissimuler son homosexualité pour garder son travail. Mais difficile de cacher ce qu'on est. Victime d'homophobie, elle sera forcée de quitter l'armée et verra apposer sur ses papiers "aveu d'homosexualité" . Elle se retrouve alors à Washington D. C. , sans le sou, avec un ami, enchaîne les petits boulots - ba- rista, videuse dans un bar gay, technicienne d'installation de réseaux câblés - et découvre le " "Ca" freu- dien de l'Amérique en sous-vêtements qui se demande s'il a pensé à effacer son historique de recherches" . La fureur de vivre raconte l'Amérique du "make America great again" : le goût des armes, les convic- tions homophobes et anti-avortement - enceinte elle est très heureuse de se retrouver en Californie où l'IVG est pratiquée librement-. Elle met en évidence le récit américain et toutes ses contradictions. Mais surtout : elle raconte les luttes de la psyché de l'être humain qui lorsqu'elle n'arrive pas à matu- rité voit toujours ses instincts primitifs se battre contre ses désirs d'émancipation. Elle aborde ainsi la miso- gynie de ses clients gay ou la violence proférée par ceux qui détiennent la morale et le pouvoir ("car l'Eternel châtie celui qui l'aime, Comme un père l'enfant qu'il chérit") Portée par une écriture directe, pleine d'ironie et d'humour, Lauren Hough embarque le lecteur dans ses différentes vies - à tel point qu'il finit par penser que c'est de la fiction-. Il est projeté au coeur même de l'apprentissage, là où consentement, esprit critique et prises de consciences se révèlent et permettent à l'in- dividu de trouver sa place, d'être présent à soi pour devenir un être agissant et faire quelque chose de sa vie. Une perspective de vie en forme d'appel à l'esprit humain. Ici se situe la puissance de La fureur de vivre, un livre féministe joyeux, enthousiaste malgré tout !

03/2023

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Grèce

La chute de l'empire athénien. Tome 4, Nouvelle histoire de la guerre du Péloponnèse

Pourquoi, alors qu'ils avaient réussi à survivre et à se remettre du désastre de l'expédition de Sicile, les Athéniens ont-ils finalement perdu la guerre ? C'est à cette question que s'attache Donald Kagan dans ce quatrième et dernier volume de sa Nouvelle histoire de la guerre du Péloponnèse. L'ouvrage couvre les dixannées qui vont des suites immédiates de la destruction du corps expéditionnaire athénien en Sicile en 413 jusqu'à la capitulation d'Athènes en 404. La période est marquée par le déplacement du théâtre principal des opérations en mer Egée, sur les côtes de l'Asie Mineure et dans l'Hellespont, après que l'édification par les Spartiates d'un fort permanent à Décélie et l'installation d'une armée commandée par Agis, l'un des rois de Sparte, eurent bloqué le jeu en Attique. Privés de l'Attique et de ses ressources agricoles et minières, et alors qu'ils se battaient pour garder le contrôle de leur empire et des revenus qu'ils en tiraient, la révolte de l'Eubée en 411 sema la panique chez les Athéniens. Il ne restait plus à Athènes comme seule source d'approvisionnement en blé que le grenier des pourtours du Pont-Euxin. La maîtrise des détroits (Hellespont et Bosphore) devint dès lors vitale, au moment même où elle lui était contestée. Dans son analyse de ce nouveau contexte, Kagan met en évidence la victoire définitive des stratégies autrefois impulsées par Démosthène et Cléon d'un côté, et par Brasidas de l'autre, sur le schéma péricléo-archidamien qui avait caractérisé les premières années de la guerre. Plus précisément, c'est en radicalisant la stratégie archidamienne (en instaurant un blocus terrestre permanent de l'Attique) et en la complétant par celle de Brasidas (ouverture de nouveaux fronts et conclusion de nouvelles alliances à l'Est) que le camp péloponnésien allait provoquer une véritable rupture dans le conflit par l'intervention d'un nouvel acteur : les Perses, animés par l'espoir de récupérer les cités d'Asie Mineure perdues après les guerres médiques. Cette nouvelle stratégie fut prise en charge par Alcibiade et Lysandre, qui allièrent de manière indissoluble le militaire et le diplomatique. Lysandre avait cependant l'avantage sur Alcibiade d'être meilleur tacticien et meilleur diplomate, et surtout de ne pas être décrédibilisé dans son propre camp. S'étant assuré un soutien fiable des Perses à l'arrivée aux commandes de Cyrus le Jeune, nouveau satrape d'Ionie, Lysandre put parachever le schéma brasidien en obtenant les moyens de financer et d'entraîner une puissante flotte, enfin capable de rivaliser avec celle des Athéniens. Brillant stratège et très ambitieux, Lysandre remporta alors deux victoires navales décisives à Notion (en 406) et à Aïgos-Potamoï (en 405). Cette dernière vit l'anéantissement de la flotte athénienne et le retour du gros de l'armée spartiate en Attique pour porter le siège devant Athènes. Les ruses de Lysandre condamnèrent rapidement la cité à la famine et la paix fut signée en 404. La défaite d'Athènes était totale. Mais temporaire.

04/2024

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Thèmes photo

Lost Shadows

En Camargue, Marco Rigamonti a rencontré un monde premier, l'eau et la terre épousant leurs intensités sous un ciel de lumière pure. Les paysages qu'il contemple sont silencieux. L'homme est passé par là, qui disparaîtra plus vite que la forme des lieux. Percevant les correspondances entre les objets façonnés et le territoire qui les porte, le photographe aborde l'espace comme on le respire, calmement, les poumons se remplissant d'air, puis se vidant. Ses images sont ainsi dépouillées d'affects faciles ou de sentimentalité, la psychologie étant le plus souvent une taie entre le regardeur et les scènes qu'il reçoit. Au pays des manades, Marco Rigamonti propose un voyage dans l'ocre et la grâce de toute présence, entre allègement du moi et solennité très ancienne. Il y a dans ses rectangles de vision de la gravité, mais aussi de l'absurde et de l'humour spontané, sans moquerie. L'émouvante intimité des choses y rencontre le saugrenu, ou l'incongru, et l'éclat de la vérité de ce qui est, simplement baigné de soleil, la malice du spectateur. On entre en ses photographies comme on pénètre dans une arène sans savoir d'où viendra l'animal qu'il nous faudra affronter dans un combat plus spirituel que physique. Les signes de la culture camarguaise sont montrés, entre sentiment de survivance de l'ethos d'un peuple et surprise d'advenue. Si l'on perçoit ici de l'oisiveté, ce n'est pas au sens du vice que déploraient nos grands-mères, et les affairés du Spectacle tournant sans fin dans le vide, mais au sens du souci du soi des Antiques, cette sagesse dans l'approche du temps et des corps jetés dans l'impermanence. C'est une attente sans drame sous la brise chaude, ou les rayons de plomb, une conscience de la maturation nécessaire pour que chaque entité - végétale, animale, humaine - arrive à son terme en développant le meilleur de son suc. Marco Rigamonti a photographié un Far-West français à la fois drôle et sauvage, ouvert à tous les êtres ayant su préserver leur part d'indocilité, leur liberté, leur grain de folie. La Camargue qu'il révèle, sèche et recouverte d'eau séminale, est une puissance, un royaume camarade pour les solitaires, un désert où affronter, front droit, la Camarde. Dans le dialogisme de ses images, un tuyau d'arrosage est bien plus qu'une ligne de caoutchouc serpentant dans le sable, c'est aussi, dans la conversation secrète des formes, l'arcature surplombant une fontaine en construction, le rail d'un train fantôme, ou la courbe délicieuse d'un tobogan. S'il est identifiable sur une carte de géographie, l'espace qu'arpente l'artiste italien est aussi de l'ordre d'une cosa mentale peuplée de signes pouvant paraître étranges pour les non-initiés, comme des archétypes sibyllins. On peut penser à la peinture métaphysique de Giorgio De Chirico, et à la sensation troublante d'un monde de pure autonomie échappant à la causalité ordinaire. En ces territoires de sable et de poussière, des Aliens débarqueront peut-être, les tables de pique-nique arachnéennes n'étant d'ailleurs pas sans rappeler tel épisode fameux de La Guerre des étoiles. Par petites touches et décalages de détails, presque imperceptiblement, Marco Rigamonti nous fait entrer dans une fiction où un homme torée une camionnette, et où les éléments de la réalité semblent concourir à la construction d'un vaste trompe-l'oeil. Plane en ce pays unique, et rempli d'artefacts, une âme taurine gigantesque, comme si le moindre acte, la moindre scène, était regardée par qui a déjà été soumis au combat ultime, et l'a perdu. Voyant défiler les grandes étapes de son cadre familier, le bel animal trépassé prend le temps, luxe pour une noble bête à cornes élevée pour la lutte - mais l'éternité n'est pas pressée -, d'aller flâner du côté de Piémanson, de ses caravanes parfois éventrées, de ses pirates, de ses baigneuses graciles et de ses touristes égarés. Par la stupeur sereine de ses images, et leur douce ironie, le photographe affirme qu'il n'y a pas de pureté identitaire, mais un jeu, certes sérieux, intime, avec les codes de l'appartenance, ce qui ne peut que réjouir. Faulkner l'écrivait : "Le temps ne passe pas, il n'est même pas passé". Fabien Ribery

09/2023

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Société

Tourism in the Climate Change Era. Le tourisme à l'heure du changement climatique

Ces dernières années ont été les années les plus chaudes jamais enregistrées, et de plus en plus de cataclysmes météorologiques prouvent que le changement climatique n'est plus une hypothèse future, mais bien un phénomène présent. La transition d'un mode de vie à un autre oblige la société à s'adapter, à migrer ou à résister, imprimant d'artificielles mutations à l'environnement. Cet ouvrage cherche à explorer comment l'industrie du tourisme réagit aux effets du réchauffement climatique, tels que la diminution des chutes de neige, la désertification, la fonte des glaces polaires et la montée du niveau de la mer. Entre 2015 et 2021, ce concept a donné naissance à quatre projets distincts à travers le monde, qui sont rassemblés ici dans ce livre : Snow Land (Aux pays des neiges), situé dans les Alpes italiennes des Dolomites ; Water Tour, (La route de l'eau) réalisé en Palestine et en Israël ; Iceberg Souvenir (Souvenir d'iceberg), couvrant le Canada, le Groenland et l'Islande ; et enfin, Lost Paradise (Paradis perdu), situé dans la République des Maldives. Dans les Dolomites, des millions de visiteurs se sont habitués à skier sur 1200 kilomètres de pistes artificielles. Nous assistons à un décalage de la saison d'hiver, avec un très net raccourcissement de la période pendant laquelle la neige naturelle peut être appréciée. Afin d'éviter un effondrement culturel et économique de la communauté locale, les acteurs publics et privés ont réagi en reconstruisant artificiellement l'"hiver". De novembre à mars, les Dolomites changent de peau, transformant ses paysages à couper le souffle en toile de fond en un immense parc de neige artificielle. Un Snow Land. Les niveaux d'eau de la mer Morte et de la mer de Galilée ont définitivement chuté en dessous des seuils critiques, et le Jourdain s'est réduit à un simple filet d'eau boueuse. Le processus de désertification en cours s'accentue, aggravant une crise de l'eau déjà chronique dans la région. Ces sites connaissent néanmoins une augmentation de la fréquentation touristique et, afin d'en tirer parti, les hôtels ont mis en place des installations de baignade mobiles qui suivent pas à pas la baisse du niveau de la mer Morte. Paradoxalement, cette industrie du tourisme montre également ses contradictions en plein désert du Néguev, là où l'eau est par définition absente : des hôtels de luxe et leurs piscines garantissent un passionnant Water Tour, coûte que coûte. Les glaces du cercle arctique reculent, tandis que le Canada, l'Islande et le Groenland font face à des températures plus chaudes. L'écosystème se transforme inexorablement, entraînant des fragmentations de glace plus grandes et plus nombreuses. Dans ce scénario apocalyptique, nous voyons des scènes dans lesquelles des touristes tentent de saisir un morceau d'iceberg fondu du pôle Nord d'une main tout en tenant une perche à selfie de l'autre, impatients de capturer le moment. Du Groenland au Canada, en passant par l'Islande, nous assistons à la vente du " vrai Nord ", avec des forfaits de voyage tout compris offrant l'expérience du changement climatique, y compris un Iceberg Souvenir pour seulement cinq dollars. Les températures océaniques en augmentation constante provoquent le blanchissement de l'une des merveilles naturelles les plus magnifiques au monde : le récif corallien des Maldives. Cette incroyable barrière naturelle est désormais menacée par les impacts du réchauffement climatique. De plus, le tourisme de masse, le dragage des fonds marins pour ériger des îles artificielles et l'accumulation de déchets flottants exacerbent cette catastrophe masquée. En conséquence, les Maldives succombent progressivement à l'érosion marine. Mais si le niveau de la mer monte, l'urbanisation sous-marine augmente également. Dans une tentative à court terme pour attirer plus de visiteurs, des entreprises de luxe transforment certains atolls en une sorte d'Atlantis pour touristes. Pour préserver ce qui reste, des murs marins ont été construits, et les touristes peuvent profiter de la vue à couper le souffle de ce Lost Paradise derrière d'inoubliables barrières en béton massif. Bien que le tourisme semble être un secteur périphérique, il joue en réalité un rôle significatif, représentant 10 % du PIB mondial. Les vacances restent un signe distinctif du statut social de la classe moyenne dans le monde entier ; or, dans un proche avenir, nos vacances rêvées pourraient ne plus être qu'un lointain souvenir. Non sans ironie, cet ouvrage tente d'analyser un thème d'importance planétaire : les effets du changement climatique sur nos modes de vie.

10/2023