Editeur
Genre
Critique littéraire
Pour Patricia, ma lectrice
Pour Aurélien et Camille
« Un livre, ça n’a l’air de rien, des mots sur une page, mais en réalité, il s’agit d’une technologie infiniment complexe qui traduit des gribouillis bizarres tracés à l’encre en images à l’intérieur de votre crâne. »
Jasper FFORDE,
Le puits des histoires perdues
APPRENDRE À ÉCRIRE
Vous écrivez.
Vous noircissez des pages. Vous avez, depuis des mois, un récit en cours sur lequel vous séchez. Rien ne vous apporte autant de plaisir et rien n’est plus frustrant. Voilà trois jours que vous vous cassez le nez sur cette scène. Vous la voyez, pourtant. Mais par où la saisir ? Vous raturez, reprenez, recommencez sans fin…
Parfois, le découragement gagne. Vous restez des heures à sucer votre stylo (ou à dépoussiérer votre clavier) sans parvenir à pondre une ligne. C’est l’angoisse de la page blanche. D’autres fois, vous grattez fiévreusement. Il vous semble que les mots tombent d’eux-mêmes, se rangent spontanément sur la page en ordre de bataille. Le lendemain, à la relecture, déception et tristesse. Rien ne tient. Personnages en déroute, paysages incertains, brouillard du style… Une vraie Bérézina.
Comment donc font les autres, les auteurs que vous admirez ? Vous vous précipitez dans les livres, avides de comprendre, d’y chercher des leçons.
Car, vous le savez, il n’y a pas d’école pour les écrivains. Peut-être parce que rien ne semble plus simple qu’écrire. À l’évidence, peindre ou jouer de la musique est une autre paire de manches. Il n’est pas donné à tout le monde de savoir dessiner, de connaître le solfège ou de pincer au bon endroit les cordes d’un violoncelle. Faire le conservatoire, apprendre les règles de la perspective, le maniement du pinceau, de la gouache, ou passer des heures à la barre sous la direction d’un maître de danse semble indispensable pour qui se voue à devenir pianiste, illustrateur ou ballerine.
Mais écrire ? Nous sommes tous doués, à des degrés divers, de la faculté de rêver, d’imaginer, d’inventer. Voilà pour la matière. Quant à l’outil, l’écriture, nous le manions depuis l’école primaire. Quotidiennement, et sans relâche, nous écrivons : des rapports, du courrier, des textos, des listes de courses, un journal intime quelquefois.
Faire œuvre d’écrivain semble donc à portée.
Pourtant, quiconque s’est déjà confronté à cet exercice le sait : écrire est un art. Plus proche de celui de l’illusionniste que de celui du rédacteur de rapports. C’est qu’il faut prendre le lecteur au filet de notre imagination, lui donner à croire que ce que nous racontons se déroule à l’instant sous ses yeux. Mentir (nous inventons) non pour lui nuire mais pour le divertir, lui apporter émotion et plaisir.
Où cela s’apprend-il ?
Existe-t-il des règles ? Une méthode ?
L’art d’écrire s’enseigne-t-il seulement ?
L’idée même nous heurte, nous autres Français qui, plus que tout autre peuple, vénérons nos écrivains. Apprendre à écrire, comme on apprend à jouer au golf ou à dresser des bouquets, semble attenter à la nature sacrée de la littérature, à son mystère. L’écrivain est inspiré, point à la ligne. C’est-à-dire traversé, tel un médium, par un souffle divin qu’il met en forme dans une sorte de transe mystique.
Extraits
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