#Roman francophone

Urbs

Raphaël Meltz

Changer le monde... Treize personnages, dont l'auteur, forment une conspiration pour réfléchir aux meilleurs moyens de faire dérailler notre société. En treize chapitres, treize solutions vont être étudiées. Hommage à L'Histoire des Treize, le roman de Balzac, Urbs traite à sa façon de la modernité urbaine, de l'amitié, de la disparition et de l'idée de vérité en littérature. L'auteur le définit comme un roman picaresque. On peut aussi y voir une sorte de roman gonzo à cause de sa subjectivité assumée, de son avidité pour le réel et d'un sens prononcé de l'absurdité du monde.

Par Raphaël Meltz
Chez Attila

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Editeur

Attila

Genre

Littérature française

IL N'EST POINT CONTESTABLE que l'on doive qualifier Paris de capitale du sommeil. Pour qui se rendrait aux alentours de huit heures et demi du matin à la station Saint-Lazare de la ligne 13 du métropolitain, et qui serait, précisément douze heures plus tard, quelques mètres plus haut, dans le quartier portant le même nom, le contraste serait éprouvant : le matin, des hordes de costumes cravates aux prégnantes odeurs d'af-ter shave mêlés aux tailleurs de jeunes filles dont les cheveux encore mouillés écrasent le voyageur levé tôt involontairement sur les portières d'un véhicule bondé ; le soir, des rues déser­tes où se faufilent presque par erreur quelques couples ou individus solitaires qui vont se sustenter dans deux ou trois restaurants sans charme ni bruit.
Qu'ils habitassent à Paris même ou dans ses faubourgs de pro­che ou lointaine banlieue, ses habitants ont pour habitude de n'éprouver leur ville que dans son acception purement profes­sionnelle, c'est-à-dire: néant. Y travaillant, ils n'y vivent pas. Y passant, ils ne la regardent pas. Y vivant, ils ne la ressen­tent pas.
Lorsque treize d'entre eux décident de faire exploser cette routine, cela fait, logiquement: du bruit.

— Oh non pas un roman picaresque.
— Ah non ? Et pourquoi pas ? Pourquoi pas un roman picaresque ?
Le chevalier blanc m'agace, à se draper dans sa cape de mora­liste perpétuel.
— Raphaël Meltz, vous êtes un personnage profondément immature. Vous êtes resté à une littérature de l'enfance, avec preux chevaliers et voyages afférents, mais aujourd'hui c'est d'un académisme. Faites original, bon dieu, faites original.
— À propos de chevalier, tu devrais, ce me semble, ne pas trop en rajouter.
Je suis comme les vrais hommes de pouvoir, qui tutoient ceux qui les vouvoient.
— Et je vais te dire quelque chose, chevalier blanc: j'ai envie de faire un roman picaresque, ça ne se discute pas. Avec des stra­tes de personnages, avec le portrait d'une ville et d'un monde, avec déplacements en tous sens et peut-être même des ban­dits. J'ai envie j'ai envie, c'est tout.
Je le raccompagne fermement vers son placard : un peu d'auto­rité ne peut nuire.
— Vous avez changé, Raphaël Meltz. Vous avez vraiment changé. Si mon illustre prédécesseur était encore là...
Son illustre prédécesseur? Un avocat du diable à la mauvaise haleine que j'avais eu la bonne idée de supprimer avant qu'il n'apprenne les chiffres de vente du livre qu'il était chargé de pimenter: trois cent quarante-trois exemplaires (mon premier roman, soit dit en passant ; quelques mois plus tard, l'éditeur faisait faillite). Il en serait mort de chagrin (alors que là: mort heureux). Mais, oui c'est un peu vrai, il me manque parfois. Ne serait-ce que parce qu'il était petit, griffu et qu'il gigotait tout le temps, là où le chevalier blanc, arrogant et plein de prestance, me rappelle un ambassadeur grisonnant en fin de carrière. Franchement, vous seriez capable, vous, d'écrire un livre sous l'œil inquisiteur d'un ambassadeur grisonnant en fin de carrière ?

Donc il s'avère que je me suis renié, que je suis devenu une crevure de romancier content de lui qui a envie de raconter une belle histoire pour faire pleurer dans les chaumières. Pourquoi? Parce que c'est beau, de voir des gens pleurer dans une chaumière.
Et parce que : dans cette chaumière j'entrerai et je pourrai pleurer, moi aussi. Et j'y serai bien.

PROLOGUE

LA STATION DU MÉTRO PARISIEN, ligne 4, sise sous la place Saint-Michel a une architecture assez excitante pour qui a gardé son âme d'enfant : on se croirait dans un roman de Jules Verne ou un film de Georges Méliès racontant l'en­trée dans un appareil qui va parcourir le centre de la Terre ou accomplir le voyage vers la Lune. Gros boulons, poutres métal­liques directement issues de l'atelier de monsieur Gustave Eiffel, et escaliers en colimaçon : il n'en faut pas plus pour me faire rêver, a minima.
C'est là que nous avons rendez-vous : les Treize. Arrivé au pied de l'escalier, demi-tour complet ; puis il faut marcher un peu pour rejoindre le quai. Max Didot m'attend là, avec des airs de conspirateur. Max Didot: le doyen des Treize.
— Euh Max... Pourquoi ces airs de conspirateur?
— On est quoi selon toi ? Je regarde autour de moi.
— Et les autres ? Ne sont pas là ?
— Voyons. On est là, on est tous là. On a décidé de se retrou­ver vingt minutes plus tôt. J'ai été chargé de t'accueillir. Les autres sont cachés, quelque part dans le métro. Cherche! C'est mignon. Ils m'ont fait une surprise. Je m'avance sur le quai. Et là tout de suite je fais moins le malin, parce qu'outre Max Didot ça fait onze personnages d'un coup à faire entrer dans l'histoire.
Oh j'ai essayé, je les ai inventées, ces onze façons de se cacher. Mais, franchement, à quoi bon: ça faisait exercice de style. Ça faisait : je vous présente mes personnages. C'était lourd, or il est de notoriété publique (interrogez les gens autour de moi — si tant est qu'il reste des gens autour de moi) que j'aime la légèreté.

Je supprime donc ce passage, et je conserve juste une longue phrase prévue pour lancer au lecteur, qui les attrapera peut-être au vol mais aura le temps, je le rassure, de s'y retrouver plus tard, les noms de tous mes personnages: Les yeux cinglants de Kevin Bourdieu glissent de l'affiche qu'il est en train de commenter avec Nicolas vers ce der­nier qui sourit à Fréhel qui fait un signe à Jean-Marc Salazar qui cligne de l'œil en direction de Catherine de Gouges qui bavarde avec Rosa qui acquiesce doucement en se tournant vers Shéhérazade qui s'approche de Medhi Fanon assis sur un banc à côté d'Emilio Rabelais dont la main droite semble évoquer par un geste gracieux et mystérieux celui-qui-n'est-plus-là qui aurait été en train d'apostropher François Leeson, Max Didot a fini son regard circulaire, il se tourne vers moi, on dirait qu'ils vont saluer comme au théâtre. Ils sont ravis de la bonne surprise qu'ils m'ont préparée et je dois dire que je suis un peu ému, quand même. La voix (com­prendre : l'écriture) un peu chevrotante, je reprends mon rôle. Si ce n'est de chef, du moins de responsable de la narration: Saint-Michel est une des rares stations parisiennes à ne pas avoir été encore rénovée. On peut y voir tout ce qui, petit à petit, disparaît du réseau : des traces. Matérielles : des empreintes de la façon dont le métro parisien a été construit, dans les premières années du XXe siècle. Et c'est beau. Dans les métros construits plus tard, à partir de 1950 disons, toutes ces marques disparaissent, on cache les structures architectu­rales, on croit qu'être moderne c'est être lisse, c'est tenir tout seul. Mais c'est une connerie : c'est tellement plus émouvant de voir les piliers, comme ici. De voir les boulons. Métro qui arrive, portes qui s'ouvrent, montée d'un groupe, portes qui se ferment, stations. Tout cela me semble un peu puéril. On a passé l'âge de l'adolescence, non? Pourtant, Rosa bavarde avec Shéhérazade, Salazar et Rabelais plaisan­tent ensemble, et Nicolas explique à Kevin Bourdieu comment graffer les wagons du métro sans se faire choper. Joyeuse colo­nie sans vacance.

— Il y a quelque chose de... de quoi? La première fois qu'on lance les personnages dans le grand bain de leur histoire. Me déclare le chevalier blanc.
— De... d'émouvant, c'est ça? demande l'auteur, un petit peu fier.
— Émouvant ? Raphaël Meltz, vous me faites quoi, là, l'ani­mal sensible ? Non, je cherchais un mot dans le champ lexical de la prise de risques. Vous avez des lecteurs et, tout à trac, vous leur balancez une dizaine de noms (dont la plupart sont, circonstance aggravante, des pseudonymes empruntés à des personnages connus). Comment voulez-vous qu'on s'y retrouve ? C'est qui, Jean-Marc Salazar ?
— Salazar, c'était un dictateur au Portugal...
— Je sais bien. Dites-moi Raphaël Meltz vous jouez à l'imbé­cile ou quoi? Qu'est-ce qui vous arrive?
Je ne peux nier un moment de faiblesse. Pour tout dire, je me laisse dominer par le chevalier, ce qui n'est pas si fréquent.
— Donc si vous étiez un peu sérieux, vous commenceriez par décrire chacun des personnages à chaque fois que vous les introduisez dans le récit. Ainsi le lecteur se ferait une image mentale, et votre histoire roulerait sur des rails bien huilés. Je ne relève pas la métaphore. En revanche, je reprends, de la bête, du poil.
— Mon petit (le ton doucereux est ce qu'il y a de plus mépri­sant au monde) on n'est plus tout à fait obligés d'écrire comme au XIXe siècle. On a le droit de dynamiser, oserais-je dire, preux chevalier, de dynamiter un peu les codes. D'introduire des silhouettes qui prennent de l'épaisseur subitement, ou alors pas du tout, ou alors petit à petit. Souplesse, garçon che­valier - voilà ce qui semble te manquer.
— Il me paraît que votre fixette, pour le dire un peu vulgaire­ment, sur ce siècle qui n'est pas connu pour avoir été le plus manche en termes de création littéraire, est un peu ridicule.
— Pense, petit personnage, à L'Awentura.

— Le film commence. Tu ne sais pas ce que tu vas voir. Tu découvres une belle brune, jeune femme extravagante, que tu prends pour l'héroïne, tu l'accompagnes prendre un bateau, dans un coin une jolie blonde effacée, tu n'y prends pas garde, et puis bam.
— Quoi, «bam» ?
— Bam, la brune disparaît, et la blonde devient l'héroïne, et c'est Monica Vitti, et il s'avère que c'est la plus belle femme du monde, et tu sors de ce film complètement remué.
— Patron, vous ne seriez pas en train de me raconter votre vie?
Il a atteint là les limites de l'insolence que je peux tolérer. Claquement de doigts impératif. Il redevient ce ticket de métro blanc rayé d'une bande de marron foncé qu'il n'aurait jamais dû cesser d'être. Ce ticket de métro à qui je chuchote je n'ai jamais supporté les films d'Antonioni, c'est d'un mortel ennui. Ce ticket de métro qui a encore le temps de m'exhorter à repren­dre le fil de mon livre (cesse donc de tourner autour de la littérature, plonge dedans, me disait hier encore une jeune femme charmante dont il m'a semblé évident qu'elle ne goû­tait aucunement à mon humour).
Gare de l'Est. J'ouvre la porte: cela vaut signal. Nous descen­dons : voilà les Treize au milieu du quai de la ligne 4, le métro vient de repartir, le flot des voyageurs a filé prendre le train ou une correspondance, nous sommes groupés, tous sauf bien sûr celui-qui-n'est-plus-là. Et c'est Max Didot, fort de son titre de doyen, qui prend la parole.
— Alors, Raphaël Meltz, que va-t-on faire?
— Que faire? demandait déjà Lénine, en 1902. Et Que faire?, demandait avant cela, en 1863, Tchernychevski, l'idole des jeu­nes révolutionnaires russes.
C'est ce qu'on appelle : esquiver. Et ça fonctionne, car, outre Didot, membre pendant trente-et-un ans du parti communiste français, nous avons, avec Kevin Bourdieu, Emilio Rabelais et Catherine de Gouges, plusieurs sinon spécialistes du moins amateurs de l'aventure léniniste du début du XXe siècle. Autant dire que se lance un débat bouillonnant sur l'état de la Russie pré-révolutionnaire, débat que j'aurais pu sagement synthétiser comme un vulgaire étudiant en sciences politi­ques. Mais je suis là pour vous distraire. Alors je vais jouer à l'écrivain, et je vais vous emmener, par la simple force de mon style, là-bas, aux temps jadis.
Là-bas, c'est Genève. Et les temps jadis, ce n'est jamais qu'il y a une centaine d'années, fin janvier 1904. Au Landolt, une bras­serie de la rue de Candolle, à côté de la plaine de Plainpalais où les bolcheviks russes émigrés ont leurs habitudes (si j'osais, je vous livrerais l'ensemble des articles parus dans La Tribune de Genève en 2006 sur le destin de la table mythique du Landolt où Lénine et ses compagnons avaient gravé leurs noms en buvant des bières, comme la coutume estudiantine le voulait: volée, vendue, brûlée?). C'est Nikolai Valentinov qui racontera la scène, en 1953, dans ses Mémoires : cinquante ans plus tard, autant dire que le souvenir ne doit pas être très fia­ble. Et que je peux donc le romancer comme je le veux. Outre Lénine, il y a là Vatslav Vorosky, journaliste qui par­ticipe à ITskra, le journal de Lénine, et Sergueï Goussev, un autre bolchevik. Valentinov rejoint le groupe et la conversa­tion en cours de route : Vorosky et Goussev parlent littérature (je vous promets que je ne triche pas) ; pire encore : ils par­lent des œuvres qui connaissent un grand succès à leur sortie puis se «flétrissent» assez vite, n'inspirant plus «que l'ennui ou l'indifférence». Dans cette catégorie, Vorosky fait entrer le Werther de Goethe, plusieurs livres de George Sand, et des romans russes que nous (là, je parle de nous, nous, pas eux) ne connaissons pas vraiment, La Pauvre Lise de Karamzine, et Signe des temps, de Mordovtsev.
— Puisque vous citez Mordovtsev, on peut ajouter à la liste Que faire ? de Tchernychevski, intervient Valentinov. Comment les Russes ont-ils pu s'enthousiasmer pour ce livre ? Il n'est guère de roman plus pauvre, plus pri­maire, et en même temps plus prétentieux. La plupart des pages de ce livre tant vanté sont terriblement mal écrites. Et pourtant Tchernychevski, quand on critiquait son travail, répondait : «Je ne suis pas plus mauvais que d'autres, considé­rés comme de grands romanciers».
(Non seulement je romance, mais je réécris légèrement les propres dialogues de Valentinov, qui manquent parfois d'un peu de sel.)
Jusqu'à présent, Lénine était resté pensif, buvant lentement sa bière sans prêter grande attention à la discussion: à quoi bon parler littérature quand on prépare la révolution? (Ce n'est pas à vous que je pose la question, voyons : c'est lui qui pense ça.) Et voilà qu'il se lève brutalement, repoussant sa chaise en arrière. Ses pommettes s'échauffent, il rougit.
— Vous vous rendez compte de ce que vous dites ? Comment peut-on trouver primaire et pauvre l'œuvre de Tchernychevski, le plus grand, le plus doué des représen­tants du socialisme avant Marx? C'est une idée absurde. Marx même le considérait comme un grand écrivain russe.
— Marx n'avait certainement pas lu Que faire}
— Qu'en savez-vous? s'énerve Lénine. J'affirme qu'il est inad­missible de trouver Que faire? primaire et pauvre. Ce livre a suscité des centaines de vocations révolutionnaires. Aurait-ce été possible s'il avait été primaire et pauvre ? Il a enthousiasmé mon frère, il m'a enthousiasmé moi-même ; il m'a labouré de fond en comble. À quel âge l'avez-vous lu ? Il ne faut pas le lire trop jeune : le roman est beaucoup trop compliqué, beaucoup trop plein d'idées pour qu'un jeune homme le comprenne. J'ai essayé de le lire à quatorze ans: lecture inutile et superficielle. Mais je l'ai relu après l'exécution de mon frère, sachant que le livre de Tchernychevski avait été son livre de chevet [le grand frère de Lénine était révolutionnaire, avait le projet d'assas­siner l'empereur Alexandre III ; arrêté, condamné à mort, exécuté]. C'est seulement à cette occasion que j'en ai compris toute la profondeur. C'est une œuvre qui marque pour la vie entière.
Goussev intervient alors, pour une question assez pataude :

— Ce n'est donc pas un hasard si vous avez intitulé votre ouvrage Que faire}
— Comment ? Vous n'y aviez pas pensé ?
(Le Que faire? de Lénine expose en 1902 sa stratégie révolu­tionnaire ; c'est après sa parution que se produit la scission entre les bolcheviks et les menchéviks.) Bien plus tard, en 1919, Vorovski écrit un texte qui récapitule tout ce que Lénine a dit ce soir-là de son maître. J'en extrais cette phrase : «Le plus grand mérite de Tchernychevski, c'est d'avoir montré non seulement que tout homme vraiment hon­nête, et qui pense correctement, doit être révolutionnaire, mais aussi, chose plus importante encore, quel genre de révo­lutionnaire il doit être, quelles règles il doit suivre, comment il doit marcher vers son but, par quels procédés et quels moyens il peut l'atteindre.» Et j'arrête là cette petite anecdote histo­rique non sans insister sur la formule un peu ringarde mais assez parlante de Lénine à propos de Tchernychevski : il m'a labouré de fond en comble. De fond en comble.
Que faire, aujourd'hui? Cette question, je l'ai posée aux Treize, au moment où, chacun d'entre eux, au moment non pas de les recruter (je ne suis pas un agent traitant, je ne tra­vaille pas pour les services secrets), disons au moment où je les ai fait entrer dans le groupe. Que faire, tous les treize? Que proposez-vous?
Je leur ai dit : à nous tous, nous sommes invincibles. Nous avons tous les pouvoirs. Mais nous ne voulons pas le pouvoir. Nous ne serons pas comme tous les autres, tous les révolu­tionnaires qui ne purent s'empêcher, une fois parvenu au, de le conserver. (Je n'en dresse pas la liste : si longue, elle rempli­rait mon livre.) Nous ne serons pas comme Balzac, non plus, pas comme cette petite crapule de Balzac, qui, en 1836, écrit à madame Hanska: «Je veux le pouvoir en France et je l'aurai». Qui rachète un journal, La Chronique de Paris, pour servir à l'échafaudage de sa «prépondérance politique». «Le premier pas est ainsi fait vers le pouvoir», se réjouit-il dans une lettre à sa sœur. Que cela n'ait pas marché au final, que le journal se soit rapidement planté, que l'ami Balzac s'en soit retourné vers la production romanesque ne doit en rien nous réjouir : car entre ceux qui feignent ne pas vouloir le pouvoir avant de l'exercer avec fascination et ceux qui clament une ambition qu'ils ne parviendront jamais à atteindre, il n'y a pas l'épais­seur d'une feuille de papier; d'ailleurs, ils n'ont guère, ni les uns ni les autres, d'épaisseur.
Mais nous ? Que ferons-nous ? Que chercherons-nous à faire ? Parce que je suis un garçon carré, je leur ai proposé : que cha­cun d'entre nous emmène le groupe en un lieu qui lui est cher, en un lieu qui lui semble riche, riche de potentialités s'entend, et que chacun propose son plan, son idée. Je serai le treizième, j'en ferai la synthèse. Je dirai enfin ce que les Treize peuvent faire. Doivent faire. Vont faire. De fond en comble.
Alors allons-y: il est temps que débute cette histoire des Treize. Il est temps que, ensemble, nous fassions chanter les hautbois. Résonner les trompettes. Que les océans s'ouvrent devant nous. Que la glace devienne feu. Que parlent les pier­res. Qu'à notre passage s'inclinent les buissons. Et autres métaphores bibliques (vous pouvez piocher autant que vous le souhaitez dans les Saintes Écritures: c'est libre de droits).

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12/09/2013 229 pages 16,00 €
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