#Imaginaire

U4 : Yannis

Florence Hinckel

Yannis est un survivant. Ses parents et sa soeur sont morts. Lorsqu'il sort de chez lui, terrorisé, il découvre une Marseille assaillie par les rats et les goélands. Tandis que des bandes prêtes à tuer patrouillent, le jeune garçon parvient à se cacher et décide de s'enfuir vers Paris.

Par Florence Hinckel
Chez Nathan

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Editeur

Nathan

Genre

12 ans et +

1er Novembre, 8 h

 

Il glisse sur l’eau.

Le monde est en train de finir. Des flammes dansent et lèchent le ciel derrière moi. Et je ne peux détacher mon regard de cette chose, là, qui flotte.

 

J’ai le cœur en mille milliards de morceaux, les pieds dans le chaos, et le soleil est froid sur mon visage.

 

Le ferry-boat dérive doucement sous le palais du Pharo, comme une coquille de noix perdue, sans attache. Le soleil éclaire le port et un reflet se fiche dans mon œil. C’est le bouton brillant d’une veste. La veste du corps qui glisse sur l’eau.

 

C’est le premier que je vois. Un cadavre met plusieurs jours à remonter à la surface. Beaucoup d’autres vont suivre, et le port va devenir méconnaissable. De toute façon, ce que j’ai vécu sur ces quais ne reviendra plus jamais. Rire et courir, se prélasser sur un banc, y déguster une glace, pêcher les petits poissons avec du pain au bout d’un hameçon, interpeller les pêcheurs sur leurs pointus, chasser les goélands, admirer le scintillement des vagues... Plus jamais.

 

Sans ce message de Khronos, je n’aurais jamais trouvé la force de sortir de chez moi. La force de m’arracher d’eux, papa, maman, Camila : ma famille.

 

 

Je savais que je devais sortir un jour ou l’autre, sinon je serais resté enfermé dans ma chambre pour toujours, et j’y serais mort de faim, une fois mes réserves épuisées : biscuits, canettes de coca, pommes, oranges, yaourts conservés au frais, sur le rebord de ma fenêtre. Ou bien je serais mort de froid, parce que l’hiver s’installe et que l’électricité finira par être coupée pour de bon, et que j’étais incapable de trouver des trucs à brûler, même chez moi, où je n’osais rien toucher.

 

Sans ce message, je serais resté prostré à la manière d’un fœtus, pendant des jours et des jours, et le soleil aurait toujours fini par réapparaître, mais aurais-je réussi à compter combien de fois ? J’aurais perdu le fl, c’est sûr. Je me serais laissé engloutir par le néant.

Sans ce message, et sans Happy, aussi, je n’y serais jamais arrivé. Mon bon chien, fidèlement allongé près de moi. Par moments, il disparaissait, sans doute pour trouver à manger, mais il revenait toujours en couinant, et il posait son museau sur ma jambe. Ses yeux brillants m’adressaient plein de questions. Je plongeais ma main dans son pelage fourni, noir à encolure blanche, et ne lui disais rien puisque les mots m’avaient abandonné. Dans ma tête, j’étais encore un Expert de Warriors of Times, ou WOT pour les intimes, ce jeu de rôle sur lequel je passais tout mon temps, avant tout ça. J’aimais tellement ce jeu que mon grand pote RV, avec qui je traînais des journées entières quand on était petits, se plaignait de ne quasiment plus me voir...

Terrorisé par le silence, j’oubliais Yannis, le garçon faiblard et paumé dans un monde en train de se liquéfier, pour devenir son avatar de WOT, le puissant Adrial, chevalier bondissant dans le temps et traversant le chaos de multiples guerres sans une égratignure.

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27/08/2015 438 pages 17,95 €
Scannez le code barre 9782092556153
9782092556153
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