Le cœur humain est le point de départ
de toutes choses à la guerre.
Maurice de Saxe
Si j’avais du temps et votre talent pour étudier la guerre, je pense que je me concentrerais entièrement sur les réalités du combat : les effets de la fatigue, de la peur, de la faim ou du manque de sommeil. Ce sont ces réalités-là qui rendent la guerre si compliquée et si difficile.
Lettre du maréchal Lord Wavell à Liddell Hart
La France est présente depuis 1992 au cœur des conflits consécutifs à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie. Deux bataillons français de casques bleus sont alors présents dans la ville de Sarajevo assiégée par les forces bosno-serbes. Dans la nuit du 26 au 27 mai, une de leurs unités s’empare par surprise d’un des postes du bataillon implanté dans la vieille ville. L’ordre est immédiatement donné de le reprendre par un assaut afin de libérer les prisonniers français qui y sont gardés et de montrer la détermination de la France.
Je suis le lieutenant Héluin, je suis en tête de la première section des Forbans du 3e régiment d’infanterie de marine et je marche vers mon objectif à travers les ruelles qui bordent le cimetière juif en direction du pont de Verbanja. J’ai reçu ma mission il y a un peu plus d’une heure. Elle est très simple : reprendre le poste français près du pont.
Mon idée est d’attaquer simultanément les trois petits bunkers qui composent le poste avec un groupe de trois binômes pour chaque objectif. Chaque binôme, qui comprend un homme qui connaît le poste et un autre qui ne le connaît pas, a un point d’arrivée précis. J’ai laissé mon adjoint en arrière avec les véhicules, les tireurs d’élite dont un avec un fusil Mac Millan de 12,7 mm et les tireurs antichars. Sa mission consiste à nous appuyer depuis les hauteurs. Lorsque je lui ai donné cet ordre, il m’a regardé, désespéré : « Mon lieutenant, vous pouvez pas me faire ça ! » Le capitaine Lecointre nous accompagne pour gérer l’environnement de la section, en particulier l’appui des pelotons du RICM (régiment d’infanterie et de chars de marine).
Guidés par un soldat bosniaque, nous arrivons en vue du poste. Je regroupe la section. Pour franchir les barbelés, nous avions prévu deux portes, pauvre expédient à l’absence de matériel spécifique. Elles sont restées dans les véhicules. Tant pis, nous ferons sans. Je regarde mes marsouins. Ils sont calmes et silencieux. Comme eux, je me sens étrangement serein. Il est vrai que depuis mon réveil, il y a trois heures, je n’ai pas eu une minute pour penser au danger. J’ai une confiance absolue dans mon chef et mes hommes. À mon signal, nous dévalons baïonnette au canon dans la tranchée à une cinquantaine de mètres de l’objectif, appuyés d’abord par les tirs bosniaques. Nous portons les équipements de protection pare-balles complets, les mêmes qui n’ont été conçus que pour des missions purement statiques de garde. Certains de mes marsouins sont en treillis de cérémonie. Ils ne savaientpas, quelques heures plus tôt, que le point fort de la journée ne serait pas la prise d’armes prévue mais un assaut.
Extraits
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