#Polar

Vengeance tchétchène

Gérard de Villiers

Un homme venait de surgir de l'Arbat. Il lança une interjection à ceux qui encadraient Malko. Aussitôt, celui qui lui avait parlé fit jaillir de sa ceinture un gros automatique noir et en menaça Malko. Tu travailles avec eux", fit-il en russe. Malko vit l'expression de ses yeux fous, l'index crispé sur la queue de détente. Il sentit son pouls s'affoler. On allait le tuer et il ne savait même pas pourquoi."

Par Gérard de Villiers
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Genre

Policiers

CHAPITRE PREMIER
Le téléphone se mit à sonner alors que Paul Nitze n’avait pas encore franchi la porte de sa chambre. Il se précipita dans l’obscurité pour décrocher.Personne au bout du fil. Il remit le récepteur en place en maugréant. Cet appel avorté était le troisième depuis le matin. Après avoir allumé, il se retourna vers la jeune femme, enveloppée dans une pelisse de vison descendant jusqu’aux chevilles, qui s’était immobilisée dans l’embrasure de la porte, belle à faire péter les plombs d’un ermite. Ses cheveux noirs nattés et tirés, et ses grands yeux gris à l’expression arrogante arrivaient à lui donner l’air distinguée, malgré sa bouche épaisse poussée en avant par ses dents, en une moue provocante.
« Putain qu’elle est bandante ! » se dit Paul Nitze, en se rapprochant d’elle.
Il l’avait draguée une heure plus tôt au Cherry Casino, un des nouveaux établissements de nuit fréquentés surtout par les « New Russians », anciens kagébistes, apparatchiks ou simples voyous qui partageaient une caractéristique : rien n’était trop cher pour eux ! De la Mercedes 600 aux glaces fumées au restaurant japonais à deux cents dollars le sushi...
Au Cherry Casino, sur l’ex-Kalinina Prospekt, rebaptisée Novyi Arbat depuis la fin de l’Union soviétique, on payait son entrée deux cent cinquante mille roubles – le salaire d’une secrétaire – les mises à la roulette commençaient à vingt dollars et des dizaines de filles seules, toutes plus sexy les unes que les autres, erraient de la salle de jeu du rez-de-chaussée à la discothèque du premier étage. Il suffisait d’un regard appuyé et d’un sourire pour démarrer une idylle. Une bouteille de Taittinger à deux cents dollars faisait fondre la glace. Tous les alcools, champagne, whisky et même la vodka, étaient importés. Ensuite, quelques slows pour s’échauffer un peu et c’était parti.
L’Américain prit doucement la pelisse, la fit glisser de ses épaules, découvrant une robe bleu électrique. Bien qu’on soit au début du mois de mai, il faisait encore froid à Moscou le soir. Un peu déhanchée, la jeune femme lui jeta un regard à la fois hautain et provocant, tandis qu’il caressait sa croupe.Une chute de reins à en avoir les mains moites compensait la modestie de sa poitrine.
– Tu as un cul magnifique, remarqua-t-il en russe.
La moue provocante s’accentua.
– Tu as envie de t’en servir ? C’est deux cents dollars de plus, pajolsk (1).
Le tarif pour les amours amorcées au Cherry Casino était de cinq cents dollars, déjà réglés par Paul Nitze et remis aussitôt à sa mamacha (2). Afin d’éviter les mauvais payeurs. Les filles, là-bas, n’avaient pas de macs, elles payaient leurs entrées et leurs consommations.
Paul Nitze n’hésita pas, prit dans sa poche une liasse de billets de cent dollars et en tendit deux à sa conquête. Depuis qu’il avait aperçu cette fille, il fantasmait sur sa croupe de rêve. Trois jours d’inaction à Moscou, avec pour unique occupation l’appel de différents numéros de téléphone qui répondaient rarement, lui avaient donné envie de se changer les idées.
Une mission clandestine comme la sienne permettait quelques libertés avec les notes de frais. Valentina – elle lui avait dit son prénom dès la première coupe de Taittinger – prit les billets et les mit dans son sac. Puis, accentuant volontairement la cambrure déjà exagérée de ses reins, elle se rapprocha avec un sourire de vraie salope.
Paul Nitze posa les mains sur ses hanches, puis les laissa glisser plus bas.
Fou de bonheur.
Ses deux mains pétrissaient les fesses hautes, épanouies et dures comme du marbre. Valentina défit posément la cravate de son partenaire, puis les boutons de sa chemise. Elle en écarta les pans et ses ongles agacèrent les mamelons de l’Américain. Paul Nitze poussa un soupir ravi. Il était au paradis. L’idée de transpercer la croupe qu’il malaxait à pleines mains lui donnait des bouffées de chaleur. D’une main, Valentina commença à le masser, développant son érection. Il la lâcha et l’entraîna vers le lit.
De nouveau, le téléphone sonna. Cette fois, il gronda entre ses dents :
– Shit !
Il mourait d’envie de ne pas répondre. La sonnerie continuait, stridente, décuplant son stress. Il alla décrocher avec un soupir excédé. La seule raison de sa présence à Moscou était justement un coup de fil. Il ne pouvait pas se permettre de faire le mort.
A l’autre bout, il entendit d’abord un fond de musique, des chants folkloriques russes, puis une voix inconnue demanda en russe :
– Gospodine Nitze ?
– Da.
Un silence suivit, comme si son interlocuteur s’imprégnait de sa réponse.Puis la voix demanda :
– C’est vous qui avez laissé plusieurs messages pour Abu ?
– Da.
Le cœur de Paul Nitze se mit à battre plus vite. Enfin l’appel qu’il attendait depuis trois jours !
– Pourquoi voulez-vous voir Abu ? insista la voix.
– Pour lui transmettre un message d’un ami.
– Vous êtes seul ?
Il faillit parler de Valentina, puis répondit très vite :
– Da.
Il le regretta aussitôt. Si on le surveillait, on l’avait forcément vu entrer auKempinski avec Valentina. Il n’eut pas le temps de se rattraper.
– Karacho (3), fit simplement son interlocuteur avant de raccrocher.
Paul Nitze faillit en crier de dépit. Il raccrocha et son regard croisa celui de Valentina. Las, lointain, déconnecté. Elle avait sorti de son sac un paquet de Gauloises blondes et en avait allumé une. Elle lança d’une voix agacée :
– Alors, tu viens me baiser ou tu téléphones ?
Furieux, Paul Nitze la rejoignit, la renversa sur le lit et fourragea entre ses cuisses. Elle se tortilla en riant. L’Américain la retourna alors sur le ventre et descendit le zip de sa robe, puis l’en dépouilla pour ne lui laisser qu’un slip de dentelle noire, des bas et des escarpins. De nouveau, il flasha sur la croupe posée sur le lit comme un énorme fruit sphérique. Il glissa sa main entre la dentelle et la peau, suivant la raie profonde jusqu’au sexe. Valentina se cambra légèrement, faisant saillir davantage sa chute de reins. Paul Nitze sentit son pouls grimper comme un missile. Fébrilement, il commença à se défaire et fut nu en un clin d’œil.
Il s’allongea sur Valentina toujours à plat ventre, logeant son érection entre les globes tièdes. Sournoisement, la jeune femme se contracta, l’emprisonnant dans un écrin doux où il faillit jouir immédiatement.
Il s’écarta un peu et plaça son membre sur la cible qu’il avait choisie, en retenant un soupir d’excitation.
A Moscou, le sida était encore pratiquement inconnu. Ce miracle, allié au fatalisme slave, permettait des entorses qui n’avaient plus cours ailleurs.D’une poussée du genou, Paul Nitze écarta les longues cuisses.
Dans sa tête, il s’enfonçait déjà entre les reins offerts. Un plaisir que son épouse, quaker pratiquante, lui avait toujours refusé.
Le téléphone sonna à nouveau. Paul Nitze eut l’impression que la sonnerie se répercutait dans toutes ses terminaisons nerveuses. Il resta figé, le sang battant dans son sexe roide, gorgé de sang. Le cerveau martelé par la sonnerie stridente, il se décida enfin à s’arracher à son fantasme pour décrocher.
– Gospodine Nitze ?
C’était la même voix que tout à l’heure, mais cette fois, il en entendait d’autres dans le lointain. Son correspondant devait téléphoner d’une cabine, où des dizaines de conversations se croisaient toujours, à cause des connexions défectueuses.
– Da, fit-il en dissimulant son exaspération.
– Dans cinq minutes, une voiture sera en bas, nabéréjnaïa Raouchskaïa (4), au coin de l’hôtel. Une Moskvitch.
Il avait déjà raccroché.
Paul Nitze en fit autant et son regard se reporta sur la croupe offerte.
Valentina lui lança un regard excédé.
– Bolchemoi ! (5) Tu me baises ou tu téléphones ?
Paul Nitze se dit que Dieu ne devait pas l’aimer... Il n’était pas question de rater ce rendez-vous et il ignorait combien de temps il durerait. La pulpeuse Valentina n’avait visiblement pas une vocation de Pénélope.
Il ne restait plus qu’un expédient pour profiter un peu de ses sept cents dollars. Entretenant son érection d’une main, il s’approcha de la jeune femme allongée, la retourna sur le côté de sa main libre et lui enfonça brutalement son
sexe dans la bouche. Valentina écarta docilement ses lèvres épaisses et Paul Nitze plongea son membre jusqu’à la glotte, de toute la force de sa frustration.Même l’écrin tiède autour de son membre ne l’apaisa pas totalement. Sans quitter des yeux la croupe inutilisée, il se servit de la bouche de Valentina comme d’un sexe, en lui tenant la tête à deux mains, jusqu’à ce qu’il sente la sève monter de ses reins.
Malgré les efforts de la jeune femme, il se vida dans sa bouche, les yeux rivés à la croupe qui le narguait. C’était mieux que rien. Il lui restait juste le temps de se rhabiller. Sa partenaire l’imita, plutôt satisfaite d’avoir gagné ses sept cents dollars aussi vite. Au moment de quitter la chambre, Paul Nitze lui demanda :
– Où je peux te joindre ?
Elle griffonna un numéro sur un bout de papier qu’elle lui tendit, en précisant :
– Pas avant midi...
Dans l’ascenseur, l’Américain la dévisagea. Toujours aussi hautaine, elle avait vraiment une superbe tête de salope à faire bander n’importe qui. En sortant de la cabine, il lui intima :
– Attends un peu ! Laisse-moi sortir le premier.
Elle s’immobilisa devant une vitrine de Versace tandis qu’il traversait le hall désert du Kempinski.
A peine sur le trottoir, Paul Nitze examina les lieux d’un regard circulaire.En face de l’hôtel, le parking des taxis plus ou moins clandestins, dans l’ombre du pont Bolchoï Moskovoretski enjambant la Moskova. De l’autre côté, les étoiles rouges surmontant les tours du Kremlin brillaient dans la nuit claire. Il y avait peu de circulation sur le quai Raouchskaïa en sens unique vers l’est. Ignorant les appels de quelques chauffeurs sortis de leur véhicule, Paul Nitze longea la façade du Kempinski jusqu’au quai.
Une voiture était arrêtée juste après le coin, feux éteints. Une vieille Moskvitch verdâtre à la carrosserie boueuse, aux glaces presque opaques à force de saleté. De celles que les policiers du GAI (6) arrêtaient pour leur faire payer une amende de dix-huit mille roubles. Une vieille loi de l’Union soviétique exigeait en effet que les voitures moscovites soient propres. Alors qu’il n’existait pratiquement pas de garage pour les laver et qu’il était interdit de le faire sur la voie publique... Sans parler du temps épouvantable qui régnait à Moscou six mois sur douze.
Au moment où Paul Nitze arrivait à la hauteur de la Moskvitch, sa portière arrière droite s’ouvrit. Il aperçut dans la pénombre un homme mal rasé, au teint sombre. Des cheveux longs, un blouson de cuir noir, des jeans.L’inconnu lui fit signe et il monta, sentant la banquette arrière complètement défoncée céder sous son poids. Deux hommes se trouvaient à l’avant.Aussitôt, le chauffeur lança son moteur, deux fois sans succès. Enfin, au troisième essai, le moteur toussa et il alluma ses phares. Paul Nitze renifla l’odeur qui imprégnait la voiture : un mélange d’épices, de viande trop cuite, de saveur sucrée. Une odeur d’Orient.
« Bingo ! » pensa-t-il.
Au moment où la Moskvitch descendait du trottoir, l’homme assis à sa gauche lui tendit la main et demanda en russe :
– Passeport !
Paul Nitze lui tendit aussitôt son passeport américain. Son voisin entreprit de l’examiner page par page, à la lueur du plafonnier qui éclairait aussi ses traits creusés par la fatigue. Il pouvait avoir trente ans, mais en paraissait dix de plus. Paul Nitze aperçut la crosse d’un pistolet qui dépassait de sa ceinture de cuir, sous la veste.
L’homme lui rendit le document quelques instants plus tard, avec un sourire découvrant des dents éclatantes.
– Karacho ! fit-il. Je m’appelle Salid. Excusez-moi, nous devons être prudents.
– Je comprends, approuva Paul Nitze.
Pour la première fois depuis longtemps, il se-trouvait dans une position inconfortable pour un « clandestin » (7) : en compagnie de gens recherchés par les autorités du pays où il se trouvait. Le premier accroc pouvait coûter très cher...
Son voisin sortit de sa poche un téléphone portable – la dernière folie à Moscou -, composa un numéro et se mit à parler à voix basse dans une langue inconnue de Paul Nitze. Ce dernier remarqua que le conducteur jetait sans cesse des coups d’œil dans le rétro.
Il essaya de ne penser à rien, mal à l’aise sur la banquette défoncée.
Cinq cents mètres plus loin, ils franchirent le pont Oustinski, revenant sur la rive nord de la Moskova. Ensuite, la Moskvitch s’engagea sur une passerelle enjambant un canal, puis sur un des quais longeant ce dernier. Paul Nitze reconnut le canal Yauza qui serpentait jusqu’à la périphérie nord-est de Moscou. A cette heure, le quai était désert. Rassuré, il ferma les yeux, repensant à la croupe somptueuse de Valentina la salope.
Quelques instants plus tard, une brève exclamation du conducteur l’arracha à son fantasme. Salid sursauta et jeta en russe :
– Il dit que nous sommes suivis ! Depuis le Kempinski.
Le pouls de Paul Nitze grimpa vertigineusement, il eut l’impression qu’on venait de poser un lingot de plomb sur son estomac. Il se retourna, aperçut deux phares blancs à travers la lunette arrière sale. Salid tourna la tête vers lui, les traits durcis.
– C’est vous qui... commença-t-il.
Paul Nitze le coupa, à la fois furieux et paniqué, reprenant instinctivement sa langue maternelle.
– Don’t be fucking crazy ! (8)
La Moskvitch accéléra. Salid se pencha, ramassant sur le plancher de la voiture un court pistolet-mitrailleur Kalachnikov. Un instant, Paul Nitze crut qu’il allait tirer sur lui, mais Salid se contenta de ramener sa culasse en arrière, faisant monter une cartouche dans le canon. Il se retourna : les phares étaient toujours là. Salid ressortit son portable et commença à taper fiévreusement un numéro. Cela ne passait pas. Paul Nitze ne quittait pas des yeux la lunette arrière. Il lui sembla que les phares derrière eux diminuaient d’intensité. Il crut d’abord qu’il rêvait, mais bientôt ce fut incontestable : le véhicule derrière eux avait ralenti ou s’était arrêté !
– Nous ne sommes pas suivis ! lança-t-il, c’était une erreur.
Salid se retourna et constata lui aussi qu’il n’y avait plus personne derrière eux. Rengainant son portable, il rassura le conducteur dans sa langue.
– On va loin ? demanda Paul Nitze.
– Assez, fit laconiquement Salid.

*
**

– Mais enfin qu’est-ce qui se passe ? Il n’y a plus d’essence ?
Le lieutenant Basil Nikitine écumait de fureur. Le conducteur balbutia, terrorisé :
– Si, si, il y a de l’essence, c’est la pompe...
– Tu ne pouvais pas signaler ça ! hurla l’officier du FSB.
Continuant sur son erre, leur camionnette jaune à l’arrière bâché s’était arrêtée au bord du canal, tandis que les feux rouges de la Moskvitch qu’ils suivaient s’éloignaient.
– Je l’ai fait, fit timidement le conducteur, mais il n’y en a pas en ce moment...
Pour échapper à la fureur de l’officier, il sauta à terre et souleva le capot, se plongeant aussitôt dans le moteur. Les usines Lada livraient leurs pièces de rechange au compte-gouttes et ce n’était pas sa faute. Dans le véhicule, le lieutenant Nikitine signalait fiévreusement l’incident dans sa radio.
Le chauffeur rabattit le capot et courut se rasseoir derrière le volant. Il lança le démarreur et après quelques secondes, le moteur ronfla de nouveau.L’officier le houspilla.
– Davai ! Davai !
Le conducteur serra les dents, priant pour que la pompe ne se bloque pas de nouveau. Le lieutenant Nikitine avait repris sa radio et tentait à présent d’annuler les ordres qu’il venait de donner.

*
**

– Vnimanié !
Le passager avant de la Moskvitch avait crié. Déjà, le conducteur écrasait le frein, pour ne pas emboutir une voiture qui surgissait d’une voie latérale, sur leur droite. Paul Nitze et son voisin furent projetés vers l’avant. L’Américain distingua l’arrière de la voiture qui leur avait coupé la route et qui, bizarrement, au lieu d’accélérer, ralentissait, les forçant à en faire autant.
Une Volga noire, avec une plaque dont le numéro commençait par deux 0.Trois antennes surmontaient le toit, lui donnant l’allure d’un gros scarabée noir.
Salid poussa une exclamation haineuse, suivie d’un flot de paroles incompréhensibles. Paul Nitze sentait son cerveau se liquifier. Ça ne sentait pas bon, cette Volga ressemblait furieusement aux véhicules de l’ex-KGB...Salid revint au russe pour crier au chauffeur :
– Rasvarot ! Rasvarot !
Le quai étant en sens unique, c’était une manœuvre audacieuse... Le conducteur s’y risqua quand même, montant sur le trottoir bordant le canal. La Volga avait stoppé et commençait une marche arrière. Paul Nitze crut qu’ils auraient le temps de tourner dans une des rues débouchant sur le quai, mais il changea très vite d’avis. Une voiture venait sur eux, roulant dans le bon sens.Ou ils s’arrêtaient, ou ils la prenaient, phares à phares...
Le conducteur avait compris ! Il ralentit, monta en partie sur le trottoir. Le véhicule qui arrivait ne serra pas à droite pour les laisser passer. Au contraire, il dévia vers eux, puis stoppa, les empêchant de passer ! Paul Nitze se retourna. La Volga se rapprochait, zigzaguant en marche arrière. La Moskvitch s’arrêta brutalement.
Un souffle d’air froid gifla l’Américain. L’homme assis à côté du conducteur avait ouvert la glace de son côté. Par l’ouverture, l’Américain aperçut les façades noires et lugubres des immeubles bordant le canal, puis le véhicule qui les bloquait. Une camionnette jaune à l’arrière bâché.
Pendant quelques fractions de seconde, il reprit espoir. Ce n’était qu’un véhicule « civil ». Puis des détonations rapprochées l’assourdirent et il reçut une douille brûlante sur le dessus de la main. Salid avait descendu à son tour sa glace pour ouvrir immédiatement le feu sur la camionnette, avec son Kalach ! Le pare-brise explosa.
Le passager de l’avant, le bras tendu hors de la voiture, commença à vider le chargeur de son pistolet en direction de la Volga arrêtée quelques mètres plus loin. Salid reprit son tir, par courtes rafales, en direction de la camionnette jaune ! Jusqu’à ce que la culasse de son arme soit vide.
Il y eut quelques secondes d’un silence irréel dont Paul Nitze profita pour saisir le bras droit de Salid et le secouer. Comme un prunier.
– Stop ! hurla-t-il. We gonna be killed !
Salid, occupé à remettre un chargeur neuf dans son arme, ne répondit même pas. Le conducteur redémarra, essayant de forcer le passage, mais il dut renoncer. Ils allaient se retourner dans le canal.
Plusieurs hommes jaillirent de la Volga.
Le voisin du conducteur les ajusta posément et reprit son tir. L’un d’eux tomba. Au même instant, Paul Nitze aperçut quatre silhouettes qui venaient de sauter de l’arrière de la camionnette. Bonnet de laine noire enfoncé jusqu’aux yeux, tenue camouflée, gilet pare-balles, lourdement armés, ils se déployèrent sur le quai et, presque en même temps, ouvrirent le feu sur la Moskvitch.
Paul Nitze vit les courtes flammes orange, puis ressentit un violent choc à l’épaule, et un autre dans la poitrine. Rejeté en arrière, il entendit Salid émettre un cri sourd. Le Kalachnikov cessa de tirer. D’abord, l’Américain se dit qu’il était indemne, puis il sentit le goût du sang dans sa bouche et eut l’impression que ses poumons ne fonctionnaient plus. ...

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21/05/2015 282 pages 7,95 €
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