#Essais

Méli-Vélo. Abécédaire amoureux du vélo

Paul Fournel

« Le vélo est une langue. Une langue où tout se mêle dans l'essoufflement de l'effort. Une langue de cris, une langue d'alerte et de joie qui se perd dans le silence de la montagne et se retrouve au coin du bois. Une langue du soir, paisible, qui raconte et reraconte le souvenir des grands et des petits exploits. Je la parle couramment depuis mon enfance et la voici rangée de A à Z... » P. F.

Par Paul Fournel
Chez Points

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Points

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Sports

Prendre l’abri, sauter dans l’abri, s’abriter : se mettre derrière un autre cycliste pour se protéger du vent.

L’abri est la bénédiction du cycliste. On peut économiser jusqu’à 30 % de ses forces en se tenant derrière les autres. Un seul cycliste devant vous, en vous offrant son aspiration, suffit à vous changer la vie. C’est dire si le milieu du peloton est un abri idéal. Les coureurs ne cherchent pas l’abri par coquetterie, ce n’est pas par pure dévotion que l’on voit les équipiers abriter leur leader ou leur sprinteur. Cela change la vie cycliste pour le meilleur. Il est fortement recommandé de se choisir des compagnons de route de forte stature. Lorsqu’ils sont, en outre, animés de bonne volonté et prennent le relais plus souvent qu’à leur tour, ce sont des partenaires idéaux.

La tragédie survient lorsqu’on ne peut plus suivre le train et qu’on est condamné à sortir de l’abri : les écarts se creusent très vite et le retour devient hautement improbable. Le peloton est une bonne maison pour autant qu’on y reste.

« Manque de chance, je me retrouve dans l’échappée avec deux petits grimpeurs. Ils avaient deux têtes de moins que moi, je n’ai pas pu prendre l’abri et j’ai mangé tout le vent » (Eros Poli, Mon Ventoux).

Accomplir un exploit ou remporter une victoire à la pédale (on dit parfois « à la jambe »), c’est réaliser ce que le sport cycliste a de meilleur. C’est s’imposer grâce à un effort qui ne doit rien aux circonstances, aux combines, aux accidents des autres, aux anomalies de la course, au marquage des adversaires, aux éventuelles tricheries. C’est faire la preuve de sa force par les moyens les plus purs, ceux du jarret.

« C’était pas la moitié d’un costaud, l’Antoine. Il est allé jusqu’au bistrot en homme, à la pédale » (René Fallet, Les Boucles de la Besbre).

La montée vers l’Alpe-d’Huez a été marquée de tant d’exploits fameux qu’elle est devenue légendaire. Coppi y battit Robic en 1952, en 1976, Lucien Van Impe et Joop Zoetemelk s’y affrontèrent, les Hollandais y firent leur jardin derrière Hennie Kuiper, Hinault y batailla avec LeMond en 1986, en 2001, Armstrong y effaça Ullrich.

Pantani détient le record de la montée, avec 37 mn 35 s (1997). Armstrong a mis 38 minutes en 2001, soit 10 de moins que Hinault en 1986, 4 min 15 s de moins que Fignon en 89 et 1 min 45 s de moins qu’Indurain en 91.

La montée se décompose en deux parties distinctes : d’abord vingt et un lacets, puis une longue pente difficile dans les villages successifs et les alpages avant le sommet en cul-de-sac, dans la station.

Les lacets ont été dessinés pour permettre aux autocars de skieurs de monter sans peine. Les virages sont presque plats, en échange, les bouts droits sont autant de coups de cul terribles qui accusent des pourcentages fort élevés. Il s’agit d’un terrain idéal pour exprimer des qualités de grimpeur. Chaque sortie de lacet est une invitation à attaquer et les gros moteurs qui ont besoin de régularité dans l’effort ont le plus grand mal à répondre aux attaques successives des purs grimpeurs. À l’image de Jan Ullrich, ils préfèrent se laisser décramponner pour ne pas se mettre dans le rouge et pour tenter de revenir plus haut, à leur train.

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28/05/2009 245 pages 7,00 €
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