#Essais

La télécratie contre la démocratie. Lettre ouverte aux représentants politiques

Bernard Stiegler

La télécratie qui règne désormais en France comme dans la plupart des pays industriels ruine la démocratie: elle remplace l'opinion publique par les audiences, court-circuite les appareils politiques et détruit la citoyenneté. La télévision et l'appareil technologique qui la prolonge à travers les réseaux numériques de télécommunication sont en cela devenus le premier enjeu politique. A travers ce que l'on appelle les industries de programmes, c'est la relation politique elle-même qui est devenue un nouveau marché, et ce marketing confine aujourd'hui à la misère politique: au cours de la dernière décennie, l'appareil télécratique a développé un populisme industriel qui engendre à droite comme à gauche une politique pulsionnelle, et qui semble conduire inéluctablement au pire. Ce devenir infernal n'est pourtant pas une fatalité. La philosophie se constitua à son origine même contre la sophistique: celle-ci, par une appropriation abusive de l'écriture, développait une gangrène qui menaçait de guerre civile la cité athénienne. De cette lutte contre les tendances démagogiques de la démocratie grecque résultèrent les formes de savoirs qui caractérisent l'Occident. Prônant un nouveau modèle de civilisation industrielle, cet ouvrage affirme qu'un sursaut démocratique contre les abus de la télécratie est possible, et appelle l'opinion publique française et européenne à se mobiliser contre la dictature des audiences.

Par Bernard Stiegler
Chez Flammarion

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Editeur

Flammarion

Genre

Philosophie

L'amitié [le fait d'aimer, philia, de philein, aimer] est […] ce qu'il y a de plus nécessaire pour vivre. Car sans amis personne ne choisirait de vivre, eût-il tous les autres biens […]. De plus, l'affection est, semble-t-il, un sentiment naturel du père pour sa progéniture et de celle-ci pour le père, non seulement chez l'homme mais encore chez les oiseaux et la plupart des animaux ; les individus de même race ressentent aussi une amitié mutuelle, principalement dans l'espèce humaine, et c'est pourquoi nous louons les hommes qui sont bons pour les autres. Même au cours de nos voyages au loin, nous pouvons constater à quel point l'homme ressent toujours de l'affinité et de l'amitié pour l'homme. L'amitié semble aussi constituer le lien des cités, et les législateurs paraissent y attacher un plus grand prix qu'à la justice même. En effet, la concorde, qui paraît bien être un sentiment voisin de l'amitié, est ce que recherchent avant tout les législateurs, alors que l'esprit de faction, qui est son ennemie, est ce qu'ils pourchassent avec le plus d'énergie. Et quand les hommes sont amis il n'y a plus besoin de justice, tandis que s'ils se contentent d'être justes ils ont en outre besoin d'amitié, et la plus haute expression de la justice est, dans l'opinion générale, de la nature de l'amitié.

Aristote

 

 

L'opposition entre la psychologie individuelle et la psychologie sociale, ou psychologie des foules [Massenpsychologie], qui peut bien à première vue nous paraître très importante, perd beaucoup de son acuité si on l'examine à fond.

Sigmund Freud

Cet état de métastabilité est comparable à un état de conflit dans lequel l'instant de la plus haute incertitude est précisément l'instant le plus décisif, source des déterminismes et des séquences génétiques qui prennent en lui leur origine absolue. […]

Il y a genèse de formes lorsque la relation d'un ensemble vivant à son milieu et à lui-même passe par une phase critique, riche en tensions et en virtualité, et qui se termine par la disparition de l'espèce ou par l'apparition d'une forme nouvelle de vie.

Gilbert Simondon

 

 

Il faut redonner à ce mot [démocratie] sa puissance de scandale. Il a d'abord été une insulte : le gouvernement de la canaille, de la multitude, de ceux qui n'ont pas de titre à gouverner.

Jacques Rancière, cité par Ségolène Royal

 

 

Dans l'ensemble des familles, le respect dominait. De la classe de première année (où l'on entrait à cinq ou six ans) à la sixième (celle du certificat), les élèves se pliaient sans broncher à certains rites de politesse exigeants. Par exemple, nous devions, chaque fois que nous passions devant l'estrade derrière laquelle se tenait la maîtresse, incliner la tête, à l'instar du fidèle qui, à l'église, plie le genou devant l'autel. À plus forte raison nous levions-nous dès l'apparition de la divinité. Dans cette école des années trente, située en plein quartier ouvrier, les dispensatrices du savoir revêtaient aux yeux des parents quelque chose de sacré.

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08/10/2008 270 pages 7,20 €
Scannez le code barre 9782081217829
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