AVERTISSEMENT
La Guerre des nains a été écrite au milieu des années 1990, alors que les Français venaient de découvrir, à travers le détournement d’un Airbus d’Air France à Alger, l’existence d’un extrémisme islamiste politico-religieux qui avait commencé à toucher nos banlieues. Pour avoir sillonné l’Île-de-France comme chef de la brigade des réseaux ferrés de banlieue depuis 1986 et participé, en tant que directrice de la sûreté de la compagnie Air France (de 1994 à 1998), à la résolution et aux suites du détournement d’Alger, j’avais eu un aperçu de ce qui se mettait en place. C’est alors que j’ai écrit ce livre.
En laissant les cités difficiles aux mains de prosélytes (gentiment nommés « les grands frères ») qui prenaient la place d’un service public défaillant en recréant un tissu associatif disparu, les politiques servaient indirectement une cause dangereuse. Sous couvert d’aide aux familles, de soutien scolaire, d’aide à la réinsertion dans les prisons, c’est le lit de la révolte et de l’activisme terroriste que l’on faisait. En témoignent la saga de Khaled Kelkal en 1995, les manifestations aux allures de guérilla urbaine à répétition jusqu’aux émeutes de 2005, uniques en Europe, et bien d’autres épisodes plus proches de nous encore.
Les nains désignent les enfants, les jeunes, entraînés malgré eux dans cette spirale. Mais ils ne sont pas tous pour autant issus de l’immigration ou reclus dans des banlieues difficiles. Ils peuvent être aussi des fils de la bourgeoisie lancés dans une croisade improbable comme en ont conduit Florence Rey et Audry Maupin en 1994, laissant derrière eux plusieurs morts. Ou encore des jeunes désœuvrés en quête d’un frisson qui donnerait du piment à leur existence. Une ville de banlieue est la plupart du temps composée de tous ces acteurs qui cohabitent ou se croisent quand on pense qu’ils s’ignorent. Le lien entre eux est représenté par le commissariat de police, à la fois source de conflit et régulateur de tensions.
Au commissariat (imaginaire) de La Guerre des nains, on trouve encore des inspecteurs et des « verts », ces jeunes appelés qui faisaient leur service militaire dans la Police nationale. Une réforme de 1995 a changé les appellations des policiers, les inspecteurs sont devenus lieutenants, capitaines, commandants. Les « verts » ont disparu en même temps que le service national, en 1997. À la place, la police fait appel à des adjoints de sécurité qui peuvent, par la suite, faire carrière dans ses rangs.
Danielle Thiéry
1
Dimanche.
— Fais gaffe à droite !
Biboul tourna la tête dans la direction que lui indiquait Olive. Il ne vit d’abord rien mais il faut dire que son masque le gênait. La visière qui protégeait ses yeux s’embuait sans cesse, il avait déjà dû la retirer trois fois pour l’essuyer. Il pesta contre son vieux matériel et se prit à envier les équipements de ceux d’en face, les Bad Snakes, dont il avait eu un aperçu une heure plus tôt, juste avant le début des hostilités. Ils essayaient même des émetteurs-récepteurs tout neufs qui l’avaient fait pâlir d’envie. Suréquipés, les Bad Snakes, avec leurs Autocockers gonflés à bloc, munis d’une lunette de visée, leurs treillis Bushlan et leurs gants en Kevlar dernier cri…
Extraits
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