Pourquoi en parler aujourd’hui
L’Occupation est une période de notre histoire nationale qui reste très floue dans l’esprit du public français s’intéressant aux drames de la Seconde Guerre mondiale.
On a pu notamment le constater lorsqu’il avait été question, à la rentrée scolaire de 2007, de lire dans les classes une lettre écrite par le jeune Guy Môquet quelques heures avant son exécution, en 1941. Dans les commentaires approuvant ou contestant la démarche, il était rarement fait référence à l’Occupation. Le drame n’était jamais envisagé comme le fruit des choix de l’occupant, pas plus d’ailleurs qu’on ne signalait le rôle d’un ministre de Vichy dans l’élaboration de la liste des otages. Personne ne semblait se demander pourquoi ce jeune homme avait été désigné : on se contentait de lui attribuer un vague brevet d’héroïsme, dénué de signification historique ou même partisane. Le fait même de fusiller des otages semblait n’avoir besoin d’aucune explication. Et, bien entendu, pas un mot sur le « code des otages » promulgué par les autorités nazies.
Sur cette période, les affirmations discutables reposent souvent sur l’ignorance des réalités. Ainsi entend-on, par exemple, affirmer que de Gaulle, descendant les Champs-Élysées à la Libération, a été acclamé par les mêmes Parisiens qui avaient fêté Pétain venu à Paris, en avril 1944. On se dispense d’analyser le sentiment patriotique d’une foule vivant, en zone nord, depuis quatre ans sous la botte d’un occupant qui avait interdit La Marseillaise et le drapeau tricolore. Et au passage, on accrédite l’idée qu’ils croyaient à l’entente entre de Gaulle et Pétain pour la plus grande joie de ceux qui aiment l’entretenir.
Les jugements portés sur l’occupant lui-même ne sont pas toujours aussi caricaturaux que dans les films, séries, et autres spectacles populaires qui, trop souvent, se délectent de l’image de Français malins bernant des soldats allemands ridicules. Mais on s’en tient trop facilement à des idées convenues. Par exemple, c’est de façon systématique que la « sauvagerie » de la « division SS Das Reich » est opposée à la « modération » générale du combattant de la Wehrmacht, toujours Korrect, surtout quand il s’agit d’un officier : on oublie que les massacres dans le Vercors ont été perpétrés par une division d’élite de la Wehrmacht.
Ou bien encore, inversement, on attribue tous les malheurs de cette période à l’occupant. Chacun sait que les pénuries alimentaires ont été sévères durant ces années, mais on fait comme si toute la production agricole avait été confisquée par les prédateurs allemands, en faisant silence sur l’auto-consommation paysanne et sur les circuits des profiteurs français…
Sur la plupart des aspects de cette période dramatique, sur le régime de Vichy lui-même, sur les collaborationnistes, sur les étapes qui ont conduit à la crédibilité de la Résistance, sur la France libre, sur les rafles et les déportations, on peut dire non seulement que les mémoires ont beaucoup évolué, mais aussi que le public a su assimiler le travail des historiens. Mais sur l’Occupation, l’historien est frustré et perplexe : elle demeure un point aveugle.
Extraits
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