Ils ne désirent guère que la paix - 11 nouvelles réalistes et engagées

Moiroux christine S.

Assaâd, après avoir pris la difficile décision de quitter Alep en Syrie, échoue sur une plage grecque. En Espagne, Isabel et Alexandra sauvent Hafed, le chasseur de nuages. Aïssa, la très jeune congolaise, va être mariée à un vieux de 30 ans. Janice a ses raisons de fuir l'Erythrée. Yuliya dirige les répétitions du Théâtre indépendant de Biélorussie par skype. Ils ont tous en commun une vie de réfugié sauf Arezu de Téhéran et Camille la parisienne.

Par Moiroux christine S.
Chez Les Editions du Net

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Genre

Littérature française

La route des Balkans

I

 

Après l’obscure tempête qui s’était déchaînée dans les esprits pendant la nuit, l’aube étira de longues bandes de brume au loin sur une mer d’huile encore grise. Sa fillette couchée contre lui, Assâad gisait sur le sable. Nour respirait-elle encore ? C’était sa seule obsession, jusqu’au moment où il s’est évanoui de nouveau.

Un peu plus tard, au fil des vagues qui se jetaient timidement sur la plage, Assâad reprit finalement connaissance. Il avait très mal à la tête. Il constata que les forces lui manquaient pour esquisser le moindre mouvement.

Quand le soleil se hissa au-dessus de l’horizon, il vit passer au ras de ses yeux des nuées irisées aux couleurs d’émeraude, de topaze et d’aigue-marine. Il avait du mal à organiser ses idées dans la confusion où se trouvait sa mémoire. Une peur sans nom vrillait son âme : il n’osait vérifier si Nour était encore vivante.

Au prix d’un effort considérable, il se mit finalement sur le flanc et réussit à retourner le corps de la fillette. L’enfant tressaillit puis ouvrit les yeux. L’épouvante se reflétait encore dans son regard. Elle referma aussitôt les paupières. Assâad la serra dans ses bras et balbutia, malgré tout, une longue prière de remerciements.

En replongeant dans la réalité, son cœur se déchira et son esprit sombra dans une nuit intolérable. Des images du naufrage lui revenaient en vagues sournoises : des hommes rugissaient les bras au ciel, d’autres prostrés dans un silence effrayant se recroquevillaient devant les désastres qui consumaient leur vie.

Assâad se remit à prier. Il pria sur le chemin de sa croix. Il pressa la Vierge de lui rendre Liliane, sa chère épouse qu’il se rappelait avoir perdue en mer, quelques heures auparavant. Assâad appelait Marie, Jésus, leur compassion et celle de Dieu lui-même, car en cet instant, celle des hommes semblait à ses yeux anéantie dans des abîmes de violence et de haine.

Qu’elle apparaisse, qu’elle apparaisse. Qu’elle m’appelle de sa voix si douce, ma chère Liliane !C’était son vœux le plus cher.

Quand Liliane sortit de l’eau, elle resta à quelques mètres de lui sur le rivage. Elle l’aborda en riant : « Je suis heureuse de te retrouver sain et sauf sur la terre ferme d’un pays en paix. La Grèce ! L’Europe ! » Elle était là, devant lui, il était fou de joie et n’en croyait pas ses yeux. Elle lui expliqua comment elle s’était arrachée du naufrage ; il la vit approcher, se pencher sur lui. Il la prit dans ses bras, l’étreignit, l’embrassa, la caressa, plongea dans son regard et s’y perdit, d’amour… Liliane, des braises ardentes au fond des yeux, lui confia aussi son attachement en chuchotant quelques notes d’une chanson qu’ils avaient mille fois partagées dans l’intimité.

Assâad, le nez dans le sable, le regard perdu dans le vague, rêvait. Il rêvait en souriant. Le sel de mer lui piquait les yeux.

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14/09/2017 294 pages 13,00 €
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