Editeur
Genre
Littérature française (poches)
« Moi, je préfère pleurer sur le siège arrière d’une BMW que d’être heureuse sur un vélo. »
(Réplique d’une Chinoise de vingt-deux ans candidate à un jeu de téléréalité chinois, citée dans un article de Philippe Grangereau paru dans Libération le 21 septembre 2011.)
ET LA CHINE CRÉA LA FEMME
« Si un petit pourcentage des femmes chinoises accédait bientôt à l’indépendance et à la richesse, cela représenterait des dizaines de millions d’individus et une puissance économique considérable telle qu’aucun ensemble de femmes n’en a connu jusqu’ici. Alphabétisées, élevées en dehors de la culpabilité des religions monothéistes et loin d’un modèle familial traditionnel, issues d’un monde communiste qui a nivelé en partie la disparité des sexes, actrices de la future nation la plus riche de la planète, elles seront propulsées par un développement économique d’une rapidité inédite vers un avenir mondialisé. Certains utopistes les imaginent ambitieuses, peu portées sur les sentiments et la famille. Une nouveauté dans l’histoire des femmes et du féminisme. »
(Extrait d’un billet publié en mai 2008 sur le blog Chinaofutur.)
Ciel dans l’eau, poissons dans les arbres
XIU
Née le 7 avril 1957 à Suzhou, province du Jiangsu
Xiu est enrôlée dans l’école de gymnastique à quatre ans et demi pour sa souplesse et sa pugnacité. Papa et maman la voient une fois par semaine, ils sont fiers, leur fille a été distinguée par la révolution mère de tous. Elle n’est pas la meilleure des soixante élèves garçons et filles, mais la plus disciplinée. On lui reproche de n’être pas assez menue, on l’aimerait plus fine, plus déliée et on l’étire avec des poids pour l’allonger. Elle a droit à des portions moindres que celles des autres pensionnaires, dont aucun n’est pourtant nourri à satiété, il faut être léger pour supporter l’entraînement. Parfois, sa tête tourne après qu’elle a marché longtemps sur les mains. Elle serre les dents quand la peau de ses doigts s’ouvre, mais elle ne pleure pas, ne se plaint pas. Elle virevolte sur le tapis, perchée sur la poutre, pendue aux barres asymétriques, impeccable, nourrie par le mouvement et l’obéissance. On ne peut critiquer sa façon de se recevoir après avoir traversé le cerceau et roulé sur le caoutchouc : elle se tend comme un arc, bras à la diagonale des épaules, ventre concave, côtes saillantes. Ses lèvres, en écart maximum sur les dents, ne forment pas vraiment un sourire. Le visage de poupée, fixe et sans âge, reste fermé, les yeux froids. Pas le moindre frémissement.
Quand elle va chez ses parents, elle ne manifeste aucune gaieté et ne se sent pas chez elle. Elle préfère l’école, les dix heures d’entraînement, le rythme des sauts, le crachotis de la musique, l’ordre militaire des dortoirs. Elle s’ennuie quand sa mère l’emmène sur un vélo-carriole où elle entasse papiers et cartons. Xiu n’aime ni les cris de sa mère appelant aux ordures, ni ces gens qu’elles croisent, renfrognés et pitoyables.
Extraits
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