#Essais

Les rebelles de la politique. Posture ou sincérité ?

Sylvie Guillaume

Ce livre s'adresse à tout lecteur qui s'intéresse à la politique et à ceux qui nous gouvernent parmi lesquels ces rebelles qu'évoque l'auteur. Sans appartenir aux extrêmes, certains hommes et femmes politiques se sont distingués par rapport à leurs formations politiques ou mentors car ils n'étaient pas disposés à suivre une majorité, une idéologie, voire un programme sans conditions. De de Gaulle à Rocard, de S. Veil à Séguin, de Barre à Bayrou ou plus récemment à Macron, toutes ces personnalités se sont retrouvées à un moment donné en rupture de ban avec leur famille politique. Leur but n'était pas de fragiliser le système mais de l'améliorer, de le réformer pour mieux renforcer une démocratie fragilisée par ce qu'ils considèrent être l'inaction des hommes au pouvoir. L'auteur, à travers les biographies croisées de ces politiques, retrace le parcours de ces rebelles qui, loin de se poser en révolutionnaires, seraient plutôt des réformateurs du système. Ils ont pour points communs une haute idée de la France, celle qui refuse le repli sur soi, qui tienne son rang dans la mondialisation et surtout la conviction que leur action singulière peut se substituer à celle des élites en place. Porteurs d'une ambition pour la démocratie (et aussi pour eux-mêmes), ils construisent ainsi un mythe, une postérité, le nom de la plupart d'entre eux ayant laissé des substantifs tels que gaullisme, mendésisme, rocardisme, barrisme ou macronisme. Cet ouvrage, qui offre un portrait de groupe de ces figures singulières de la politique, répond aux questionnements sur le présent et l'avenir de la démocratie à l'heure où se profile l'élection présidentielle de 2022

Par Sylvie Guillaume
Chez Armand Colin

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Histoire des idées politiques

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hubert.delpont@wanadoo.fr

09/08/2022 à 10:33

Les onze « rebelles de la politique »

A la veille de l’élection présidentielle, Sylvie Guillaume , ex-enseignante d’histoire contemporaine à l’université de Bordeaux a publié l’ouvrage : « Les rebelles de la politique ». Ils sont onze, onze qui selon l’auteure ont marqué l’espace politique par leurs rebellions, depuis 1940. Evidemment, de Gaulle, par son 18 juin, occupe la place d’honneur de cette « galaxie » d’insoumis.
« Moins héroïques mais non moins rebelles sont Pompidou ou Macron(sic). » écrit-elle, « Il en est de même de Simone Veil qui se définit comme "toujours rebelle" et une autre figure morale, Robert Badinter ». Suivent Barre, Mendès-France, Rocard, Chevènement, Séguin et Nicolas Sarkozy .
Parmi ces onze figures, quatre ont été ou sont présidents de la République. Le plus grand s’est révolté contre le régime de Vichy, en 1940. Les trois autres ont borné leur révolte à rompre avec leurs prédécesseurs : Pompidou avec de Gaulle, Sarkozy avec Chirac et Macron avec Hollande.
Trônent ensuite trois anciens chefs de gouvernement : Mendès-France, Barre et Rocard. Si la posture post-soixante-huitarde de ce dernier dans son PSU reste dans les mémoires, sa suite de carrière anéantit ses juvéniles indocilités. Quant à Raymond Barre, nous avouons notre impuissance à déceler chez ce personnage, sa vie ou son œuvre, le moindre petit soupçon d’insoumission. Reste le cas Mendès-France. Quand fut il rebelle ? Contre quoi ou contre qui ? Plus singulier que rebelle, Mendès-France fut Mendès : un homme d’action, à la personnalité hors du commun. Deux ministres, Séguin de droite, et Chevènement de gauche, terminent la liste des politiques. A l’évidence, la fibre souverainiste qu’ils partagent sert ici de certificat d’insoumission.
Complètent le groupe, S. Veil pour sa loi sur l’IVG et R. Badinter pour celle de l’abolition de la peine de mort. Deux lois que la première acquiert contre sa majorité et le second à rebours de l’opinion publique. Cependant, si ces deux lois font de leurs promoteurs d’authentiques rebelles, l’auteure reconnaît en retour qu’ils font de bien piètres politiques : malgré plusieurs tentatives, R. Badinter ne fut jamais élu et S Veil avoue « n’avoir jamais eu l’envie de faire carrière ». Par ailleurs, si ces lois s’accordent avec le début du sous-titre du livre : « Agir contre son camp », il est moins clair qu’elles s’accordent avec la suite : « pour la France ». Réciproquement, ne serait-il pas aventureux d’écrire que Barre, Sarkozy, Rocard ou Macron agirent ou agissent « contre leur camp » ?
Sur la base d’une problématique aussi inexistante comment remplir 210 pages ? Les 70 premières sont occupées à détailler les « enfances semées d’embûches » des onze héros « tous diplômés du supérieur », avant que les 70 suivantes développent les distances qu’ils prennent avec le « système des partis ». Ici s’éclaire la méprise qui préside à ce pensum : le dénominateur commun des onze héros du livre n’est pas d’être « rebelles à la politique », mais rebelles aux partis qui la structurent. Nuance. De Gaulle et Macron leur sont à ce point hostiles qu’ils créent leurs propres partis (RPF, UNR, UDV° ; LREM) ; Mendès-France, Rocard, Chevènement et Séguin en sont les enfants terribles : le premier du parti radical, les deux suivants du PS, le quatrième du RPR ; Veil, Badinter et Barre se plaisent à les dédaigner. Le seul bon élève d’un parti est le « rebelle Sarkozy » qui « sait se rendre indispensable » au RPR.
A défaut de rebellions, le dernier chapitre évoque « les combats emblématiques » des onze : Résistance, décolonisation, IVG, peine de mort avant que s’enlisent dans les sables leurs désirs de réformer les retraites, les finances publiques, d’associer le capital au travail etc. Au final, les rebelles Pompidou, Rocard et Sarkozy permirent successivement les « années heureuses du tout automobile », « la réforme déterminante » du RMI, et forcément le « travailler plus pour gagner plus ».
Et l’Europe me direz-vous ? Entre celle de De Gaulle fondée sur les Etats et celles qui vont de la présidence de S. Veil à Strasbourg à celle de Macron à Bruxelles, la rébellion donne l’impression de se volatiliser, jusqu’à ce que l’opinion se charge de la ressusciter par son NON à la constitution européenne, puis par le jaune de ses gilets. Cette rébellion populaire ne saurait cependant abuser notre auteure, persuadée écrit-elle, qu’elle tient à des textes européens « lourds et difficiles à comprendre par le citoyen ». Pour bien se rebeller, il faut bien savoir lire. CQFD.
Page 18, un paragraphe offre du livre ce saisissant raccourci : « L’appel du 18 juin 1940 du général de Gaulle n’était destiné qu’à résister à un gouvernement défaillant qui négociait l’armistice […]. Emmanuel Macron s’est détaché du président Hollande et du PS jugés enfermés dans leur dogmatisme. Son discours d’Athènes du 7 septembre 2017 puis celui de la Sorbonne du 26 sur l’Europe fait (pour font ?) de la France "le pays de l’année 2017" selon The Economist ». Entre l’Himalaya et la dune du Pyla quelle différence ?
D’ailleurs, devinez quel rebelle est redevenu président en 2022 ?

Hubert Delpont, 8.9.22

02/02/2022 253 pages 17,90 €
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