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Genre
Psychologie, psychanalyse
Dialogue préliminaire1
EUGÈNE SIMION : Vous avez conçu l'essentiel de ce travail sur la libido féminine, son développement et ses figures (normales et pathologiques), en 1960, à l'occasion d'un congrès de psychanalyse qui a eu lieu à Amsterdam...
FRANÇOISE DOLTO : J'ai été commise, si je peux dire, par notre société, qui était à ce moment-là la Société française de psychanalyse2, à faire un rapport sur ce thème, que je ne me sentais pas, à l'époque, encore assez mûre pour rédiger. Et pourtant, en y travaillant, je me suis aperçue que j'avais pas mal d'expérience et des choses à dire.
Il se trouve qu'à ce congrès d'Amsterdam il y avait aussi d'autres rapporteurs sur ce sujet, et la tendance qu'ils avaient exprimée a paru plus intéressante à l'ensemble de notre société que celle que j'ai développée pour ma part.
E.S. : Quel genre de propos ont tenu ces autres rapporteurs, quelles théories avançaient-ils ?
F.D. : Eh bien, en fait, ils étaient moins dans la clinique quotidienne et dans l'habitus des femmes qui ne sont pas décompensées dans une névrose, tandis que moi, on le voit dans mon texte, je parle de l'évolution de la petite fille telle qu'elle est, future névrosée ou non, je m'occupe de sa sensibilité à l'autre sexe, de sa sensibilité sexuelle locale, je m'intéresse à l'être au féminin, qu'il soit pathologique ou qu'il ne le soit pas. Parce que je pense qu'il s'agit toujours, dans la pathologie, de décompensations qui peuvent survenir à certains moments, selon la constellation familiale, suivant les avatars de la vie relationnelle des êtres humains. Dans les travaux des autres rapporteurs, le domaine de la sexualité féminine était traité d'une manière plutôt théorique que clinique. Et puis, c'étaient tous des hommes – Perrier, Granoff... On n'était pas encore, en France, prêt à écouter un rapport qui était fait par une femme.
E.S. : L'École freudienne n'existait pas encore...
F.D. : Non, l'École freudienne a commencé en 65. En 1960, c'était encore la Société française de psychanalyse. À la sortie du congrès, après mon intervention, Lacan m'a dit : « Eh bien, pour parler comme tu parles, tu es culottée ! » Je lui ai demandé : « Alors, tu t'inscris en faux sur tout ce que j'ai dit ? – Je n'ai pas dit ça, m'a-t-il répondu, j'ai dit que tu étais culottée. » Je n'ai pas pu en tirer autre chose.
En effet ce que j'avais dit était très différent, comme manière d'approcher la sexualité féminine, de la manière des hommes qui étaient là, et qui continuaient dans une espèce d'esprit de psychiatre et de philosophe.
E.S. : Vous n'avez pas pensé à faire paraître, tout de suite après, ce travail, pour tester la réaction des lecteurs et surtout des lectrices ?
F.D. : Il devait être publié dans notre revue, La Psychanalyse, mais les rédacteurs de la revue, visiblement hostiles à ma démarche, ont pensé que certains chapitres n'avaient aucun intérêt, et qu'on le publierait en son temps (dans cent ans...?). Ce qu'ils en ont tiré a été publié en deux parties, à une année de distance3.
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