#Essais

Sexualité féminine. La libido et son destin féminin

Françoise Dolto

"Je souhaite intéresser ici les lecteurs au témoignage d'une femme sur les femmes. Sous le titre général de La libido génitale et son destin féminin, je vais essayer, dépouillant le mot destin de ses résonances fatales, magiques ou déterministes, de témoigner en femme, en mère et en psychanalyste pratiquant depuis plus de vingt ans des faits d'observation que j'ai pu glaner concernant la sexualité dans son développement chez les filles, ne retenant ici que les traits que j'ai pu rencontrer chez le plus grand nombre". À partir de cette expérience clinique très riche, Françoise Dolto explore le cheminement dynamique, de la naissance à la vieillesse, d'une libido au féminin, elle en suit les manifestations dans la vie érotique et passionnelle, dans la relation à l'autre et à la famille, déployant pour ce faire toutes les harmoniques du désir et de l'amour.

Par Françoise Dolto
Chez Editions Gallimard

0 Réactions |

Genre

Psychologie, psychanalyse



 

 

 

 

Dialogue préliminaire1

 

 

 

EUGÈNE SIMION : Vous avez conçu l'essentiel de ce travail sur la libido féminine, son développement et ses figures (normales et pathologiques), en 1960, à l'occasion d'un congrès de psychanalyse qui a eu lieu à Amsterdam...

 

FRANÇOISE DOLTO : J'ai été commise, si je peux dire, par notre société, qui était à ce moment-là la Société française de psychanalyse2, à faire un rapport sur ce thème, que je ne me sentais pas, à l'époque, encore assez mûre pour rédiger. Et pourtant, en y travaillant, je me suis aperçue que j'avais pas mal d'expérience et des choses à dire.

Il se trouve qu'à ce congrès d'Amsterdam il y avait aussi d'autres rapporteurs sur ce sujet, et la tendance qu'ils avaient exprimée a paru plus intéressante à l'ensemble de notre société que celle que j'ai développée pour ma part.

 

E.S. : Quel genre de propos ont tenu ces autres rapporteurs, quelles théories avançaient-ils ?

 

F.D. : Eh bien, en fait, ils étaient moins dans la clinique quotidienne et dans l'habitus des femmes qui ne sont pas décompensées dans une névrose, tandis que moi, on le voit dans mon texte, je parle de l'évolution de la petite fille telle qu'elle est, future névrosée ou non, je m'occupe de sa sensibilité à l'autre sexe, de sa sensibilité sexuelle locale, je m'intéresse à l'être au féminin, qu'il soit pathologique ou qu'il ne le soit pas. Parce que je pense qu'il s'agit toujours, dans la pathologie, de décompensations qui peuvent survenir à certains moments, selon la constellation familiale, suivant les avatars de la vie relationnelle des êtres humains. Dans les travaux des autres rapporteurs, le domaine de la sexualité féminine était traité d'une manière plutôt théorique que clinique. Et puis, c'étaient tous des hommes – Perrier, Granoff... On n'était pas encore, en France, prêt à écouter un rapport qui était fait par une femme.

 

E.S. : L'École freudienne n'existait pas encore...

 

F.D. : Non, l'École freudienne a commencé en 65. En 1960, c'était encore la Société française de psychanalyse. À la sortie du congrès, après mon intervention, Lacan m'a dit : « Eh bien, pour parler comme tu parles, tu es culottée ! » Je lui ai demandé : « Alors, tu t'inscris en faux sur tout ce que j'ai dit ? – Je n'ai pas dit ça, m'a-t-il répondu, j'ai dit que tu étais culottée. » Je n'ai pas pu en tirer autre chose.

En effet ce que j'avais dit était très différent, comme manière d'approcher la sexualité féminine, de la manière des hommes qui étaient là, et qui continuaient dans une espèce d'esprit de psychiatre et de philosophe.

 

E.S. : Vous n'avez pas pensé à faire paraître, tout de suite après, ce travail, pour tester la réaction des lecteurs et surtout des lectrices ?

 

F.D. : Il devait être publié dans notre revue, La Psychanalyse, mais les rédacteurs de la revue, visiblement hostiles à ma démarche, ont pensé que certains chapitres n'avaient aucun intérêt, et qu'on le publierait en son temps (dans cent ans...?). Ce qu'ils en ont tiré a été publié en deux parties, à une année de distance3.

Commenter ce livre

 

01/10/1996 430 pages 21,30 €
Scannez le code barre 9782070737369
9782070737369
© Notice établie par ORB
plus d'informations