Préface
L’arnaque est vieille comme le monde et ne finira probablement qu’avec lui. Tant qu’il y aura des hommes pour rêver à plus de gloire, de fortune, de pouvoir, il y aura d’autres hommes pour leur faire croire que le miracle est à portée de rêve.
L’arnaque a les couleurs, les tonalités de la vie. Il en est de tragiques, il en est de plaisantes. Certaines sont diaboliques, d’autres peuvent sembler puériles. Toutes reposent sur l’émergence, à un moment donné, du couple bizarre que forment le mystificateur et le mystifié. Un couple dont le ferment est la confiance. Aveugle le plus souvent. Hors de raison dans la plupart des cas.
Si certaines d’entre elles ont une influence évidente sur le cours de l’histoire, toutes y jouent un rôle parce que, mieux et plus crûment que tant d’autres manifestations humaines, elles disent leur temps, leur époque. Elles en révèlent les ressorts, les travers, les mœurs, les obsessions, les peurs, les appétits, les aspirations secrètes. Dans ce sens, elles nous apprennent beaucoup sur nous-mêmes et sur le monde dans lequel nous vivons.
Si elles reposent sur des caractéristiques immuables de l’âme humaine telles que la cupidité, l’envie, l’ambition, la haine, les arnaques sont le fruit – pourri sans doute – de circonstances, et donc d’un moment de l’histoire.
Sans la déliquescence d’une fin de règne qui marque de surcroît la fin d’un régime, l’affaire du collier de Marie-Antoinette aurait-elle pu exister ? Sans la montée en puissance d’une bourgeoisie d’affaires sûre d’elle-même et de sa capacité à transformer le monde à son gré, le scandale de Panama aurait-il été possible ? Sans l’obsession de la revanche de 1870 sur l’Allemagne et de la reconquête des provinces perdues, les largesses russes de Raffalovitch auraient-elles été aussi efficientes ? Sans l’angoisse de la France découvrant avec effroi sa fragilité face aux crises pétrolières, la farce des avions renifleurs aurait-elle été seulement imaginable ? Si Hitler et le nazisme ne continuaient à exercer une fascination morbide sur tant de nos contemporains, l’arnaque des faux carnets aurait-elle pu être montée ? Si l’on n’avait fait de l’argent un maître absolu, une divinité moderne, et de la spéculation un culte, l’escroquerie monstre d’un Madoff aurait-elle pu se prolonger quelque vingt années ?
Il en va ainsi de chaque mystification. Elle est un miroir, parfois déformant certes, mais elle l’est à la manière des caricatures d’un Daumier. Forçant le trait, elle traduit le réel et rompt la conspiration du non-dit. D’une certaine manière, l’arnaque, une fois dévoilée, est porteuse de salubrité. À ceci près qu’elle fait des victimes. Certaines pathétiques, et c’est l’affaire de Port-Breton, celle des emprunts russes et de Raffalovitch ; certaines plutôt lamentables ou ridicules, comme on le voit avec les scandales des décorations, des faux carnets d’Hitler, des faux vrais tableaux de Wolfgang Fischer-Beltracchi.
Extraits
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