Partie 1
Alertes
Prologue
Article n. 16 de la Nouvelle Constitution du Grand Paris :
« Il est formellement interdit d’approcher un miroir, ou toute surface non miro-prouvée, au risque de libérer son double maléfique. Toute infraction à cette règle sera passible de la peine de mort, sans jugement et sans appel. »
∾
L’image que me renvoyait le miroir m’effrayait, me décevait. J’étais menue, mince – non, maigre –, pas jolie pour un sou, et j’avais des yeux affreusement… étranges. Leur asymétrie donnait l’impression que je ne regardais pas vraiment en face, et leur couleur ambrée paraissait trop claire pour ma peau noir ébène. Et cette bouche ! Elle était dure, informe ! Je clignai plusieurs fois des paupières, puis passai la main dans mon afro bouclé, qui avait énormément poussé depuis mon dernier passage chez le coiffeur l’année précédente. J’effleurai ensuite la glace des doigts, en quête d’une sorte de connexion, de magie ou d’émerveillement qui m’aurait échappé jusque-là.
Rien.
Je m’écartai de l’objet. Je n’arrivais pas à croire ce que je voyais, ce que je ressentais. J’avais beau savoir que je ressemblais peu à ma mère et à ma sœur, la confirmation me heurtait tout de même. Avais-je réellement défié la loi pour ça ? Qui prenait le risque de libérer un des « autres » pour satisfaire un caprice ? Quelqu’un de stupide qui allait se dépêcher de corriger son erreur.
J’entrepris donc de m’enfuir avant qu’il ne soit trop tard. Je pouvais encore revenir en arrière, retrouver mon quotidien. Mais avant, je devais supprimer la preuve de ma faute. Je saisis le lance-glace que j’avais apporté et l’activai en visant ma cible. Un jet froid s’en échappa et recouvrit lentement le miroir. Beaucoup plus efficace que les extincteurs du début des années 2000 – et réservé à l’usage de certaines professions règlementées dont je ne faisais pas partie, ce qui allongeait d’ailleurs la liste de mes crimes –, l’appareil nécessitait en général une minute pour agir parfaitement. Ensuite, il suffisait de briser l’élément figé en des milliers de morceaux, puis réutiliser l’arme sur les restes afin de s’assurer de tout détruire. C’était la seule façon d’empêcher les « autres » de rejoindre notre monde, et d’effacer les traces de mon passage.
Pendant que le miroir se cristallisait, quelque chose changea. Les lèvres de mon reflet s’étirèrent en un rictus de satisfaction. J’en tremblai d’effroi. Les rumeurs étaient donc vraies ! Oubliant toute prudence, je saisis l’objet de ma terreur, le décrochai et le fracassai au sol. Des fragments se répandirent un peu partout. Je les aspergeai tous d’un nouveau jet de gaz froid, afin d’accélérer le processus.
J’étais tout occupée à ma tâche lorsque des bruits de pas me parvinrent. Grand Dieu, j’allais me faire prendre ! Jamais je n’aurais le temps de détruire tous les débris restants !
Extraits
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