#Roman francophone

Les sept plumes de l'aigle

Henri Gougaud

Luis A n'est pas un personnage de roman mais un homme bien vivant, même s'il tient à rester anonyme. Ce livre raconte son histoire, de sa lointaine enfance argentine aux événements qui l'ont conduit aux portes de la France, où il demeure aujourd'hui. Il a quitté très tôt la maison de son père, à Cordoba, au pied de la Sierra Grande. Sa mère venait de mourir, loin de lui, une nuit d'orage. C'était une Indienne Quechua, et le seul être aimé de sa jeune existence. Il a refusé l'insupportable. Il a préféré imaginer qu'elle avait fui la ville, qu'elle était allée rejoindre son peuple, dans la montagne. Il est donc parti à sa recherche. C'est ainsi qu'il s'est retrouvé sur le chemin de l'impossible, le seul qui vaille aux yeux des fous de vie. Il a connu, bien sûr, l'omniprésente misère des enfants perdus. Puis un jour, le hasard-qui-n'existe-pas a voulu qu'il rencontre El Chura, le gardien des ruines de Tiahuanaco, l'homme au plumage de renard. El Chura était un sorcier. Un chaman. Il l'a instruit, puis il l'a pousse vers d'autres lieux, à la poursuite des pierres vivantes et des sept plumes de l'aigle où sont les sept secrets de la vie. Son errance fut longue, étrange, tourmentée. D'autres maîtres l'ont recueilli et l'ont guidé, don Benito, le vieux Chipés, le père Sebastian, des femmes aussi. Itinéraire où chaque rencontre, où chaque événement, même le plus trivial, fut un pas de plus vers l'" épice ", vers " ce qui fait que la vie ne passe pas pour rien ". J'ai écrit ce qu'il m'a confié de son aventureuse existence et de ses apprentissages. A la fin, il m'a dit : " Maintenant, que le vent emporte nos paroles, comme il emporte tout, pollen, poussière, feuilles mortes. Si elles ne sont que poussière, qu'elles retournent à la poussière. Si elles sont vivantes, qu'elles nourrissent la vie. " Et il est parti d'un grand rire. La route continue. H.G.

Par Henri Gougaud
Chez Seuil

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Editeur

Seuil

Genre

CD K7 Littérature

Je vous adjure de laisser tout libre, comme j’ai laissé tout libre. Qui que vous soyez me tenant à présent dans la main, lâchez-moi et partez sur votre propre route.

Walt Whitman

J’ai connu Luis A. un jour d’automne à Paris, dans une brasserie proche du faubourg Saint-Antoine. J’étais seul. Il était attablé en compagnie de quelques amis. Il parlait. Son ample carrure, son accent sud-américain, la force joyeuse et pénétrante de ses paroles surtout, dans le brouhaha de ce lieu ouvert à tous les vents, ont aussitôt attiré mon attention. J’ai tendu l’oreille. Ce qu’il disait m’a paru surprenant et profond. Il n’a guère tardé à s’apercevoir que je m’intéressais à sa conversation. Du geste et du regard il m’a pris à témoin, comme il le faisait avec les autres. J’ai risqué quelques questions, quelques réponses aussi à ses réflexions sur les douleurs et les beautés de la vie. Je me souviens du bref éclat qui a traversé son œil quand il a prononcé, en me regardant droit, le nom d’un saint poète persan, Djalāl al-Dīn Rūmī, que j’estimais comme l’un des plus grands bienfaiteurs du monde, mais que je croyais trop peu connu pour avoir la moindre chance d’être un jour cité dans un bistrot, fût-il peuplé de buveurs de mystères. Plus grand encore fut mon étonnement d’entendre cet homme à la chemise largement ouverte malgré les courants d’air piquants me rappeler, en écrasant négligemment son mégot dans un cendrier publicitaire, ces mots de notre maître commun que j’avais depuis longtemps inscrits dans un carnet de notes de lecture : « Nous avons traversé les ténèbres de l’océan et l’immensité de la terre. Nous avons enfin trouvé la fontaine de Jouvence. Elle nous attendait patiemment, au cœur de nous-mêmes. » Je lui ai spontanément tendu la main. Il l’a serrée en riant. Nous sommes devenus amis.

 

Il était peintre, restaurateur de tableaux et expert en laque chinoise. Son atelier n’était guère éloigné de cette brasserie où nous nous étions rencontrés. J’ai pris l’habitude de lui rendre visite, de temps en temps. C’était un homme d’une générosité infatigable (il l’est toujours, Dieu le garde !). Il avait exploré un chemin de connaissance qui m’attirait depuis longtemps mais que je n’avais guère parcouru, faute de guide sûr et de carte fiable. Il me fallait, pour entreprendre ce voyage dans les zones obscures de ma propre terre, quelques lumières. Il détenait des informations et des techniques précises héritées de vieilles écoles orales. Il me les a données. Peu à peu cependant au gré de nos journées ont émergé, comme des îles sur la mer, des paysages et des événements de son passé. Ils m’ont paru si captivants que j’en suis venu à l’interroger plus avant sur sa vie. Un jour, je lui ai demandé l’autorisation de poser entre nous le micro d’un magnétophone. Je ne pouvais plus me fier à ma seule mémoire, elle était trop étroite pour contenir le flot de ses aventures. Deux ans durant il m’a ainsi raconté ses errances, ses rencontres, ses épreuves, ses découvertes.

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03/11/2000 250 pages 23,30 €
Scannez le code barre 9782020412780
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