#Roman francophone

Les brûlés du Luberon

Claude Mossé

Au moment où la France sort des rudesses du Moyen Age pour plonger dans les joliesses de la Renaissance, se préparent les massacres des guerres de Religion. Protestants avant l'heure, les vaudois du Luberon, vaudois parce qu'émules de Pierre Valdès, un négociant lyonnais qui, au XIIe siècle, prônait la pauvreté et l'humilité de l'Eglise, seront les grandes victimes du siècle de Montaigne et La Boétie. Sibylle, jeune veuve du seigneur de Buoux, dans le Luberon, elle-même vaudoise, prend fait et cause pour les siens, pourchassés, torturés, violés, brûlés ou tués par Meynier d'Oppède, premier président du parlement d'Aix-en-Provence. Tout cela dans un silence des puissants qui frise la connivence si ce n'est l'assentiment. Sibylle se rend au Vatican pour tenter de convaincre le pape Paul III. Lequel n'est pas contre un peu plus de compassion mais ne fait rien. C'est surtout la jeune femme qui l'intéresse. Pas ces hérétiques qui ont le culot de traduire les Ecritures sacrées en occitan, c'est-à-dire dans la seule langue que les fidèles comprennent. Des hérétiques ! Sibylle, dévouée à sa cause, va aussi rencontrer François 1er, le roi de France. Vieillissant, celui-ci n'a d'intérêt que pour sa lutte contre l'empereur Charles Quint qui convoite la Provence, donc le Luberon ! Et pendant ce temps, les villages de Gordes, Roussillon, Bonnieux, Ménerbes, Mérindol, Lourmarin sont mis à sac et détruits par le feu. Trois mille personnes sont exterminées, hommes, femmes, enfants, en cinq jours, sept cents envoyées aux galères, les cultures détruites et les troupeaux décimés.

Par Claude Mossé
Chez Presses de la Cité

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Genre

Romans de terroir

Prologue

 

 

 

 

La journée s’achève. Le silence enveloppe Chambord. Les gardes ont tiré les verrous. Dans la vaste forêt entourant le château encore inachevé, le roi François Ier entend le brame d’un cerf, parfois l’aboiement d’un chien. Les courtisans qui, sans enthousiasme, le suivent de demeure en demeure, car en aucun lieu il ne se plaît, se sont retirés dans leurs appartements. Tout n’est que calme et sérénité. Demain sera une journée de chasse, le monarque et ses compagnons poursuivront un dix-cors à travers bois, en espérant que l’animal, effrayé, ne se noiera pas dans le Cosson tout proche.

François n’a pas voulu qu’on éteigne les quinquets bien que la pleine lune éclaire la pièce. La tête entre les mains, assis sous un baldaquin tissé de fils d’or, il réfléchit. Il aurait aimé consacrer son temps aux artistes qui ont tant contribué à sa gloire, mais Léonard de Vinci est mort, Du Bellay emplit son esprit de voyages en Europe et Clément Marot, son confident, ne lui a pas dissimulé son attrait pour les idées de Calvin. Le séducteur, fatigué, n’éprouve guère le besoin d’avoir près de lui sa seconde femme, Eléonore, sœur de Charles Quint, qu’il n’a épousée que pour apaiser les ambitions de l’empereur, et pas davantage sa favorite, la belle Anne de Pisseleu, plus séduisante, selon lui, que Diane de Poitiers, maîtresse du dauphin Henri.

François Ier l’a compris depuis plusieurs années, pour éviter une guerre religieuse à l’intérieur du royaume, il est nécessaire de réformer l’Église sans pour autant s’opposer aux maîtres qui, à la Sorbonne, défendent en violentes diatribes la doctrine prêchée, à Rome, par le pape Paul III, dont les comportements changent sans que jamais il ne s’en explique. Capable d’abandonner sans raison d’anciens serviteurs fidèles, François n’a plus envie de combattre l’empereur Charles Quint, son cousin par Jean le Bon, leur aïeul commun. Il est atteint par le mal de Naples depuis son emprisonnement en Espagne, après le désastre de Pavie, et ne supporte pas la supériorité de Charles, qui ne cesse de recevoir du Nouveau Monde des coffres emplis d’or et de bijoux précieux. Il a signé à Crépy un traité de paix et, à cinquante ans, n’a plus le courage d’engager un cinquième conflit.

L’hiver 1543-1544 a été particulièrement rigoureux. Ce n’est pas quand la disette menace qu’on se lance dans une nouvelle aventure guerrière. Et s’il n’y avait que les Espagnols… mais les Anglais rêvent de coiffer la couronne de France. Certes, le monarque a envoyé le capitaine amiral Polin à Marseille afin de préparer une expédition navale contre les envahisseurs éventuels, et Polin n’a pas ménagé ses efforts pour recruter de force plus que de gré des hommes assez robustes, capables, après une navigation sans grand confort à bord des galères royales, de se lancer dans de périlleuses batailles. Polin a constitué une armée mais, à l’heure des plus pénibles travaux dans les champs, la Provence s’est vidée de ses paysans.

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06/06/2013 326 pages 19,50 €
Scannez le code barre 9782258101463
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