J’ai compris le midi, l’Allemagne, le désert. Je ne comprendrai jamais ces villages auvergnats qu’on voit perchés sur la montagne dans le vent et les hivers qui en ont blanchi l’église à la façon d’un os de seiche. Ils laissent toujours sur un tourment.
ALEXANDRE VIALATTE, L’Auvergne absolue
Tel quel il me comble puisqu’il m’enchante depuis toujours avec ses riens ou ses misères comme avec ses légendes, m’absorbe quand j’y reviens, m’obsède tant il me visite ou me manque au loin chaque matin.
BERNARD JANNIN, Pays éperdu
Perché encore plus haut que Laurie. Continuer la route en lacet, qui va vous permettre de découvrir un panorama de plus en plus ouvert. Vous n’y rencontrerez guère de touristes. La route s’achève d’ailleurs en cul de sac à Lussaud, village auvergnat tout à fait traditionnel et quasi hors du temps. Rues en terre et pierraille, bâtisses solides et trapues, toits descendant parfois presque jusqu’au sol, pignons en escalier. Basse-cour et chiens baguenaudant librement dans les ruelles vierges de trafic automobile. Ici, on vit encore totalement au rythme des saisons. Au centre, la mignonne église Sainte-Madeleine, de style roman tardif.
Le Guide du routard
I
Surtout, tu ne cognes pas. C’est ce que ta mère t’avait dit : si on t’agresse, tu ne réponds pas. Ensuite, tu vas déposer plainte à la gendarmerie. Et Sophie, pour autant qu’est possible la mémoire de ce qui s’est passé, car la violence d’un événement a cet effet de recomposer ce qui l’a précédé, de redistribuer l’oubli et le souvenir, avait glissé, en termes moins impératifs, un conseil identique. Surtout, en cas de rixe, ne pas frapper.
Un livre avait été écrit : Pays perdu. Un livre qui serait difficile, même pour quelqu’un qui a pratiqué la théorie de la littérature, à définir en termes de genre. Le narrateur emploie la première personne, mais il ne se trouve pas au centre du récit. Au centre du récit, il y a le pays, et ceux qui y vivent. Celui qui raconte reste un personnage secondaire. Il y est question en passant de l’histoire de sa famille, de l’héritage d’un vieux cousin. Mais il s’agit avant tout de rapporter les obsèques d’une adolescente, la fille d’amis paysans.
Il avait fallu un an au livre pour arriver jusqu’au village. Publié en 2003, il avait suivi son chemin lentement, mais il était arrivé, à l’été 2004, un peu comme tout a fini par arriver là-haut, avec un peu de retard, et pas partout, l’eau courante, le téléphone, les salles de bains, le chauffage central. Il était arrivé. Juste quelques jours après votre départ, à la fin d’un séjour de vacances, au mois d’août.
Tu n’aurais pas cru qu’il pût parcourir une aussi longue route. Il n’y avait pas beaucoup de livres dans le pays. La seule à lire assidûment était Berthe, la mère de notre fermier, seule dans son hameau de Bessèges, au fond du val dévoré d’arbres. Elle en réclamait, et tu lui en apportais, mais sa vraie passion, c’étaient les vieux livres d’aventures, Jules Verne surtout. Peut-être poussait-elle la modernité jusqu’à Jean Anglade. Mais pour la plupart, La Montagne assurait l’essentiel de la lecture, avec le bulletin de la paroisse. Alors un écrivain peu connu, publié chez un éditeur confidentiel...
Extraits
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