Un vieil homme est assis dans un fauteuil au centre d’une pièce vide et sombre. Les fenêtres ont été murées. Un chat tourne autour des pieds nus du vieil homme. Dans un recoin de la pénombre, une femme enceinte, les cheveux en désordre, pieds nus elle aussi, triture stupidement ses jupes déchirées en fredonnant un air appris dans les fêtes estivales d’un village sans nom. Le visage du vieil homme se contracte sous l’effet d’un effort surhumain. Au bout d’un moment, la femme au gros ventre sort de sa poitrine cinq cartes très abîmées, aux coins cassés, qu’elle jette une à une sur le sol de pierre. Elle ne peut nommer les figures, mais chacune fait naître une lueur de joie dans son regard idiot : le tigre, le hibou, la chèvre, l’ours, le dragon. La concentration de la pensée brille sur le front pâle du vieil homme. Il ne bouge pas. Il est vêtu d’un habit de moine et ses mains sont agrippées aux accoudoirs du fauteuil. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Il est sept heures du matin et tout est parfaitement silencieux ; un rectangle rouge lumineux s’allume et s’éteint ; quand il s’allume, on peut lire le mot Alarm. Une main féminine s’approche de la pendule, caresse le cadran, stoppe la sonnerie. Puis la femme se dirige vers l’autre lit, se penche sur l’homme qui y dort, lui touche doucement l’épaule :
– … saire… saire… saire…
La voix lui parvient étouffée, lointaine, indissociable du sommeil.
– Hein ?
– … saire… saire… saire…
– Quoi ?
– Elle hausse les épaules ; met un doigt sur sa bouche.
– Chut…
– Quoi ?
– Évidemment, tu as oublié.
– Quoi ?
– Qu’aujourd’hui c’est l’anniversaire de Georgie.
L’homme s’assied au bord du lit et, de ses pieds, caresse le tapis de vigogne. Il promène son regard dans la chambre, sans la voir. La femme s’approche à pas feutrés, un paquet à la main ; le paquet est enveloppé dans du papier-cadeau, orné de grands rubans de soie jaune. Elle prend l’homme par le bras, le tire par la manche de son pyjama, l’oblige à se lever.
– Dépêche-toi, George. Le petit va se réveiller.
L’homme ne sentait pas ses jambes. Il eut envie de se pencher par la fenêtre, de contempler le soleil éphémère d’un mémorable été anglais.
– J’arrive, Emily, j’arrive…
Il la suit. Hors de la chambre, le long du couloir, jusqu’à une autre porte.
– S’il te plaît, rentre tôt cet après-midi. Je te le demande. La fête d’anniversaire est prévue pour six heures. Sois là, je t’en prie.
– Je suis désolé. Je ne pourrai pas rentrer avant ce soir.
– Pense à ton fils… Tu vas le décevoir.
– Tu sais bien que je ne peux pas quitter le bureau avant sept heures.
Extraits
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