Irrécupérable, telle semble être l'oeuvre de Jean Genet. Non seulement au regard des polémiques qu'elle a suscitées et suscite encore, mais plus profondément par son refus de s'apaiser, de pactiser, d'oublier. "Je conserverai en moi-même l'idée de moi-même mendiant" écrivait Genet dans le Journal du voleur. Ni l'humiliation ni la souffrance ni l'exclusion n'ont à aucun moment été oubliées. L'ensemble de son oeuvre pourrait ainsi lue comme un refus radical de toute amnistie. Pas d'oubli, et donc pas de mesure ou de compromis. Pas de résilience non plus. Refus aussi de se présenter comme victime puisque seul le choix de la révolte permet de toucher à cette beauté salvatrice, sans cesse recherchée dans les tableaux de Rembrandt ou les sculptures de Giacometti, dans les gestes de ses amants et des êtres en révolte. "J'aime ceux que j'aime qui sont toujours beaux et quelquefois opprimés mais debout dans la révolte." De manière encore plus radicale, son oeuvre demeure irrécupérable par cette douloureuse remise en question d'elle-même et, de sa nécessité, voire de sa justesse. Genet a toujours écrit contre lui-même et n'a pas hésité à raturer, à détruire sa légende quand il pensait que ses textes sonnaient faux. Sans le moindre accommodement avec les conventions sociales ou littéraires, son oeuvre de celles qui ont changé le paysage théâtral et romanesque du XXe siècle.
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