Marine Locatelli
Gyrophares aveuglants. Sirènes hurlantes. Pas précipités. Aucun cri. Nous ne sommes ni sur une scène de théâtre ni dans une série TV, ni dans un livre ni dans la rue. Nous sommes dans la chambre des auteurs et des illustrateurs. Leur cas est désespéré, excepté pour quelques stars ou chanceux et des hommes plus en vue que les femmes… Le médecin de Molière ne pourra rien pour eux…
C’est aux femmes et aux hommes de Loi d’agir de concert avec les auteurs pour soigner les blessures répétées dans leurs contrats, comme des coups de poignard portés à leurs œuvres… Ne sommes-nous pas en train de devenir autristes (auteurs et autrices tristes) ? Terrible maladie contagieuse qui sévit en ce début de 21e siècle. Qui est responsable des maux des auteurs ?
Il existe pourtant des clés et des solutions éclairantes pour ouvrir de nouvelles voies à nos vies d’auteurs malmenées par les rapaces d’une économie éditoriale et audiovisuelle déséquilibrée.
Concrètement, nous avons besoin d’une 2e chance tout de suite ! Nous avons besoin de pouvoir renégocier nos contrats, au bout de 10 ans, et même avant ! Pas de céder nos droits pour des sommes dérisoires en engageant nos enfants et nos petits enfants ! Nous avons besoin d’urgence de solutions internationales, en nous mobilisant avec les auteurs européens. Si les sociétés de perception de droits et la France sont capables de le faire au nom du droit d’auteur, pourquoi n’est-on pas capable de le faire pour les conditions sociales des auteurs ? C’est simple, non !?
Mère Solo, autrice-scénariste, réalisatrice… et méditante en pleine conscience !
2019. 5 + 5 = 55, ça c’est mon code anniversaire (surtout, pensez-y en juin !). Bientôt 30 ans, ça, c’est l’âge joyeux de mes scénarios d’animation, documentaires et histoires en tous genres. 19 et 15, ça, c’est l’âge merveilleux de mes deux adolescentes. Le tableau des âges dressé, qu’en est-il de la vie quotidienne avec l’Amie Ecriture pour des livres ou des scénarios ? Malgré sa présence complice, tout devient plus difficile avec l’Amie Ecriture. Beaucoup de temps de travail pour des à-valoir diminuant. Contrats aux obligations légales pas assez respectées. Opacité des chiffres de ventes. Difficulté à obtenir de nouveaux contrats (les femmes de plus de 40 ans en précarité, circulez surtout dehors !). Bataille pour tenter d’obtenir des pourcentages corrects… en vain parfois. On nous prend pour d’illustres demeurés à qui l’on peut faire boire la coupe de l’oubli : t’es édité, alors bois à ta joie et tais-toi !
Les mails deviennent aussi des échanges habituels avec nos éditeurs, alors qu’une vraie discussion serait nécessaire pour les négociations importantes. Nous vivons une déshumanisation des relations auteurs, éditeurs, producteurs. C’est un fait contrariant.
Tout cela tombe très mal quand deux adolescentes ont besoin de plus financièrement qu’un petit enfant. La bibliothèque de livres aimés ne suffit plus. Surtout quand les études supérieures se présentent au programme « dépense plus ». Alors quoi ?! Urgence de développer une seconde activité rémunératrice en lien avec les enfants, les ados : pleine conscience, psycho positive, yoga… voilà pourquoi je suis aussi retournée à l’université. Et mon cerveau est en ébullition pour trouver des solutions concrètes.
J’ai bien imaginé d’être éditrice, mais à 5 +5 = 55, on est mal perçu quand on veut défendre les droits des auteurs et les accompagner avec bienveillance comme une Agent très spécial ou une Fairy romantique. Vous imaginez un aussi beau tableau…
Si j’étais éditrice, que ferais-je vraiment pour vous ?
Vous pourriez récolter les fruits de vos créations et pas juste les pépins, votre promotion serait assurée sans avoir besoin de vous vendre chaque jour sur les réseaux sociaux en vous épuisant avec des publications pagivores, livrivores, photovores, vidéovores et illustravores… Sans toupie, j’en ai le tournis ! (rires)
Et… si la Reine Anne d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande qui en 1710 permit la première législation sur le droit d’auteur, revenait aujourd’hui, ce serait tout simplement fantastique ! Elle se battrait pour nous… j’aurais aimé la rencontrer en plein Brexit (n’est-ce pas chère songeuse Clémentine Beauvais).
Eh bien pour le plaisir de lui rendre hommage, créons aujourd’hui « Les Éditions de la Reine Anne » uniquement pour cette tribune et ce moment de partage avec vous.
Imaginez un instant l’entrée de notre maison d’édition, comment vous accueillerait-elle ? Vous pourriez lire sur une fresque murale ce qui suit, comme au fronton d’un temple :
– RESPECT des auteurs, minimum 10 % pour chaque auteur ou illustrateur avec des paliers dès 5000 ventes. À 10.000, 15.000, 20.000, 25.000. Épatant ! Et ce ne serait pas la roulette russe…
– FIN DES À-VALOIR. Le temps de création ne mérite pas une « avance sur droits ». Le temps de création est distinct de l’exploitation. Il se paye, point. Deux contrats distincts pour ce qui relève de l’acte de création et de l’exploitation de la création.
– CHANCE DE RENÉGOCIATION, la chance de l’équité ! Au bout de 10 ans (et même au bout de 3 ou 5 ans, si notre livre se vend bien et s’il y a réédition avec changement de couverture par exemple !). Révision indispensable de nos contrats par un médiateur ou les tribunaux.
– SOLUTION INTERNATIONALE à Bruxelles : se rapprocher des syndicats allemands d’auteurs, imaginer des solutions ensemble. Se réunir, se rassembler pour que notre statut soit reconnu professionnellement.
– NOUVEAU STATUT, pour bénéficier comme les salariés (car nous sommes assimilés à des salariés selon notre régime social fondé en 1975) de congés payés. Réparation de l’État des préjudices subis par l’abandon de l’AGESSA qui a été laissée dans l’illégalité depuis 1975, en n’opérant pas le recouvrement des cotisations des assujettis.
Avant de vous dire au revoir, je ne voudrais pas oublier la cerise de notre gâteau explosif : je vous invite tous à écouter la conférence d’Emmanuel Todd et Marcel Gauchet sur Critique de la Raison, enregistrée début avril. Nous avons besoin d’AGIR MAINTENANT parce que nous ne sommes pas des rapaces, mais nous n’allons pas nous laisser faire ! Parce que nos libertés s’effacent. Parce que les lobbies de l’édition nous font chuter. Parce que les nouveaux jeunes éditeurs sont formés à l’exploitation de l’autre dans leurs grandes écoles de commerce où on formate si bien les esprits connectés au seul mot « Rentabilité ».
Les auteurs ne peuvent plus continuer à être instrumentalisés par de puissants acteurs économiques. Le droit d’auteur porte notre nom. Il est brandi par d’autres. Triste usurpation. Pendant ce temps, nous nous effondrons.
Nos vies à pile ou face, non merci… il est temps que nous agissions tous ensemble.
Voici un extrait du livre de Christophe Geiger 1710/2010, Quel bilan pour le droit d’auteur ? L’influence de la loi britannique de la Reine Anne en France , édité en 2011. Maître de conférence, Centre d’Etudes Internationales de la Propriété intellectuelle (CEIPI), Université de Strasbourg ; chercheur associé à l’Institut Max Planck, pour la propriété intellectuelle, le droit de la concurrence et le droit fiscal.
Alors que l’on fête en 2010 les 300 ans de la première législation sur le droit d’auteur, la loi de la Reine Anne, il est particulièrement intéressant de se pencher sur l’éventuelle influence qu’a pu avoir cette importante loi britannique sur le développement futur du droit d’auteur, en particulier en France. Ce retour historique n’est pas aise, car empreint de nombreuses incertitudes. Il permet cependant de mettre en lumière un certain nombre de principes communs, ainsi qu’un triste constat : pense a l’origine comme un vecteur de diffusion du savoir, le droit d’auteur est aujourd’hui considéré par beaucoup comme un frein a la création, a l’accès a la culture et a l’éducation.
De plus, les créateurs continuent souvent de faire l’objet d’une instrumentalisation dont bénéficient en grande partie d’autres acteurs économiques et beaucoup d’auteurs ne profitent malheureusement que très insuffisamment du système du droit d’auteur qui pourtant porte leur nom. Pour ces raisons, il semble désormais impératif que les partisans du droit d’auteur œuvrent ensemble pour retrouver son esprit d’origine et tirent enfin toutes les conséquences des évolutions passées.
1 Commentaire
koinsky
18/04/2019 à 06:19
On signe quand ?