En ce 23 mai 2020, je t'écris d'amour et de feu, oui, une vraie lettre de feu et d'amour. Car que seraient nos vies sans toi, librairie ? Un tunnel sans début ni fin, un hiver sans halo de lumière, une ville sans centre-ville ? Poussez la porte d'une librairie indépendante et c'est une bouffée de connaissance qui vous fouette le visage, c'est histoire de l'humanité et ses mille chapitres qui vous sautent dans les bras.
Lettre d'amour aux librairies indépendantes
Par Isabelle Wéry, auteure

J'aime ma libraire, j'aime mon libraire. Parce qu'il/elle a un visage, qu'il/elle me sourit, même derrière son masque et son écran plexi. Un/une libraire, ça vous aide à dégoter LE livre, LA perle que vous ne cherchiez pas et qui viendra bousculer votre perception du monde. C'est de la chair et des os, les libraires, ce n'est ni un écran ni une machine. C'est une présence humaine qu'aucune géante plateforme d'achats en ligne ne vous offrira.
J'achète mes bouquins dans les librairies indépendantes, parce que je veux donner mon fric à ces centaines d'artisans locaux appartenant à un réseau solidaire de 60 librairies pour la Belgique francophone. Et choisir à qui donner son fric, c'est déjà un acte de résistance dans ce grand et gras système capitaliste morbide-obsolète-mortifère.
Soyons clairs, mon muscle préféré, c'est l'imagination. Et qu'est-ce que nous en avons besoin de notre imagination pour traverser cette crise covid19 ? Et qu'est-ce que nous en aurons encore besoin durant les mois à venir ? Car c'est elle, l'imagination, couplée à nos facultés intellectuelles, qui vient vivifier notre capacité à résister, à inventer de nouveaux moyens de survie. Et une librairie, ça vous booste l'imagination, ça vous démange, ça vous dérange, ça vous change la peau, ça enclenche, c'est percolateur.
Une librairie, c'est sensuel. On s'y sent cool, le temps y suspend son souffle ou alors c'est qu'il est devenu élastique, le temps, ça a un parfum inédit de livres qui vous enlacent le cou avec leurs promesses de renouveau. Non, vraiment, ça réconforte, même dans les moments les plus rudes, ça te prend dans ses grands bras de papier.
T'es belle, librairie indépendante, comme un arbre rempli de fruits intelligents, t'es sculptrice, tu viens raboter, peaufiner, lécher notre paysage mental. Tu es belle et tu as l'audace, celle des pavés dans la mare. Tu es la passeuse, l'entremetteuse, l'agitatrice. Tu es bombe. Et tu enlumines la vie de nos quartiers, tu contribues à l'économie locale, tu vitalises avec entrain toute la chaine du livre. Un quartier sans librairie, c'est triste comme un bord de mer sans mer.
Et puis, surtout, une librairie, ça participe à la mission-missile de certains livres, celle de percuter les dictatures.
Oui, décidément, j'achète mes bouquins en librairie indépendante.
Je t'avais prévenue, c'est une lettre d'amour... Merci d'être là, librairie, de résister et de nous permettre d'aiguiser mon muscle préféré : l'imagination.
Isabelle Wéry
Isabelle Wéry est l'autrice de Poney flottant, publié chez ONLIT Éditions.
Photographie : Sculpture d'Annette Vassiliu (ActuaLitté, CC BY SA 2.0)
Commentaires
La Graine, le 26/05/2020 à 21:50:37
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NAUWELAERS, le 26/05/2020 à 23:26:28
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