Le ministère de la Culture publie dans le Journal officiel de ce 12 août un appel au mécénat d'entreprises pour l'acquisition par l'État d'une statue d'Auguste Rodin, en plâtre, nommée Je suis belle. Cette dernière s'inspire d'un vers de Charles Baudelaire, qui ouvre le poème « La Beauté », dans le recueil Les Fleurs du Mal : « Je suis belle, ô mortels ! comme un rêve de pierre »...
Signée « A. Rodin » à l'arrière de la base, cette sculpture en plâtre aurait été réalisée vers 1885, selon les services du ministère de la Culture : « Récemment réapparue, cette remarquable épreuve en plâtre du sculpteur français majeur Auguste Rodin, mentionnée dès janvier 1886 et liée dans son titre, depuis juin 1886, aux vers de Charles Baudelaire : “Je suis belle, ô mortels comme un rêve de pierre”, est d'une extrême rareté. »
Cette sculpture avait été découverte dans un garde-meuble de Biarritz, en 2013, avant d'être authentifiée par les experts comme une ébauche de la sculpture en bronze Je suis belle.
Les deux personnages de cette sculpture, La Femme accroupie et L’Homme qui tombe, apparaissent déjà dans l'œuvre La Porte de l’Enfer, mais sont ici assemblés pour produire une tout autre scène. Cette composition est également nommée L’Enlèvement, L’Amour charnel, ou La Chatte. Il est possible de contempler la sculpture sur le site du Musée Rodin.
de Charles Baudelaire
Classée Trésor national, la sculpture est estimée autour de 700.000 €, et l'appel au mécénat porte sur une somme totale de 600.000 €. Les entreprises qui participeront au mécénat peuvent bénéficier de la réduction d'impôt sur les sociétés prévue à l'article 238 bis-0 A du code général des impôts, égale à 90 % des versements qu'elles pourraient effectuer, dans la limite de 50 % de l'impôt dû au titre de l'exercice considéré.
Quant au poème de Baudelaire à l'origine de l'œuvre de Rodin, le voici :
Je suis belle, ô mortels, comme un rêve de pierre,
Et mon sein, où chacun s’est meurtri tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l’azur comme un sphinx incompris ;
J’unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Les poètes devant mes grandes attitudes,
Qu’on dirait que j’emprunte aux plus fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d’austères études ;
Car j’ai pour fasciner ces dociles amants
De purs miroirs qui font les étoiles plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés éternelles !
Il se trouve dans le recueil Les Fleurs du Mal, XVII (1857). Et avait été passablement étrillé dans Le confort intellectuel de Marcel Aymé (1949) – ouvrage indispensable du reste.
Photographie : illustration, jchapiewsky, CC BY-SA 2.0
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