« Que vais-je devenir dans ce grand Paris ? » Lettre du vendredi 5 juillet 1822 à Adèle Foucher, Victor Hugo. Le Grand Paris a été toujours été une haute terre de poésie, d’est en ouest, du nord au sud. Au XXIe siècle, c’est une façon d’imiter le « Groẞ Berlin », créé sous la république de Weimar. Dans le cœur des poètes, le Grand Paris n’est pas neuf, depuis que François Villon s’est exclamé, avant la Renaissance :
Je suis François, dont ce me poise,
Né de Paris emprès Ponthoise.

Paris, en Grand - pixabay licence
J’entends crier partout : Au meurtre ! On m’assassine !
Durant les Trente Glorieuses, à cette agglomération parisienne, l’on a accordé le joli nom de « petite couronne » et de « grande couronne », comme un hommage à la couronne d’un roi, ou du soleil. D’ailleurs, la banlieue, que certaines commères définissent comme mal famée, mal lotie, mal fagotée, recèle, en fait, des toponymes au charme bucolique : Fontenay-aux-Roses, Villeneuve-la-Garenne, Marne-la-Coquette.
Paris a enfermé, jusqu’à la mort, dans son labyrinthe de rues, de caboulots et d’égouts, des poètes, comme Charles Baudelaire ou Paul Verlaine, enterrés l’un à Montparnasse, l’autre aux Batignolles, à un pot d’échappement du périphérique. Des curieux, comme Alfred de Musset qui aimait à chanter les bois de Romainville, ont été tentés par l’air frais de cette banlieue. Gérard de Nerval a pris la clef des champs, afin de sortir de cet asile de fous qu’est Paris.
Plus encore, le poète s’est aventuré dans la plaine Saint-Denis, à Saint-Germain-en-Laye, et jusqu’aux confins du Val d’Oise, avant de séjourner, de l’autre côté de la Seine, à la clinique du docteur Blanche, aujourd’hui dans le seizième arrondissement.
Pour les artistes, le chemin de fer a ouvert de nouvelles perspectives en banlieue, Seine-et-Marne et Seine-et-Oise, sous le règne de Louis-Philippe 1er. Ainsi, au XIXe siècle, et surtout après le siège de la Commune, la banlieue devient un lieu d’inspiration pour des poètes inconnus, ou méconnus. Ils ont glané quelques jolis vers, comme des cartes postales multivues. Poète des « humbles », François Coppée, fait, par exemple, le tableau-poème d’une commune limitrophe :
C’était un tout petit épicier de Montrouge,
Et sa boutique sombre, aux volets peints en rouge.
Au tournant du XXe siècle, d’autres poètes explorent, de fond en comble, la banlieue. Le génie de L-D Bessières est d’avoir délivré une radiographie humaine et sociale de l’Île-de-France, avant la Première Guerre mondiale.
Dans son célèbre recueil de « métromane », il offre un panorama d’une centaine de communes, à mille lieues des grands projets architecturaux de la Quatrième République qui ont détruit les paysages franciliens, et chrétiens. L’on découvre, ainsi, Orly, sous un jour heureux :
À droite, on aperçoit Orly
Là-haut, dans un agreste et coquet paysage.
Ce modeste et gentil village.
L’autre poète du Grand Paris est Charles Péguy qui livre un inventaire à la Prévert, dans son cycle de poèmes « Les Sept contre Paris » :
Saint-Mandé, Robinson, Plessis, Bondy, Varenne,
Malakoff, Billancourt et la double Garenne ;
Vanves, Sceaux, Châtillon, Fontenay, Bourg-la-Reine.
Charles Péguy connaît la banlieue sud, comme son missel, car il a séjourné à Bourg-la-Reine, à Orsay, à Gomez-le-Châtel. Le banlieusard arpentait, en toute simplicité, le plateau de Saclay, à Lozère, à côté de la future École polytechnique. C’est à l’Est de Paris, en Seine-et-Marne que le lieutenant-poète sera tué le 5 septembre 1914, lors de la bataille de l’Ourcq. Il reposera au cimetière militaire de la Grande Tombe de Villeroy, à Chauconin-Neufmontiers, près de Meaux.
Avant le choc pétrolier, des projets architecturaux ont transformé la région parisienne. Citons, entre autres : les grands ensembles H.L.M., les aéroports d’Orly et de Roissy-Charles-de-Gaulle, le périphérique et l’A86, les centres de recherche du Commissariat à l’énergie atomique, le marché d’intérêt national de Rungis, fief de l’agriculture chimique et industrielle, ainsi que les centres commerciaux, de Belle Épine à Créteil Soleil.
Au-delà de cette pétaudière, Jacques Réda est le dernier témoin de la banlieue populaire, qui s’est, par la suite, pliée à la mondialisation. Le Grand Paris, tel qu’on l’entend au XXIe siècle, c’est du béton, pour les piétons, et des tunnels pour le métro express. Il s’agit, une fois plus, de faire disparaître les dernières parcelles de terre, les derniers villages et villes franciliens, dans un chaos orchestré par l’État.
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