Une pétition, des centaines de signataires, et voici que l’on envisagerait avec la bénédiction de la ministre de la Culture d’expédier les deux poètes au Panthéon. Sauf que la famille d’Arthur ne le voit pas d’un bon œil : Jacqueline Teissier-Rimbaud, l’arrière-petite-nièce, trouve l’idée saugrenue. Surtout si les deux sont intronisés en même temps.
Après tout, l’idée de passer les quelques centaines d’années — avant que la dépouille mortelle ne soit totalement réduite en cendres — avec son ex, n’a rien de si réjouissant. Pour Jacqueline Teissier-Rimbaud, c’est même hors de propos. À l’AFP, elle indique que « tout le monde va penser “homosexuels”, mais ce n’est pas vrai. Rimbaud n’a pas commencé sa vie avec Verlaine et ne l’a pas terminée avec lui, ce sont juste quelques années de sa jeunesse ».
À jamais réunis
Certes, les deux hommes ont une relation, houleuse, alcoolisée et même violente, à l’arme à feu. Et le fait que Verlaine ait été doté d’un micropenis, comme l’avait relevé la police britannique à l’époque ne laisse guère de place à l’imagination. Mais pour la descendante, l’idée que les deux hommes soient installés en même temps au Panthéon est une erreur.
« Rimbaud est né à Charleville-Mézières, il reste à Charleville-Mézières, avec toute sa famille », affirme-t-elle, et la famille serait entièrement de son avis. Il semble d’ailleurs que l’association Les Amis de Rimbaud ait également adopté la même position et considère que « ce qui est proposé ne convient pas au personnage d’Arthur ».
Au cours des quatre années passées l’un avec l’autre, les deux poètes ont défrayé la chronique assurément, mais de là à les enfermer l’un avec l’autre. « Rimbaud est devenu par la force des choses une icône pour beaucoup d’homosexuels, mais s’en serait sans doute lui-même défendu », estime le président de l’association, Alain Tourneux.
Comme seul Emmanuel Macron, président de la République, est en mesure de trancher, les regards se tournent assez logiquement vers lui. Peut-être faudra-t-il garder à l’esprit que Rimbaud lui-même ne voulait « plus évoquer cette période des quatre années où il l’avait côtoyé. Il tenait absolument à vivre une autre vie, ce qu’il a fait en partant en Afrique », insiste Alain Tourneux.
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Après tout, l’homosexualité des deux poètes avait fait scandale et la violence de Rimbaud bouleversait le groupe de poètes dans lequel Verlaine gravitait. Les deux amants partirent alors pour Londres en juillet 1872. Et s’ensuivit une période de séparations et de retrouvailles, entre Londres et Bruxelles.
Cela atteignit son point culminant lorsque Verlaine tira sur Rimbaud le 9 juillet 1873 de peur que celui-ci ne le quitte. À cette occasion fut prononcée la phrase restée célèbre : « Voilà pour toi, puisque tu pars. »
Il ne blessa que superficiellement au poignet et Rimbaud retira sa plainte, mais Verlaine fut condamné le 8 août 1873 à deux ans de prison, son homosexualité étant un facteur aggravant pour le tribunal.
L’idée de les enfermer pour l’éternité, ou ce qu’il en restera après le coronavirus, provient d’une pétition dégainée en début de semaine. Jean-Luc Barré, éditeur, Frédéric Martel, journaliste et Nicolas Idier, écrivain, estiment en effet que ce « ne serait que justice de célébrer aujourd’hui leur mémoire en les faisant entrer conjointement au Panthéon, aux côtés d’autres grandes figures littéraires : Voltaire, Rousseau, Dumas, Hugo, Malraux ».
On attend, de profundis, que les intéressés fassent un commentaire. Après tout, les deux hommes n'avaient rien d'Héloïse et Abélard.
illustration, Rimbaud - Jeanne Menjoulet, CC BY ND 2.0
Commentaires
Jujube, le 12/09/2020 à 06:44:49
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Frédérique, le 24/11/2020 à 11:57:12
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Délirant, le 12/09/2020 à 06:51:10
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Ulysse, le 23/09/2020 à 23:48:45
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Jujube, le 14/09/2020 à 20:21:07
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