#CollectionsAristophil - Bibliophilie, marché de l’art : passé le scandale, les collections Aristophil, sans doute les plus belles du monde, vont être dispersées. Au début des années 2010, l’affaire avait fait grand bruit, avant que n’éclate le scandale, et que la supercherie à gigantesque échelle ne soit dévoilée : 130 000 manuscrits et oeuvres, 18 000 propriétaires lésés, des pièces inestimables et uniques au monde, plus de 800 millions d’euros de préjudice. Le 20 décembre prochain aura lieu à Drouot l’exceptionnelle vente inaugurale des collections Aristophil.
La société Aristophil, achetait des œuvres (manuscrits anciens, chartes, incunables, livres, éditions rares, lettres, autographes, philatélie, dessins, peintures, photographies, lithographies, objets d’art, archéologie, géologie, objets et souvenirs, documents, etc.) en ventes aux enchères ou de gré à gré.
Elle créait alors des lots à partir de ces acquisitions, auxquels une valeur était donnée. Cette valeur n’était ni fixée en fonction de l’estimation d’une vente aux enchères ni même de son résultat, mais en fonction d’une nouvelle évaluation interne.
Des parts de lots, ou des lots complets, étaient alors présentés par des courtiers, généralement pour cinq ans. La rentabilité provenait du rachat et de la revente de ces œuvres à de nouveaux adhérents.
La société proposait aux investisseurs deux types de contrat : la pleine propriété aux fins de se constituer une collection personnelle (contrats dit AMADEUS), ou l’indivision avec d’autres collectionneurs / investisseurs. L’indivision devenait alors propriétaire de l’oeuvre concernée, chaque investisseur étant alors propriétaire d’une ou plusieurs parts indivises (contrats dit CORALY’S), pour une période de 5 ans renouvelable.
Aristophil avait même créé le Musée du Manuscrit pour exposer les oeuvres, qu’elle gardait pour le compte de leurs propriétaires.
(Musée des Lettres et des Manuscrits, fermé au public)
Ainsi, la société a attiré à elle environ 18 000 clients (on estime aux alentours des 800 à 850 millions d’euros le montant versé par les clients à Aristophil) qui en espéraient des rendements importants. En réalité, il s’agirait d’un système type pyramide de Pondzi : les achats des nouveaux investisseurs finançaient les intérêts des anciens. En 2015, la société a été mise en liquidation, et les collections ont été mises sous scellés pendant plus de deux ans.
À l’automne dernier (décision d’une confondante rapidité, dans l'espace-temps juridique), le Tribunal de commerce, dans le cadre d’un appel d’offres, confiait à la maison de ventes Aguttes le soin d’inventorier, conserver, et restituer les oeuvres en provenance de la société Aristophil à leurs propriétaires. Puis, de vendre les biens propres de la société (immeuble, avoirs, etc…). Avec pour intention de rendre, pour tout ou partie, les sommes investies aux lésés.
En mars de cette année, le Tribunal de Grande Instance a par ailleurs également chargé Aguttes d’assister l’administrateur et de coordonner les ventes des collections indivisions.
Ainsi, une partie des collections Aristophil sera dispersée de façon judiciaire (biens propres de la société Aristophil mise en liquidation), tandis qu’une autre partie sera vendue de façon volontaire (soit par leurs propriétaires uniques soit pour le compte de leurs copropriétaires indivisés, en accord avec l’administrateur de ces derniers).
Les décisions des tribunaux prises ces derniers mois ont alors lancé le chantier pharaonique du comptage, du tri, de l’inventaire de chacune des pièces.
Les pièces qui étaient exposées au Musée des lettres et manuscrits jusqu’en 2015, date de sa fermeture, étaient, lors de la remise du dossier au commissaire priseur, entreposées sans aucune cohérence ni classement. 130.000 pièces qui, certes dans un bon état de conservation, ont nécessité dans un premier temps d’être identifiées et expertisées.
Un collège d’experts a donc été réuni pour évaluer chacune d'entre elles. Quand on pose la question de la valeur réelle des objets sur le marché, l’expert Claude Oterelo répond simplement que la règle n’est pas établie : parfois l’estimation de l’expert se situe bien en dessous de la valeur à laquelle Aristophil avait estimé la pièce (et vendue aux indivisaires), parfois elle s’en rapproche.
Le chantier a pris des mois, et les repères chiffrés donnent une idée de l’enjeu de la dispersion de ce qui est sans doute la plus belle collection de manuscrits au monde.
Pour ce qui est de la conservation elle-même, la collection est actuellement entreposée dans un lieu évidemment tenu secret. Une centaine de mètres carrés, 25 caméras, une température maintenue à 20 °, une hygrométrie parfaitement contrôlée : les plus de 300 000 oeuvres ont donc été répertoriées, classées et expertisées par une équipe de 10 personnes et le collège d’experts, sous contrôle permanent d’un huissier.
Plus d’un million d’euros en frais de personnel, gardiennage (le risque majeur étant bien sur l’incendie), assurances, travaux, gestion informatique ont été investis par Aguttes pour honorer la première mission confiée par le Tribunal. Selon ses dires « une société pourrait mourir d’un chantier tellement chronophage et tentaculaire ».
Comité des sages, experts et autres sociétés de ventes épauleront donc la Maison Aguttes afin de contribuer au succès de la dispersion des Collections Aristophil qui se dérouleront à Drouot.
Mais ce fut aussi, comme toutes les grandes escroqueries et leur résolution, un immense travail de relations humaines : c’est avec une certaine émotion que, lors de la conférence de presse liminaire, Maître Aguttes confie que son amour du métier est nourri de l’amour des objets en premier lieu, mais aussi de celui des hommes, de leur personnalité, et des conséquences que ce désastreux investissement a pu avoir sur leur vie.
Il a ainsi rencontré cette année plus de 3000 de ces lésés (« Tout leur faisait peur ») afin d’arbitrer, d’expliquer, et rassurer ces épargnants qui n’ont pas forcément l’habitude des ventes d’oeuvres d’art, et pour qui Aristophil représentait un placement financier.
Les collections Aristophil seront dispersées au moins au cours des six prochaines années, ce qui représente plus de 300 ventes aux enchères, sans doute la plus grande vente du monde. La répartition des ventes dans le temps a pour vocation d’éviter la saturation du marché, dans l’intérêt des vendeurs. La vente inaugurale du 20 décembre 2017 sera une vacation prestigieuse, un véritable coup d’envoi de l’ensemble des collections.
Les Collections Aristophil couvrent toutes les périodes de l’histoire de l’Antiquité au XXe siècle. Pour ne pas se limiter à une répartition par nature juridique, type de support ou encore par seule chronologie, huit grands thèmes ont été retenus:
Toutes les ventes aux enchères des Collections Aristophil seront transversales, obéissant à une même thématique, qui pourra être illustrée par des livres, des lettres, des dessins etc. Des œuvres en provenance de fonds différents pourront être réunies pour permettre une équité entre propriétaires, un large éventail de prix sera proposé : de quelques centaines d’euros à plusieurs millions.
Manifeste du Surréalisme
Ainsi, des lots séparés jusqu’à présent en terme de contrat pourront être réunis, à l’image du 1er Manifeste du Surréalisme avec le Poisson Soluble, dont il est la préface, écrits par André Breton.
Les chiffres de cette extraordinaire et extravagante vente inaugurale donnent le vertige :
La Maison Aguttes procèdera à la vente inaugurale des Collections Aristophil le mercredi 20 décembre 2017 à Drouot, Paris, en salle 1-7, à 14h30.
Rouleau manuscrit des 120 journées de Sodome - Sade - Estimation 4 000 000 / 6 000 000€
Tous les lots de cette vente inaugurale seront en exposition publique
- du 21 au 24 novembre 2017 en salle 9 – De 11h à 18h, le jeudi 23 de 11h à 21h
- du 19 au 20 décembre 2017 salle 1-7 – Le 19 de 11h à 18h, le 20 de 11h à 12h
Série de conférences à Drouot entre le 21 et le 24 novembre 2017 pendant l’exposition publique.
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