Notre-Dame-Des-Landes, lieu de resistance au centre de toutes les attentions en France. Emmanuel Macron a assuré que l’opération d’évacuation avait été menée à bien. Mais les négociations se poursuivent avec la ZAD, La Zone À Défendre. Et la préservation du Taslu, la bibliothèque, en devient emblématique.
Crédit Mobilis / ZAD
C’est la préfète des Pays de la Loire, Nicole Klein, qui prendra la suite des opérations. Verra-t-on la fin des jets de grenades lacrymogèneset des survols de drones ? Les Zadistes, soutenus par de nombreux manifestants venus d'autres régions de France, entendent pourtant protéger ce qui incarne un îlot de liberté.
Selon les autorités, 29 squats ont été détruits, les axes routiers rétablis – et toute forme d’occupation illégale déconstruite. Maintenant, poursuit la préfète, il importe de s’assurer que ces occupations ne reprennent pas. Et plusieurs interpellations sont survenues.
Dans le même temps, ce 12 avril, c’est un étrange message qui survenait, alors que les expulsions prenaient fin. Les expulsions et destructions n’ont pas cessé, et le déploiement de la gendarmerie autour de la ZAD s’est bel et bien poursuivi.
Et c’est au cœur de la bibliothèque du Taslu que les Zadistes se préparaient à résister. « Comme de nombreuses autres activités sur la ZAD, la bibliothèque du Taslu ne sera jamais un “projet individuel”, mais bien un outil commun pour les habitant.e.s de ce blocage ». Et toute personne passant sur le territoire était invitée à venir s’y rendre, et prendre un livre, à l’envi.
Ce 13 avril, une veillée-lecture serait organisée, sous réserve, tant à la bibliothèque qu’au phare de la Rolandière.
Message déchirant du Taslu, la bibliothèque-phare de la #ZAD, qui évoque la possibilité d'un assaut des gendarmes demain et appelle à venir lire des livres pour résister... #NDDL pic.twitter.com/dmmOXC9mWj
— S.I.Lex (@Calimaq) 12 avril 2018
Il était prévu que Lola Miesseroff, auteure du Voyage en outre-gauche (éditions Libertalia) soit organisée, mais du fait des expulsions, cette rencontre a été annulée. De même, ce 14 avril, Kristin Ross auteur de Mai 68 et ses vies ultérieures, devait venir à la bibliothèque. Ce n’était pas la première fois qu’un auteur se rendait dans la ZAD : Éric Vuillard, le prix Goncourt 2017, s’était rendu le 1er février pour un débat ouvert à chacun – quelques jours après que le projet d’aéroport fut définitivement abandonné.
La ZAD raconte l’histoire de cette création, avec émotion :
Construire une bibliothèque, c’est d’abord rassembler un grand nombre d’ouvrages en un même lieu et les rendre consultables. Notre première tâche a donc consisté à aménager un écrin à même de les accueillir. La Transfu est une cabane qui fut jadis bâtie derrière la Rolandière par le comité Île-de-France. Elle est intégralement conçue en palettes, on raconte qu’il en aurait fallu plus de mille pour achever sa réalisation.
Clin d’œil de l’histoire, il s’agit à notre connaissance de la seule cabane de la ZAD dont la construction est intégralement narrée dans un livre intitulé L’Atelier cabane. Actuellement, une des pièces sert de local médical, et diverses réunions s’y déroulent. Cet hiver, après quelques travaux de rénovation, il est prévu que la bibliothèque investisse le haut de l’étable de la Rolandière au-dessus du point d’information, dans un bâtiment en dur.
La bibliothèque du Taslu avait collecté originellement quelque 1500 livres et après les dons, elle en compte plus de 4000, raconte Mobilis : « Quelques titres phares, des classiques de la SF comme Fahrenheit 451 de Ray Bradbury et surtout 1984 de George Orwell, ont été donnés en de multiples exemplaires. On compte aussi des livres emblématiques de la lutte, comme Dégage ! on aménage de Jean de Legge, offert par un paysan militant, résistant historique.
Crédit Mobilis
Certains éditeurs sont plébiscités, comme Verdier et Corti, ainsi que la collection Anthropocène des éditions du Seuil, les éditions Indigènes, L’Échappée, la revue Multitude… En plus des essais politiques, des histoires de luttes, le Taslu propose des romans, des pièces de théâtre et des traités pratiques. Le rayon poésie est aussi bien garni, avec René Char en bonne place. »
Créée d’une volonté commune, la bibliothèque avait vu le jour le 11 septembre 2016 : les livres ne manquaient pas dans la ZAD, mais les regrouper, proposer trois permanences chaque semaine, dans l’après-midi, lui auront conféré une tout autre dimension.
Ce soir : veillons sur la bibliothèque & le phare de la #ZAD #NDDL : 19h Taslu Rolandière JE LIS ICI JE RESTE ICI pic.twitter.com/JWiCGpbbbw
— Tata Lulu (@tataluludu44) 13 avril 2018
L’évacuation, rebaptisée « l’opération sans nom » par la ZAD, dure depuis cinq jours maintenant. Logiquement achevée ce 12 avril, les Zadistes s’inquiètent : « Il semble que les gendarmes ne sachent pas lire. Ils n’auraient pas appris que depuis hier 22 h l’opération est terminée. Résultat, il y a une marée bleue ce matin. »
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