CHRONIQUES ANTI-ISOLEMENT de L’ÂME DES PEUPLES — Ayant réagi un peu plus tôt à la crise du coronavirus, il semblerait que l’Autriche s’en tire mieux que d’autres pays européens et soit parmi les premiers à annoncer quelques mesures de déconfinement... Le gouvernement autrichien gère manifestement la crise de manière professionnelle. Néanmoins, se pourrait-il qu’en filigrane l’enjeu politique des élections municipales viennoises, prévues en octobre prochain, y trouve une place légèrement inappropriée ?
par Alexia Gerhardus
Le gouvernement fédéral autrichien dirigé par le chancelier Sebastian Kurz est une coalition entre conservateurs et écologistes, alors que la municipalité de Vienne est conduite par le parti social-démocrate, en coalition avec les écologistes. La ville de Vienne étant l’un des derniers bastions sociaux-démocrates dans une Autriche sous le charme de Sebastian Kurz et de son parti ÖVP, l’enjeu politique des élections municipales viennoises est considérable.
Les mesures de confinement pour endiguer la propagation de l’épidémie autorisent le citoyen autrichien à quitter son domicile pour quatre raisons précises : un travail qui ne puisse être remis à plus tard ou géré par télétravail ; des courses indispensables (médicaments, alimentation) ; le soutien à des personnes vulnérables ; et prendre l’air, mais exclusivement avec des personnes du même ménage.
Et ce sont justement ces sorties au grand air qui donnèrent lieu à des escarmouches entre le parti conservateur, au pouvoir au fédéral, et le parti social-démocrate, qui tient les rênes de Vienne. Le 16 mars, la ministre fédérale de l’Agriculture, Elisabeth Köstinge, ordonna la fermeture au public des parcs les plus emblématiques de la ville — Schönbrunn, Augarten et Volksgarten — ainsi que des jardins du palais du Belvédère et du Jardin botanique.
De leur côté, Michael Ludwig, le maire social-démocrate de Vienne et ses conseillers municipaux (sociaux-démocrates et écologistes) décrétaient que les presque 1000 parcs et jardins municipaux resteraient accessibles afin que les Viennois puissent prendre l’air durant la période de confinement.
Les Viennois considérant par tradition les parcs et jardins de la ville comme les leurs et ayant plus que jamais besoin de s’aérer en cette période de confinement, les mauvaises langues politiques insinuent que la fermeture des parcs et jardins sous autorité fédérale visait à susciter la hargne de la population viennoise, qui pourrait se retourner contre le maire social-démocrate lors des élections municipales d’octobre...

Les Viennois peuvent au moins se réjouir qu’un tel débat puisse avoir lieu, alors que bon nombre d’Européens se voient privés de toute forme de sortie au grand air.
Il faut espérer que les Viennois retiendront le professionnalisme de leurs autorités, tant fédérales que municipales, ainsi que les manifestations quotidiennes de solidarité citoyenne, plutôt que cette querelle des jardins publics. Et il reste à souhaiter que la joute politique des prochaines municipales n’influe pas outre mesure sur la sagesse des décisions à prendre pour combattre le coronavirus.
Quoi qu’il en soit, avant le weekend de Pâques, on pouvait encore lire, sur un panneau accroché par un anonyme aux grilles cadenassées du parc d’Augarten : « Ouvert en 1775 par Joseph II, fermé en 2020 par Elisabeth Köstinger » !
Autrichienne née à Bruxelles, Alexia Gerhardus vit à Vienne depuis 1990 où elle travaille comme traductrice littéraire et dans les relations publiques pour le compte de diverses ONG. Vienne, si impériale, si sociale, est sorti en octobre 2015 aux éditions Nevicata.
Dossier : Chroniques anti-isolement à travers L’Âme des peuples
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