La bibliothèque d'urgence de la plateforme Internet Archive lui aura valu un procès retentissant, porté par quatre grands groupes d'édition. Le site patrimonial a rendu possible l'accès sous conditions aux numérisations d'ouvrages possédés par des bibliothèques, au grand dam de plusieurs organisations d'auteurs et d'éditeurs, qui dénoncent une opération de piratage. L'Authors Alliance, structure internationale d'auteurs, va à contre-courant, en apportant son soutien à la plateforme.
Une organisation d'auteurs qui défend Internet Archive et son prêt numérique contrôlé ? Voilà qui a de quoi surprendre. Depuis plusieurs mois, la plateforme essuie en effet de nombreuses critiques de la part d'organisations d'éditeurs et d'auteurs pour son usage du « prêt numérique contrôlé » et le lancement de sa bibliothèque d'urgence, à l'occasion de la pandémie de coronavirus.
Le site Internet Archive, au départ centré sur les œuvres entrées dans le domaine public, propose depuis quelque temps d'accéder à des œuvres sous droit, numérisées à partir des exemplaires imprimés de bibliothèques partenaires. Cette lecture s'effectue selon plusieurs conditions : l'inscription de l'usager sur le site, mais aussi la limitation à un seul exemplaire en circulation, ainsi qu'une lecture limitée à un délai de quinze jours.
Autant de mesures qui cherchent à calquer le prêt numérique sur le prêt de l'exemplaire imprimé par la bibliothèque, ce qu'Internet Archive nomme le « prêt numérique contrôlé ». Selon la plateforme, ce dispositif permet aux bibliothèques d'exploiter au mieux leurs fonds, tout en facilitant la diffusion du savoir et de la connaissance : les ouvrages concernés ne sont pas disponibles au format numérique dans le commerce, et les éditeurs ne les exploitent plus, assure-t-on.
Des explications vigoureusement démenties par quatre éditeurs, Hachette, HarperCollins, Wiley et Penguin Random House, à l'origine d'une plainte pour violation de copyright, et par les organisations d'éditeurs et d'auteurs.
Un bien pour les œuvres indisponibles
L'Authors Alliance, organisation à but non lucratif rassemblant des auteurs, se présente de son côté comme un soutien à l'initiative d'Internet Archive. « Le prêt numérique contrôlé est particulièrement utile pour les auteurs dont les œuvres sont épuisées ou indisponibles dans le commerce : sans numérisation et prêt de ses œuvres, elles seraient tout simplement inaccessibles aux lecteurs », indique l'Authors Alliance.
Si Internet Archive invoque le fair use et l'intérêt public dans sa défense face aux quatre éditeurs plaignants, l'un des éléments intéressants du débat soulevé par la bibliothèque d'urgence porte sur le devenir des œuvres indisponibles. Ces livres ne sont plus disponibles dans le commerce, ni exploités par l'éditeur, mais restent sa propriété, au détriment du bon vouloir de l'auteur.
L'Authors Alliance fait partie de ces organisations d'auteur qui tentent de remettre en cause la durée de cession des droits d'exploitation des œuvres à l'éditeur, pour faciliter une reprise en main par l'auteur en cas d'indisponibilité. Un sujet particulièrement difficile à aborder : en France, le gouvernement français, des sociétés de gestion collective et l'édition ont mis en place le système ReLIRE pour les œuvres indisponibles, copieusement critiqué par certains auteurs.
« Il est particulièrement regrettable qu'en ces temps de pandémie, les éditeurs souhaitent couper l'accès à une bibliothèque numérique comme celle d'Internet Archive », souligne Pamela Samuelson, présidente du conseil d'administration de l'Authors Alliance.
Photographie : illustration, Scott Beale, CC BY-NC-ND 2.0
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