Marcelo Crivella, maire de Rio de Janeiro depuis le 30 octobre 2016, s'est piqué de littérature en donnant son avis sur une bande dessinée Marvel, dans laquelle deux jeunes super-héros, Wiccan et Hulkling, s'échangent un baiser. Un amour gay que le responsable politique a voulu bannir d'une foire du livre de Rio de Janeiro, ajoutant que ce genre de « contenus sexuels pour mineurs » devaient être présentés sous un plastique opaque, avec un avertissement.

L'engouement pour les aventures super-héroïques, notamment celles publiées par Marvel, touche le monde entier : au Brésil, à Rio de Janeiro, le festival Riocentro Bienal do Livro ne pouvait faire l'impasse. Plusieurs ouvrages de la Maison des Idées étaient ainsi présentés sur un stand, celui de l'éditeur Panini Comics, qui publie également les traductions en France.
Parmi ces ouvrages, Vingadores : A Cruzada Das Crianças, ou Avengers : La croisade des enfants, paru en 2015 en français et l'année suivante au Brésil. Dans les pages de cette aventure, deux super-héros, Wiccan et Hulkling, respectivement sorcier et extraterrestre surpuissant, échangent un baiser : disponible depuis un moment au Brésil — il avait déjà été traduit en 2012 —, cette évocation d'un amour gay n'avait pas vraiment changé la face du pays.
Mais, ce 5 septembre, quelques jours après l'ouverture du festival, le maire de Rio de Janeiro, Marcelo Crivella, s'est manifesté, dans une vidéo publiée sur le réseau Twitter, pour réclamer un emballage opaque et un avertissement sur Vingadores : A Cruzada Das Crianças, qu'il qualifie de « contenu sexuel pour mineurs ».
Pessoal, precisamos proteger as nossas crianças. Por isso, determinamos que os organizadores da Bienal recolhessem os livros com conteúdos impróprios para menores. Não é correto que elas tenham acesso precoce a assuntos que não estão de acordo com suas idades. pic.twitter.com/sFw82bqmOx
— Marcelo Crivella (@MCrivella) 5 septembre 2019
Un membre du conseil municipal de Rio de Janeiro, Alexandre Isquierdo, avait quelques heures auparavant publié un message sur le réseau Instagram pour dénoncer la présence de ce livre, coupable selon lui de « répandre l'homosexualité chez les enfants ».
La municipalité a visiblement demandé le retrait du livre, et sa disparition des étals du festival Riocentro Bienal do Livro : les organisateurs ont refusé de se plier à l'injonction des politiques, et la disparition des exemplaires de Vingadores : A Cruzada Das Crianças s'expliquerait par leur vente au public, tout simplement. Comme d'habitude, ce genre de polémique aurait surtout permis de faire un peu de publicité au titre.
Une intervention des forces de l'ordre
Le refus des organisateurs a débouché sur une intervention des forces de l'ordre, le 6 septembre, pour procéder à l'examen des livres exposés sur les différents stands. Une démonstration de force, plus qu'une réelle opération, puisque la lecture de l'ensemble des livres proposés dans le cadre de l'événement n'était bien sûr pas envisageable. Des contrôles aléatoires ont donc été mis en œuvre, à la recherche de « scènes inappropriées pour les enfants et les adolescents ».
Les autorités municipales ont évoqué les articles 74 à 80 de la législation concernant la protection de l'enfance, qui stipulent « que les publications montrant des scènes inappropriées pour les enfants ou les adolescents doivent être présentées sous un emballage et marqué d'un avertissement évoquant la nature du contenu ». Si les exemplaires de Vingadores : A Cruzada Das Crianças étaient bien présentés sous plastique, l'absence d'avertissement aurait justifié les opérations de police.
Dans un communiqué, la ville assure que l'opération n'a rien d'un acte homophobe, évidemment : c'est le souci « de la juste information sur ce qui est considéré comme approprié ou inapproprié pour les enfants » qui a motivé une telle mobilisation de moyens...
Le festival, qui était tout de même menacé d'annulation en cas de saisie d'un grand nombre de contenus jugés illicites, a publié un message. Les organisateurs y rappellent que l'événement « donne la parole à tous les publics, sans discrimination, comme une démocratie devrait le faire. C'est un festival pluriel, où tout le monde est convié. »
via UOL, BBC Brasil