AVANT-PARUTION – « Et quant à la congnoissance des faictz de nature, je veulx que tu te y adonne curieusement. » On saisit assez aisément le propos de Gargantua dans cette lettre à son fils Pantagruel. Mais engloutir les cinq livres de François Rabelais à travers cette langue s'apparente à un défi immense. Les éditions Arléa ont ainsi décidé d'en produire une traduction confiée à Claude Pinganaud. Rendre Rabelais en français moderne relève évidemment de la gageure scientifique, linguistique — voire de l’acrobatie littéraire. Pourtant, les cinq romans de l’auteur (Gargantua, Pantagruel, Troisième Livre, Quatrième Livre et Cinquième Livre) sont des délices dont nul ne devrait se passer.
Ce que l’on sait moins, sauf à avoir traîné ses guêtres sur les bancs des universités de Lettres, c’est que la parution des livres s’est effectuée sur près de trente ans : Pantagruel sortit en 1532, et le Cinquième livre fut publié dans une édition posthume en 1564. Le tout sans un seul post Instagram.
Arléa s’est mis à l’œuvre, ajoutant pour le clin d’œil un almanach humoristique des nombreuses prophéties en vigueur au XVIe siècle. La Pantagruéline Prognostication — écrite pronostication dans la future édition — est un délire astrologique dont Rabelais régala le public. Juste pour rire, et surtout pour parodier la mode alors impulsée par l’imprimerie, il prit à rebours la littérature de colportage, reposant sur cette astrologie divinatrice.

Un Rabelais accessible à toutes et tous
Pour l’éditeur, ce travail sur les cinq volumes s’inscrit dans la continuité des deux premiers volumes publiés en français moderne, en 1999. Cependant, il ne s’agissait alors que d’un remaniement de l’orthographe.
Cette fois, tout est traduit : vocabulaire, syntaxe, ponctuation, disposition, avec à l’esprit un respect profond de la grammaire et du texte original.
« Il s’agit donc d’un Rabelais rendu accessible aux non-spécialistes, à tout lecteur diligent, qui permet de comprendre, grâce à l’intelligence du texte, pourquoi cette œuvre a traversé les siècles et s’est répandue dans tous les pays », indique l’éditeur.
C’est aussi l’intention affichée de rendre justice au moine, médecin et écrivain dont on n’a plus aujourd’hui que la notion « rabelaisienne » en tête. Si les libations et autres gaudrioles existent, elles cohabitent dans un texte plus profond : l’érudition devient incontestable — déjà reconnue au demeurant — mais pas seulement.
Ce sont les talents de médecin qui, partout où il exerça, furent reconnus par ses pairs, sa curiosité universelle, sa haine des hypocrites de tout poil, son indépendance envers les autorités, sa foi « évangélique », rebelle aux dogmes, son humour, voire sa gaieté qui s’y retrouvent. Sans oublier les valeurs humanistes profondément inscrites dans les textes — l’amour de l’humanité, sincère et fondamental.
Le texte est en outre accompagné de notes du traducteur, car cette dernière ne saurait suffire pour le lecteur de passage. Des biographies des personnages, des précisions sur les citations qui parsèment les écrits de Rabelais… tout ce qu’il faut pour entrer de plain-pied dans le monde d’un immense écrivain.
En voici d'ailleurs un extrait :
[à paraître 17/10] François Rabelais, trad. Claude Pinganaud – Les cinq livres – Arléa – 9782363082053 – 28 €
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