L'organisation non gouvernementale Bibliothèques sans Frontières (BSF) s'est engagée dans plusieurs causes humanitaires à l'international. Parmi elles, l'accueil et la gestion des réfugiés Rohingya au Bangladesh, en exil de leur pays, la Birmanie, pour fuir la discrimination qui y vise les minorités musulmanes. Une crise migratoire, sanitaire, mais aussi pédagogique et culturelle, que BSF tente de limiter.

En mars 2018, le nombre de réfugiés Rohingya au Bangladesh était évalué à 880.000 personnes : autant dire que les infrastructures d'accueil locales, des camps de réfugiés aux écoles et centres communautaires, ont rapidement atteint le point de saturation. L'aide internationale a permis la mise en place de nouveaux centres d'accueil, avec l'intervention, notamment, de Bibliothèques Sans Frontières, du Danish Refugee Council (DRC) et de Première Urgence Internationale (PUI).
Si l'accès à l'information et à la culture est rapidement devenu un des objectifs principaux de cette aide, les trois organisations ont décidé de procéder à une étude auprès des populations réfugiées pour mieux cerner les besoins. Cette dernière s'appuie sur des résultats antérieurs, des entretiens ou encore des ateliers.
« [L]es réfugiés vivant dans la zone du Cox’s Bazar [ville du sud-est du Bangladesh] ont un accès très limité à l’information que ce soit à propos de ce qui se passe dans le camp, de la situation en Birmanie ou dans le monde », note Anna Soravito, auteure du rapport. En raison d'accès limités à internet, à la télévision et à la radio, mais aussi à l'impossibilité d'acheter une carte SIM locale, les populations sont coupées de l'information.
Ainsi, 77 % se déclarent inaptes à prendre les bonnes décisions, en l'absence d'éléments sur la situation géopolitique. Dans la plupart des cas, ce sont les chefs communautaires, les Mahjis, qui fournissent l'information.
Pire encore, 62 % expliquent tout simplement qu'elles ne peuvent pas communiquer avec les acteurs humanitaires présents sur place. Pour y remédier, BBC Media Action, Internews et Traducteurs Sans Frontières s'efforcent de rapprocher les différentes communautés de réfugiés, pour faciliter la transmission des informations.
Des inégalités très fortes perdurent aussi au sein des communautés, au désavantage des femmes et des jeunes femmes : « Par exemple, 42 % des réfugiés participants aux groupes de discussion ont déclaré avoir un téléphone, mais c'est le cas pour 74 % des hommes et seulement 20 % des femmes. »
« Cette différence est aussi très visible lorsque l’on demande aux gens s’ils savent lire et écrire. Parmi les réfugiés, 25 % des participants le déclarent, mais ce sont seulement 11 % des femmes et 9 % des adolescentes », note le rapport, qui recommande la mise en place de programmes spécifiques pour les femmes. À ce sujet, la prudence est de mise dans le choix des contenus éducatifs, puisque les femmes y ont un accès restreint en raison de croyances religieuses.
Dans leur pays, la Birmanie, comme au Bangladesh, les réfugiés rohingya n'ont pas accès à l'éducation : les deux gouvernements leur refusent. Quelques solutions, en anglais, en birman ou en langage rohingya oral, ont été mises en place, mais ce sont 625.000 enfants et jeunes de 3 à 24 ans qui n'ont pas accès à l'éducation. À partir d'un certain âge, ces derniers sont exposés aux trafics, à l’abus de drogues, au mariage précoce, ou encore au travail forcé. 20 % des populations réfugiées auraient entre 15 et 24 ans.
« Parmi les réfugiés analphabètes, la majorité a déclaré qu'elle aimerait apprendre à lire et écrire en birman, bangla ou anglais », indique le rapport : les réfugiés qui souhaitent retourner en Birmanie préféreraient apprendre en birman, et ceux qui souhaitent s'installer au Bangladesh en bangla, mais la majorité d'entre eux préfère l'anglais. Une partie des réfugiés écrit en rohingya, mais la majeure partie d'entre eux ignore jusqu'à l'existence de textes dans cette écriture, puisqu'ils sont interdits au sein du système éducatif birman.
Éducation et pédagogie pourraient renforcer la création d'espaces communautaires, note encore le rapport, qui manquent considérablement dans les camps, essentiellement pour des raisons d'espace. Pourtant, de nombreux réfugiés témoignent de leur ennui au quotidien, et de l'impossibilité de mener des activités collectives comme le jeu de société, le sport, la cuisine ou la musique. Un besoin crucial, d'autant plus que, rappelons-le, les temps de résidence dans les camps de réfugiés peuvent atteindre plusieurs années, voire dizaines d'années.
Pour répondre à ces différentes urgences, Bibliothèques sans Frontières annonce son intention de déployer des Ideas Box, ses médiathèques mobiles, dans les camps de réfugiés au cours du quatrième trimestre 2018.
Le rapport complet est disponible à cette adresse ou ci-dessous.
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