#RAPPORTRACINE – Le rapport Bruno Racine traite de nombreux sujets cruciaux. D’abord le statut professionnel des artistes-auteurs. Ensuite, la représentativité et la défense collective. Enfin, l’AA individuel dans la société. Trois grands axes riches en analyses poussées et en propositions très concrètes et novatrices pour améliorer les conditions de création. Pour « conforter l’artiste-auteur individuellement », le nerf de cette guerre reste l’argent et l’information, deux ressources qui font cruellement défaut.

Oscar Wilde - photo d'illustration
Ainsi, les aides publiques doivent « comporter une part plus importante » attribuée aux auteurs. Dans le cadre des aides du CNL, pour exemple, ces derniers perçoivent 11,6 %, contre 22,2 % pour les éditeurs et 21,4 % pour les structures d’accompagnement du livre.
Recommandation n° 12 : Accroître par redéploiement la part des aides accordées aux artistes-auteurs dans l’ensemble des aides publiques allouées à la création et la diffusion.
En revanche, l’idée de taxes nouvelles est écartée comme loin d’être « la piste la plus prometteuse ». Qu’il s’agisse de ponctionner le domaine public, suivant l’hypothèse de Victor Hugo, avec une hausse significative de ces œuvres, ou encore d’instaurer un droit de suite pour l’occasion, « juridiquement incertain » selon Bruno Racine.
Recommandation n° 13 : Préciser l’article L. 324-17 du CPI en prévoyant une part minimum des crédits d’action artistique culturelle devant être employée par les OGC à des aides directes aux auteurs.
L'action culturelle redirigée
Le rapport pointe un vrai problème : au nom du droit d’auteur, des millions d’euros sont générés chaque année au nom de l’action culturelle, mais quelle partie revient directement aux artistes-auteurs ? Très peu, l’action culturelle profitant très souvent directement aux diffuseurs des œuvres. Pour rééquilibrer cette injustice, la mission préconise donc de prévoir une part minimum qui irait directement aux artistes-auteurs eux-mêmes.
Au sujet des carences d’information, le rapport pointe également le chaos administratif actuel. Un artiste-auteur, peu importe son métier, qui démarre son activité, n’a aucun repère pour son parcours professionnel. La multiplicité des organismes et les problèmes de contradictions entre les textes de loi rendent l’appréhension du statut dans l’ensemble illisible.
Un portail au sein de l’instance nationale de représentation pourrait regrouper les informations nécessaires. Un véritable centre de ressources qui permettrait de recouper toutes les informations sur le régime social, fiscal et juridique de l’artiste-auteur ? De même, les organismes de sécurité sociale devraient disposer d’une personne-ressource à même d’accompagner et répondre aux demandes. (Recommandations n° 14 et 15)
Faire de l'État un modèle
Plus épatant encore : l’exemplarité est demandée à l’État. Les administrations publiques œuvreraient alors à ce que le soutien aux artistes-auteurs soit « une action prioritaire ». Ce qui implique également de traiter la rémunération dans le cadre de salons et festivals. Une telle préconisation invite à complètement repenser le modèle actuel, puisqu’aujourd’hui les pouvoirs publics sont loin d’être exemplaires.
La bourde du concours Année BD 2020 illustre bien le problème de cadres de bonnes pratiques professionnelles pour l’ensemble des créateurs. Ne parlons pas des nombreux manquements des festivals subventionnés par le CNL, qui ont tenté de contourner les règles... Peut-on imaginer une sorte de guide des règles obligatoires et minimums de rémunération pour l’ensemble des artistes-auteurs, qui serait une condition d’attribution de toute subvention d’État ?
« L’État, les collectivités et les institutions publiques qui versent des aides et des subventions à des acteurs de l’aval (organisateurs de festivals, expositions temporaires ou autres manifestations culturelles, diffuseurs…) doivent en outre exiger que les bénéficiaires réservent un traitement favorable aux auteurs », indique le rapport.
Non plus simplement conditionner les aides à la rémunération, mais en faire un critère d’implication. Selon le rapport, le cas considéré comme particulier des signatures en librairies serait exclu, puisque découlant d’une relation privilégiée « dont la spécificité doit être préservée ». Les Recommandations n° 16 et 18 vont dans ce sens.
Rémunérer les auteurs en salon... mais pas tous
La 17 pose en revanche à la fois une victoire pour les auteurs du livre, mais question pour une partie d’entre eux : « Instaurer de manière partenariale avec le CNL et la SOFIA une rémunération des auteurs de bande dessinée et littérature jeunesse, dans le cadre de leur participation à des salons et festivals. » Pourquoi les auteurs de littérature générale sont-ils exclus du dispositif ?
On voit ici les résultats des longues mobilisations du SNAC BD et de la Charte des auteurs et illustrateurs sur le sujet. Mais qu’a donc fait la SGDL dans le cadre des auditions menées par la commission chargée de ce rapport ? Et plus encore, quel poids politique peut encore avoir l’organisation, si les auteurs jeunesse et BD défendus sont parvenus à obtenir ce qui échappe aux romanciers, par exemple ?
Autre point : si l’État doit être exemplaire, c’est aussi dans la perspective d’« identifier les facteurs d’inégalités parmi les artistes-auteurs, notamment selon l’origine sociale, géographique ou le sexe, et mettre en place des mesures adaptées pour en neutraliser les effets ». (Recommandation n° 19).
Sans cette perspective, seule une élite serait à même de créer, résumerait-on sans peine… un enjeu de diversité sociale qui n’avait jamais été aussi franchement mis sur la table.
Les dés sont jetés, il suffit de dérouler
Les Recommandations n° 20 à 23 balayent des champs plus extérieurs au monde du livre, mais envisagent tout de même de renforcer et multiplier les programmes d’échanges internationaux ou encore, de pouvoir organiser une manifestation ou un cycle d’expositions d’ampleur nationale autour de la création contemporaine en France visant notamment à montrer sa vitalité et sa diversité territoriale.
En résumé, le rapport propose donc des solutions concrètes pour des informations enfin centralisées pour les artistes-auteurs, un nouveau fléchage de l’argent pour des aides leur revenant directement et sans intermédiaire, mais aussi l’entrée en vigueur des cadres beaucoup plus fermes pour leur garantir des conditions de création et d’exercice de leurs métiers lorsque l’Etat est impliqué.
Beaucoup de mesures très vertueuses. À quand une mise en application ?
L'intégralité du rapport est à consulter et/ ou télécharger ci-dessous :
Commentaires
AAAAA (rien à voir avec l'andouillette, plutôt Artiste Auteur Authentique Actuellement Anonyme), le 23/01/2020 à 08:46:46
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Kerec, le 23/01/2020 à 10:01:56
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Aurore, le 23/01/2020 à 11:59:59
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Gally, le 23/01/2020 à 12:28:03
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Pasglop, le 23/01/2020 à 12:55:26
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Kerec, le 23/01/2020 à 14:22:05
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AAAAAA, le 23/01/2020 à 15:04:56
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Raphaël, le 23/01/2020 à 16:42:55
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AAAAA, le 23/01/2020 à 17:38:16
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Raphaël, le 28/01/2020 à 15:30:43
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jacko, le 24/01/2020 à 09:56:00
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AAAAA, le 24/01/2020 à 15:11:31
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jacko, le 24/01/2020 à 21:48:53
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