Voici une solution anti-déprime qui nous vient d’outre-Atlantique : le Dr Serge Marquis, considérant la morosité ambiante, a décidé de tordre le cou à un hamster. Et son idée est intéressante. Non que l’on puisse encourager les violences physiques contre les animaux, mais Pensouillard, le hamster qui lui sert de métaphore est une plaie. Il passe son temps à nous polluer l’esprit avec des pensées parasites. On est foutu, on pense trop ! Trop ? Pas vraiment, mais on se laisse envahir par l’infernal brouhaha qui vient des sombres pensées du nuisible. Pensouillard bien sûr, c’est notre ego.
Rimbaud nous avait tous envoyés au diable, avec nos ego respectifs : « Je est un autre ? » Certes, mais « Je » est surtout un casse-bonbon dont l’appétit est insatiable. Cet égocentrisme fatidique – comment vivre sans en référer à ce « Je » ? – engendre une morosité constante. Parce que « Je » a besoin d’être au centre du monde, « Je » se met en position de souffrance permanente, et espère bien qu’on le plaigne. Si « Je » souffre, alors « Je » mérite la compassion, l’attention et l’affection nécessaires. D’accord, mais si « Je » n’obtient rien de tout cela ?
Parce que Pensouillard est clairement un emmerdeur, le Dr Serge Marquis l’incarne avec cette image frappante d’un hamster tournant en rond dans sa cage. Il a l’impression d’avancer, mais, en réalité, il fait du surplace, constamment. Pensouillard le Hamster ignore son sort, mais nous pourrit l’esprit, parce qu’il est justement incapable de quitter sa roue, prendre sa canne et son chapeau, et s’en aller voir plus loin s’il est à même de s’ouvrir aux autres.
Encore qu’un véritable hamster, quand il s’est bien épuisé etcrevé sur sa roue, sait s’arrêter : notre Pensouillard à nous, lui ne cesse jamais.
Tout est motif à devenir souffreteux, et n’avoir de son existence qu’une vision triste, autoalimentée par la constante volonté de Pensouillard d’être au centre du monde. En somme, le « Je pense donc je suis » se change en « Je me plains donc je suis ». Et plus « Je » se plaint, plus il a le sentiment d’exister ; en fait, il se contente de prendre de la place, de plus en plus. Mais que faire ?
Déjà, arrêter de se poser la question, et savoir réfréner Pensouillard, quand il s’agite. C’est ce que le Dr Serge Marquis a baptisé « la décroissance personnelle », et que les Grecs nommaient Tempérance, ou sôphrosune. En clair, trouver un mode de pensée où le vilain trublion nous lâche la grappe. Ce qui ne va pas de soi, bien entendu : Pensouillard non seulement est inépuisable, mais surtout, obstiné. Et il accapare la moindre seconde d’attention : le remettre à sa place, et faire qu’il n’en sorte pas, est un travail de longue haleine.
Dans ce petit livre, la pensée négative est ainsi théorisée une nouvelle fois, mais avec un humour inédit. Les formules magiques que déploie le Dr Serge Marquis ont le don de parler à un public contemporain – à renfort de formules et d’exemples fort à propos.
D’ailleurs, dans sa théorie, tout est question d’attention et de moment opportun : si notre Pensouillard personnel mobilise cette capacité, alors il nous prive par là même d’un confort de vie. Tout est affaire de contrôle, exercé sur sa propre existence : celle que le Dr Serge Marquis propose d’exercer n’est certainement pas la plus désagréable ni la plus douloureuse. En fait, il nous offre de mettre fin au Ruban de Möbius qui place dans un cercle vicieux, mais surtout inextricable.
Dans l’idée cette courroie n’aurait qu’un seul côté, un peu comme Pensouillard n’aurait qu’une seule fonction. Apprendre à apprivoiser la bête ne supprime pas le sens critique : il laisse au contraire la place à d’autres sentiments pour s’exprimer, et permet de garder l’attention sur des choses plus essentielles. Parce qu’en réalité, il n’existe que cela...
Spécialiste en santé communautaire et consultant dans le domaine de la santé mentale au travail, le Dr Serge Marquis donne plus de 150 conférences par an. Il a créé sa propre entreprise de consultation, T.O.R.T.U.E (Organisation pour Réduire les Tensions et l’Usure dans les Entreprises). Ce sont ses patients qui lui ont demandé d’écrire ce livre.
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