C'est dans l'hilarité la plus générale que l'industrie du livre ouvrira aujourd'hui le Canard enchaîné. Parce qu'à l'occasion du Conseil des ministres du 14 décembre, le président de la République s'est fendu d'une liste de conseils... de lecture à l'attention de son équipe.
Le 21/12/2011 à 09:02 par Clément Solym
Publié le :
21/12/2011 à 09:02
On sait pourtant bien ce que le plan de rigueur Fillon II réserve aux librairies, aux éditeurs, aux auteurs, avec l'augmentation de la TVA à taux réduit, qui pour le livre est de 5,5 % et passerait, passera, passerait pas ?, à 7 %...
Mais voilà, Sarko n'a peur de rien, et même, ose tout, comme aurait pu dire Audiard, c'est même à ça qu'on le reconnaît. Donc Sarko se pointe et tout de go, déballe à ses ministres : « J'espère que tout le monde a lu Le soldat oublié. C'est mieux, pour la compréhension des choses, de la dureté de la guerre, que toutes les explications du moment. »
De quoi assurément vexer son nouveau meilleur ami BHL, qui s'est fendu d'un ouvrage, La guerre sans l'aimer, où le philosophe germanopratin se targue d'avoir aidé ledit Sarko à gagner la guerre en Libye, du haut de son expérience.
Mais on n'est pas à ça près.
Le Soldat oublié, de Guy Sajer, est paru chez Robert Laffont en 1967. Mais où diable Carla Bruni se fournit-elle, elle qui alimente tant et tant son époux en lectures, alors que même l'éditeur n'en fait plus état ?
Guy Sajer n'a pas dix-sept ans quand, en juillet 1942, il endosse l'uniforme de la Wehrmacht. Il est français par son père, allemand par sa mère ; il habite alors l'Alsace. À cause de son jeune âge, il n'est pas affecté à une unité combattante, mais dans le train des équipages. Dès novembre, l'hiver s'abat sur la plaine russe ; le froid, la neige, les partisans rendent la progression des convois extrêmement difficile : jamais l'unité de Sajer n'atteindra Stalingrad qu'elle devait ravitailler ; la VIe Armée aura capitulé avant.
Mais Sajer sait déjà que la guerre n'est pas une partie de plaisir, que survivre dans l'hiver russe est déjà un combat. Et pourtant, ce premier hiver, il n'a pas vraiment fait la guerre. La vraie guerre, celle du combattant de première ligne, il la découvre lorsqu'il est versé dans la division " Gross Deutschland ", division d'élite, avec laquelle, à partir de l'été 1943, il va se trouver engagé dans les plus grandes batailles du front d'Ukraine, quand la Wehrmacht plie sous l'offensive russe.
Du lourd, donc, du très lourd, qui résonne avec le projet de loi à l'ordre du jour du Conseil des sinistres, Commémoration de tous les morts pour la France. On est donc raccord sur le sujet choisi par le livre.
« ça commence à bien faire »
Mais voilà : Sarkozy commence à les briser menu, menu à ses ministres, avec ses conseils de lecture. D'autant plus, note l'un d'eux, que non seulement, « ça commence à bien faire », mais surtout, les ministres se passeraient bien de contrevérités lâchées à tous les vents.
Ainsi, la semaine passée, Sarko recommandait la lecture de Limonov, le prix Renaudot qu'a obtenu P.O.L. et accessoirement Emmanuel Carrère. Commentaire présidentiel : « Je vous le conseille, pour comprendre la Russie. Il ne faut pas oublier que ce pays, c'est 46 fois la France, deux fois et demie les Etats-Unis. »
Oui, du temps où la Russie s'appelait l'URSS, peut-être que ces estimations géographiques étaient justes. Mais entre temps, quelque chose a changé dans le pays. Ainsi, commente le même ministre, toujours cité par le Canard : « Comme si on avait besoin de ses fiches de lectures ! On a vraiment l'impression d'être des analphabètes et des incultes. »
Qu'il se rassure : c'est justement le stade anal (fait bête) que Sarko aimerait dépasser...
Mais outre les sarcasmes, ce que l'on peut avant tout déplorer, c'est qu'outre-Atlantique, dès que Barack Obama entre dans une librairie et en sort avec un livre, c'est l'Amérique tout entière qui se rue... bon, sur Amazon, pour acheter l'ouvrage en question. Faisant de Barack le président le plus prescripteur en matière de livre qui n'ait jamais foulé la terre américaine. En revanche, on en est bien loin avec Nicolas...
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