ENTRETIEN - Fondatrice de la librairie Vivement dimanche à Lyon, mais aussi vice-présidente du Syndicat de la librairie française, Maya Flandin est à l'origine de l'opération « Donnez à Lire ». Créée il y a 4 ans en collaboration avec le Secours populaire, cette initiative encourage les clients à acheter un ouvrage supplémentaire qui sera offert à des enfants et adolescents.
Maya Flandin : Cela faisait déjà longtemps que j’étais en contact avec le Secours populaire. Il m’achetait des livres pour le « Père Noël vert » une opération mise en place pour offrir des cadeaux à Noël aux enfants qui n’en ont pas, cela se fait souvent dans pas mal de comités locaux. Notre comité s’intéressait beaucoup aux livres, c’est comme cela qu’on est d’abord entré en contact.
Un été, j’ai eu vent de leur opération « les oubliés des vacances » qui permet aux enfants qui n’ont pas la chance de partir en vacances de bénéficier d’une journée à la mer. À ce moment-là, je me suis dit que ce serait génial qu’il ait un livre pour partir. Au début, j’ai lancé l’opération uniquement dans ma librairie avec le comité du quartier. Ça avait bien fonctionné : on avait fait une affichette, c’était très « artisanal ».
L’intérêt de cette collaboration étroite avec le comité local, c’est qu’ils connaissent les enfants, ils nous indiquent leur âge, et le nombre d’enfants, des informations précieuses pour orienter les dons de nos clients. Ça se déroulait très bien, il s’est vraiment passé quelque chose de touchant, d’efficace, même dans la transmission : ça avait du sens. Les clients nous demandaient des conseils, ils venaient souvent avec leurs enfants et choisissaient des livres qui leur plaisaient.
J’en ai ensuite parlé lors d’une réunion en tant que vice-présidente du Syndicat de la librairie française et cela a pris plus d’ampleur.
Maya Flandin : Peut-être parfois les clients, mais ça s’arrange vite. Par exemple, certains viennent rapporter leurs livres d’occasion en guise de dons. Pour moi, le sens de cette action c’est que ces enfants, qui récupèrent des vêtements de seconde main, qui utilisent des fournitures d’occasion toute l’année, aient un livre neuf.
Du côté des libraires, il faut qu’ils se sentent capables de porter une telle opération parce qu’il y a quand même du travail derrière. Si on met une petite affiche dans la boutique, les clients ne la verront pas, et ça ne marchera pas. Il est aussi très rare que de toutes nouvelles librairies y participent, elles n’ont pas encore de véritables liens avec le comité local. Elles peuvent être aussi dubitatives du fait que leur clientèle se sent agressée. Mais il faut savoir qu’on ne saute pas sur les clients dès qu’ils rentrent dans nos magasins, on fait passer l’information par la newsletter, par les réseaux sociaux ou avec le bouche à l’oreille.
Et puis toutes réticences s’évaporent lorsqu’on est en contact avec les enfants, l’opération prend alors tout son sens. Dans certaines librairies, ce sont même parfois les enfants qui viennent récupérer les livres. Chaque libraire se met d’accord avec son comité local, pour nous, c’est le secours populaire.
Maya Flandin : Au départ, ces dates nous convenaient pour notre librairie isolée. L’été est une belle période, les clients se font plaisir. Ils sont peut-être un peu moins disponibles, mais se montrent prêts à participer quand même. Mais en interrogeant les libraires, ce n’était pas le cas pour tout le monde. On a proposé plusieurs périodes et ce sont ces dates qui convenaient le mieux. Il faut prendre en compte que c’est aujourd’hui une opération collective. Cela permet aussi à certains clients de faire des dons pour le Père Noël vert pendant l’opération, à l’approche des fêtes.
Comment a évolué la manifestation en quatre années, et quel bilan en tirez-vous ?
Maya Flandin : Les premières années, je recevais beaucoup d’appels d’autres libraires qui me disaient que pour eux l’opération ne marchait pas du tout. On a beaucoup échangé et aujourd’hui on s’entraide tous un peu. Des fois, il ne suffit pas de grand-chose, une boîte qui saute aux yeux des clients par exemple. D’autres libraires ont trouvé comment faire. Certains font des appels le samedi au moment où il y a beaucoup de clients dans les rayons jeunesse, et c’est ce qui fonctionne le mieux pour eux.
Pour l’instant on a peu de moyens, mais pour une telle opération, je pense qu’il ne faut pas dépenser beaucoup. L’idéal ce serait de faire une boîte qui puisse être là toute l’année comme le fait Amélie Raud de La Courte Échelle, une librairie rennaise. Chaque année on compte environ 3500 livres collectés et 200 librairies participantes. Cette année, on devrait avoir encore plus de participants, ne serait-ce que dans ma région. C’est intéressant de voir aussi qu’aujourd’hui, des bénévoles du Secours populaire démarchent eux-mêmes directement dans les librairies.
Enfin, je dirais que ce qui a le plus évolué, ce sont les animations faites en librairies autour de l’opération « Donnez à lire ». On a vraiment évolué dans ce qu'on propose aux enfants. La première année nous n’avons rien fait de spécial. La deuxième année, on avait organisé un après-midi goûter et lecture avec les enfants et les parents. Aujourd’hui cela a pris plus d’ampleur. Les librairies participantes organisent des après-midi contes, des événements au moment où les enfants viennent chercher les livres, des sorties à la bibliothèque du quartier ou encore des ateliers lectures.
©Jean-Marie Rayapen/SPF
Maya Flandin : Depuis deux ans, les enfants reviennent nous voir avec leur livre préféré parmi les 2 ou 3 donnés et on échange autour de leur livre. L’opération concerne également les adolescents, et ces rencontres sont très enrichissantes puisqu’ils viennent aussi nous parler des livres. Cela fonctionne avec eux aussi bien qu’avec les tout jeunes, ils sont ravis.
On a vraiment évolué dans les relations qu’on entretient avec ces enfants, on en suit certains depuis plusieurs années. Pour certains, on leur garde même des places pour les animations payantes que l’on organise. C’est cela qui est intéressant, les enfants ont non seulement eu des livres, mais aussi un contact avec le monde littéraire, avec une librairie. Tout ce qu’on peut espérer c’est qu’un jour ils puissent s’acheter un livre, sans avoir peur de rentrer dans une librairie.
Cette opération apporte beaucoup. Je suis vraiment partie de cette histoire qu’on entend tout le temps « les enfants ne lisent plus », on ne sait même pas à quoi on se réfère pour dire ça. Y’aurait-il eu un âge d’or où tous les enfants lisaient ? On se plaint, mais on ne se préoccupe pas de savoir s’ils ont un livre. J’ai remarqué lors de plusieurs animations organisées avec les écoles que les enfants vont toujours vers les livres.
Avant de se plaindre, il faut donc déjà les nourrir en livres et leur donner cette possibilité d’apprendre du vocabulaire, de développer leur imaginaire. L’apport de la lecture est essentiel, c’est dommage que certains n’en bénéficient pas.
Maya Flandin : Je trouve la rentrée intéressante parce qu’il n’y a pas d’auteurs qui écrasent véritablement les autres. C’est agréable pour les libraires parce qu’on peut mettre en avant nos coups de cœur, nos conseils. J’ai le sentiment qu’on est de plus en plus prescripteurs, et c’est agréable. Je ressens de la part de nos clients ce besoin de nous solliciter même s’ils ont lu des choses sur internet avant.
Acheter un ouvrage de la rentrée c’est quand même un investissement, ils ont besoin d’être sûrs d’eux. Parmi les livres dont on parle pas mal, j’ai beaucoup aimé Cécile Coulon, et parmi ceux dont on parle un peu moins, Les silences sauvages de Karine Serres, qui raconte trois portraits de femmes qui réussissent à sortir la tête de l’eau grâce à leur côté sauvage.
1 Commentaire
veracruz
06/10/2019 à 08:32
Article intéressant, il aurait fallu citer l'association d'Alexandre Jardin " Lire et faire Lire". La journaliste qui a écrit l'article pourrait se relire, la transcription est dans un mauvais style, il y a des coquilles et des fautes.