Quelle liberté pour les éditeurs de textes, en 2020 ? Bien entendu, la situation diffère selon les pays et les régimes politiques, mais l'Union internationale des éditeurs (IPA, International Publishers Association) propose dans un rapport un état des lieux de la situation. Si la censure reste majoritairement l'apanage des gouvernements autoritaires, les usages, sur les réseaux sociaux, font émerger une forme d'autocensure.
Coutumière du sujet, l'Union internationale des éditeurs a bâti un rapport sur les menaces envers la liberté de publier, dans le monde entier, en se basant sur ses propres recherches et celles de différentes organisations non gouvernementales. L'objectif premier étant la définition des lois, organismes gouvernementaux ou groupes de pression qui peuvent aller à l'encontre de la liberté des éditeurs de publier sur tous les sujets souhaités, dans le cadre de la loi.
Un questionnaire a été transmis aux différents membres de l'Union internationale des éditeurs, pour obtenir des éléments sur la situation dans un maximum de pays du monde. « Toutefois, un certain nombre de pays n'a pas participé, possiblement les pays où les violations de la liberté de publication sont les plus importantes », signale l'organisation.
Aussi, les données relevées par le PEN International, Reporters sans Frontières et d'autres organisations dont l'action porte sur la liberté d'expression ont été utilisées. Elles établissent un rapport sur la situation dans un certain nombre de pays, de l'Argentine à l'Italie, de la Grèce aux États-Unis, en passant par les Émirats arabes unis et la Suède.
Censure gouvernementale et pression sociale
D'après les relevés de l'IPA et d'autres organisations, les principales violations de la liberté de publier restent le fait des gouvernements. La censure en est la forme la plus « simple », mais des lois sur la diffamation ou l'outrage peuvent aussi être utilisées – ainsi que la pression économique ou physique, l'instauration d'un monopole étatique dans le secteur scolaire, et enfin l'interdiction d'un ouvrage paru.
De nouvelles violations de la liberté de publier émergent, à la faveur des progrès technologiques, indique toutefois l'IPA. La pression des utilisateurs des réseaux sociaux, et le harcèlement qui peut en découler, ainsi que la surveillance numérique des gouvernements, ont des conséquences graves pour la liberté de publier. Par ailleurs, une forme d'autocensure peut amener les éditeurs à renoncer à des ouvrages sur certains sujets.
Sur ce dernier point, des thèmes relatifs à la politique, à la religion ou à la sexualité sont particulièrement sensibles, note l'IPA.
Pour résister et alerter sur les velléités de censure, l'IPA invite à mettre en place des actions de sensibilisation des lecteurs et du public. Il s'agit par exemple d'informer sur la censure locale de certains livres, de rappeler celle d'ouvrages, par le passé, des régimes totalitaires, ou encore de refuser la censure de livres au sein des bibliothèques, publiques ou scolaires. Enfin, la censure numérique, opérée par les sélections d'Apple, d'Amazon et d'autres plateformes, doit aussi être pointée du doigt.
Chine, Russie et Turquie en ligne de mire
Si la censure et les violations de la liberté de publier se trouvent dans de nombreux pays, l'Union internationale des éditeurs a identifié quelques territoires où elle est plus fragile que d'autres. Le Bangladesh, la Chine, la Turquie, le Vietnam et l'Égypte sont des pays où un éditeur risque sa liberté, et parfois sa vie, lorsqu'il diffuse certains livres. L'arrestation de Pham Doan Trang, au Vietnam, l'a encore récemment prouvé...
En Russie, en Thaïlande ou en Corée du Sud, l'interdiction d'évoquer des sujets précis est ou a pu être inscrite dans la loi, conduisant de fait les éditeurs à s'autocensurer. Le corps, la sexualité, les extrémismes religieux ou politiques, sans tomber sous le coup de la loi, peuvent aussi être difficiles à aborder dans certains pays, notamment l'Allemagne, la France, le Mexique ou les États-Unis.
En France, l'IPA cite ainsi le cas de l'auteure Cy, dont le livre Le Vrai sexe de la vraie vie (éditions Lapin) avait été censuré par Amazon, qui signalait des éléments « pornographiques » dans cette bande dessinée...
En Islande, Hongrie et dans les Émirats arabes unis, l'IPA s'inquiète enfin d'un contrôle gouvernemental trop important sur les publications scolaires, débouchant sur une décision unilatérale quant à « ce qui doit être lu, et vu, pour donner une idée du passé ».
Le rapport réserve aussi une place spéciale aux États-Unis, s'inquiétant des initiatives du gouvernement et notamment du ministère de la Justice pour intimider ou censurer des éditeurs d'ouvrages sur Donald Trump ou son entourage... D'autres études sur le sujet devraient être produites par l'IPA à l'avenir, pour évoquer la diffamation, notamment. Par ailleurs, la crise Covid laisse craindre que les lois d'exception mises en place à cette occasion « soient utilisées pour restreindre un peu plus la liberté de publier », dans certains pays...
Le rapport complet est disponible à cette adresse.
Photographie : illustration, ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Commentaires
Zeeen, le 22/11/2020 à 20:13:49
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Censure, le 23/10/2020 à 08:37:07
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JB, le 23/10/2020 à 17:00:59
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Censure, le 24/10/2020 à 08:05:25
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