Portrait d'une vieille institution "régionaliste" du monde éditorial, fondée depuis plus de 300 ans dans le Béarn.François Saget est le tenant de la maison Marrimpouey, à Pau. Cette vieille institution sait aujourd'hui se faire valoir sur les Salons nationaux et dans la grande région du Sud-Ouest. Elle est implantée dans le sol béarnais depuis plus de 300 ans, fondée en 1689 par la famille Dupoux, reprise par Mr. Vignancourt en 1760, par Mr Marrimpouey officiellement après la Seconde Guerre mondiale, et depuis 1987 par François Saget. Venu par hasard à ce métier, il multiplie aujourd'hui les tâches de libraire, d'éditeur, de diffuseur, de distributeur et parfois d'auteur.
Une structure éditoriale rare de nos jours : imprimerie, édition et librairie liés
Ce ne fut pas un choix pour François Saget de cumuler l'imprimerie, la librairie et l'édition puisqu'il s'agit d'une structure d'origine. À sa création en 1689, la maison Marrimpouey est une imprimerie. À l'époque, la famille est rapidement devenue éditeur et libraire. Cette maison a toujours couvert l'ensemble de ces trois fonctions et c'est une volonté de la part de François Saget de continuer ce système : « À ceci près que l'imprimerie ce n'est pas moi qui m'en occupe. Il y a des limites aux capacités quand même », remarque François Saget.
« Autrement, on est une des rares structures qui encore aujourd'hui fait toute la chaîne éditoriale, la plupart ayant abandonné leur imprimerie il y a dix ou vingt ans. », ajoute l'éditeur-libaire.
L'abandon des imprimeries par les maisons d'édition et les libraires n'est pas simplement une question de coût. Il est lié au fonctionnement différent qu'engendre l'une ou l'autre des structures. Soit on possède plusieurs structures juridiques sous plusieurs chapeaux, comme la maison Marrimpouey, soit le gérant finit par n'en garder qu'une et soustrait les autres.
« Depuis l'informatique, il n'y a plus besoin d'être nécessairement et imprimeur et éditeur et libraire. Aujourd'hui, les imprimeurs sont majoritairement devenus des « tireurs » de papier, sans être péjoratif avec cette formule. J'entends par là qu'avant ils avaient une fonction différente en choisissant la forme des caractères et en créant de toutes pièces le livre. »
Désormais, cette tâche, à savoir la conception et la création du livre, revient plus à l'éditeur et à ses maquettistes-graphistes qu'à l'imprimeur. L'informatique a permis une dissociation plus évidente des corps de métiers en même qu'elle favorise une gestion plus personnelle : « C'est possible de nos jours d'être éditeur dans une pièce d'appartement, ce qui avant ne pouvait être envisageable », note François Saget.
Le respect d'une institution ancienne
François Saget a tenu à garder liées les différentes entités qui composaient la maison Marrimpouey. « Ce n'est pas moi qui allais les séparer », annonce-t-il avec fierté. « C'est l'histoire de la maison, on a une image on est connu pour ce qu'on fait, donc je ne tiens pas à la changer. Et puis on ne fait bien que ce qu'on connaît, et la région des Pays de l'Adour c'est ce qui me passionne ».
François Saget fait donc ce que la maison a toujours fait, c'est-à-dire du régional. « Le régional, c'est-à-dire ce qu'on appelle ici les Pays de l'Adour, en gros les quatre départements du bas du Sud-Ouest et même presque cinq puisque dans l'un des départements on en a deux : le Béarn et le Pays Basque. L'une des particularités de la maison est d'être aussi spécialisée dans la culture de la Langue d'oc. »
D'autres éditeurs régionalistes existent aujourd'hui et la maison Marrimpouey doit prendre en compte ces changements. Autrefois, il y a encore une trentaine d'années, seule la maison Marrimpouey couvrait la région. « Aujourd'hui, on axe plus sur le Béarn et la langue d'oc. Au XIXe siècle, cette maison a dû publier trois livres sur quatre qui concernaient la région. On perdure toujours, heureusement ».
« En tant qu'éditeur je mets mon nez dans les livres. C'est ma conception. »
« Parmi toutes ces casquettes, ce qui est le plus intéressant pour moi, c'est l'édition parce que l'on crée vraiment quelque chose. Pour la librairie, je n'ai pas l'âme du commerçant et je préfère le rapport aux gens. Je ne vais pas chercher à refourguer un bouquin qu'ils ne veulent pas. Je n'essaie pas de substituer. Au bout de trente ans, j'ai fait quand même le tour de ces métiers et vraiment je préfère les discussions culturelles avec les gens qui viennent acheter, et la création éditoriale », explique François Saget.
Le travail d'éditeur consiste donc, une fois la politique éditoriale choisie et un axe de catalogue préétabli, à évaluer et à prendre sous son aile des manuscrits que la maison souhaite porter à la publication. L'éditeur a un rôle à jouer dans le processus d'élaboration du livre, et c'est bien là l'une des conceptions phare du métier tel que le conçoit François Saget : « Il faut travailler avec les auteurs pour éviter les erreurs historiques et de contexte régional. Je ne fais pas une confiance aveugle aux auteurs, je pars du principe qu'ils peuvent se tromper comme tout le monde et qu'il est de la responsabilité de l'éditeur d'éliminer les fautes qu'il trouve. Malheureusement, c'est un travail de plus en plus ignoré que de prendre les choses en main et de mettre son nez dedans. Beaucoup d'éditeurs prennent la forme informatique qu'on leur a donnée et ne se confient qu'à elle ».
Outre la correction orthographique et typographique, l'éditeur juge d'un texte et de sa fiabilité. Il demande à l'auteur des remaniements de chapitre, des corrections de style, comme il installe une rigueur scientifique sur les évènements mentionnés qui demandent actualité et véracité. L'éditeur, en plus d'être le passeur du manuscrit au livre objet, est celui qui accompagne l'auteur dans sa démarche pour obtenir une écriture à la fois aboutie et commerciale.
« Pourtant, j'ai vu chez des éditeurs de la région des livres que j'avais refusés pour des raisons diverses édités tel quel sans aucun remaniement. Je l'ai su parce que j'avais lu la version originale qui était ici identique. Ils deviennent alors des sortes de financeurs ou un relais entre l'auteur, l'imprimeur et la mise en vente du livre », témoigne François Saget.
Et l'auteur dans tout cela ? « Quand les auteurs n'ont pas une trop grosse tête, ils finissent par reconnaître leur intérêt à ce travail fait sur leur œuvre. On enlève les scories, on lisse un peu le texte. Je pratique ça avec tout le monde. Cela demande des capacités dans son domaine. C'est ma conception du métier d'éditeur. Parfois il m'arrive de participer vraiment au livre : de changer, de rajouter des chapitres avec l'accord de l'auteur. J'avertis : ‘il ne sera pas comme vous l'avez fait. Moi, je m'en mêle'. Les auteurs nous font confiance, c'est aussi l'avantage d'un nom et de l'ancienneté. »
Le régionalisme : une édition spécialisée et localisée
Éditer du « régionalisme » revient à se concentrer sur un sujet spécialisé (celui de la région, de ce qui la compose, de ce qui l'entoure) et à s'établir localement dans cette région. Plusieurs particularités en découlent, notamment celle d'un public qui peut sembler plus restreint : « Nous avons quand même beaucoup de monde. Évidemment, être un spécialisé engendre des clients qui connaissent le domaine aussi. Donc si en tant qu'éditeur, on ne connaît pas la région, c'est mal parti. Il faut connaître absolument son sujet. Alors que pour un généraliste on peut comprendre qu'il ne connaisse pas tout, qu'il ne soit pas omniscient dans tous les domaines et tous les secteurs. Dans mon cas ils me regarderaient d'un sale œil. »
Être éditeur de régionalisme nécessite d'être à la fois historien et scientifique de sa région, même s'il faut savoir reconnaître ses limites : « De toute évidence, il faut faire ce qu'on sait faire et pas autre chose. On peut apprendre CE métier auprès de formations diverses, mais on ne peut pas apprendre LE sujet. C'est la particularité d'un spécialisé par rapport à un généraliste et ce n'est pas rien », déclare François Saget.
Le public de tels ouvrages reste cependant très général, même s'il compte des « spécialistes » en la matière. François Saget ne remarque pas un public qui appartiendrait à une tranche d'âge précise, même si les adultes restent majoritaires. Il y a les gens qui s'intéressent uniquement à la randonnée, aux balades, un public de loisirs et de sportifs en somme ; et il y a des « cultureux » qui s'intéressent à ce qu'il y a de spécifique dans la région sur le plan historique, ethnologique, linguistique ou autre. « Ce groupe-là est plus important que l'autre. On retrouve autant des gens qui s'intéressent à leur pays et à leurs racines que des immigrés d'autres régions françaises ou de plus loin qui essaient de connaître l'endroit où ils vivent ».
D'après François Saget, le point fort de la maison Marrimpouey c'est de se situer dans ce qu'on nomme une « région à forte identité » : « Il y a tellement de choses variées à découvrir et donc de livres à exploiter. Une telle masse de production sur une zone limitée surprend souvent. »
En revanche, la littérature ne peut suivre cette stratégie de niche : « En tant qu'éditeur régional, je ne m'engage pas au niveau de la littérature. Je ne me sens pas capable de les juger ni de les vendre à un niveau honnête national. Je ne vois pas comment aller avec le nom de Marrimpouey proposer des romans ailleurs, quand on voit la masse qui sort. Imaginons seulement un critique qui reçoit notre roman et qui doit faire le tri : il ne connaît pas le nom de l'éditeur ni celui de l'auteur. Si on cumule plusieurs critères négatifs, ce n'est pas envisageable. » Cela est cohérent avec le choix économique de ne pas publier de littérature dans une structure d'édition régionaliste, tout autant que de favoriser une structure régionaliste.
« J'ai une préférence pour les livres de référence : des sujets qui n'ont pas été traités ou qui serviront de base pour des recherches. Des publications qui sont inévitables pour ceux qui vont chercher sur ce sujet-là, qui vont avoir une vraie utilité et qui ne sont pas liées à une activité quelconque », ajoute François Saget.
La diffusion et la distribution d'une maison régionaliste
« La diffusion, pour que les gens commandent, c'est difficile », confie François Saget. « Comment faire savoir les choses ? Je n'ai pas trouvé de solution. Surtout que nous représentons peu face à un grand éditeur national. »
Évidemment, François Saget ne peut pas se permettre de faire faire à ses livres un détour par un grand diffuseur-distributeur.
« En tant qu'éditeur plus localisé, on fait nous-même directement ce qu'on peut. On a tous un diffuseur régional et parfois certains ont un diffuseur national, ce que je n'ai pas. Il faut savoir qu'une production de 4 à 5 livres par an au niveau national ce n'est pas très bien accepté. Nous passons donc par des commandes, pour le reste de la France. Il faut avoir la solution la plus adaptée à ce qu'on fait, cela ne sert à rien de submerger les libraires. Quand on est spécialisé, il vaut mieux bien le placer. Mon distributeur s'en charge ».
Une stratégie minimaliste, qui privilégie le ciblage plutôt que la vente sur une grande échelle. D'ailleurs, l'espace de visibilité ne cesse de resserrer, sans pour autant que cela soit si préjudiciable : « Il fut un temps où j'envoyais régulièrement des livres à la Fnac de la rue de Rennes à Paris, quand ils avaient des rayons spécialisés. Depuis la mise en place de leur banque spécialisée, ce n'est plus faisable. Et pourquoi aller chercher un pourcentage de plus finalement (ce que nous représentons) ? C'est une vision très financière des choses ».
La librairie Marrimpouey : une variété insoupçonnée (BD, roman, géologie, beaux-arts, généalogie ...)
La librairie comporte environ 6 000 titres en librairie. On y trouve ceux de la maison d'édition ainsi que tout autre livre ayant un rapport à la région. « Ce n'est même pas une question de qualité, car je me dois d'avoir tout ouvrage sur le sujet si on me le demande. Une librairie régionaliste, c'est une librairie générale, mais avec une focale localisée. Donc j'ai des livres économiques, des sciences et techniques, sur les beaux-arts, des BD, des romans, de la poésie, de la géologie ».
Malgré tout, les rayons hébergent des œuvres de littérature « d'auteurs du coin » - « là, je suis plus sélectif, avec Saint-John-Perse, Lautréamont, Laforgue, Supervielle ou encore Pierre Bourgeade avec ses romans érotiques - ou qui se passent dans la région. » Un tri plus par rigueur professionnelle que par intérêt commercial : « Les gens ne pensent pas principalement à moi pour acheter un roman, bien plus aux librairies générales ».
2 Commentaires
Sophie Bouyssou
23/04/2020 à 19:50
Nous avons retrouvé dans notre bibliothèque une édition de XII dizains de Maurice Scève publié en 1941, accompagné d'images choisies par Raymond GID. Il nous donne l'impression que c'est un projet. Nous aimerions savoir si la Maison Marrimpouey l'a publié. Merci de votre réponse. Cordialement. S. Bouyssou
alfredo ricardo lanusse
08/02/2022 à 10:06
Soy escritor, estoy en Ajaccio, Corcega
Quiero escribir sobre Francois Lanusse y no puedo conseguir una copia del libro publicado en 1986
Je suis écrivain, je suis à Ajaccio en Corse
Je veux écrire sur François Lanusse et je n'arrive pas à me procurer un exemplaire du livre publié en 1986
Alfredo Ricardo Lanusse