Au Japon, l'agence pour les Affaires culturelles a jeté un véritable pavé dans la mare, un pavé numérique, pour être précis. L'administration propose une révision des lois sur le droit d'auteur, pour permettre aux bibliothèques d'envoyer une partie ou l'intégralité d'une œuvre au format numérique à un usager, accessible sur les smartphones et ordinateurs, et qu'il serait même possible d'imprimer.
Des sueurs froides pour l'édition japonaise : l'agence pour les Affaires culturelles proposerait, dans un rapport, de réviser le droit d'auteur pour introduire de nouvelles exceptions en faveur des bibliothèques. Les recommandations de l'administration, selon le quotidien Asahi Shimbun, porteraient notamment sur le prêt d'ouvrages numériques aux usagers.
Les propositions de l'agence autoriseraient les bibliothèques à envoyer aux usagers, sur leur smartphone ou ordinateur, des exemplaires numériques d'ouvrages disponibles dans leurs collections, sans l'autorisation des éditeurs et des ayants droit. L'intégralité du livre pourrait être transmise, ou même faxée, et l'usager aurait la possibilité de l'imprimer par ses propres moyens.
Les livres indisponibles seraient aussi concernés, avec la possibilité, pour la Bibliothèque nationale de la Diète, d'envoyer des versions numériques intégrales. Pour l'instant, 1,5 million d'œuvres indisponibles ont été numérisées, mais ne sont accessibles qu'à l'intérieur des murs de l'établissement patrimonial, situé dans le district de Nagata, à Tokyo.
La Diète du Japon, le Parlement, pourrait examiner les propositions de l'agence dès le début de l'année prochaine : la pandémie du coronavirus aurait considérablement accéléré les recherches et les propositions en la matière, pour garantir un accès aux documents.
L'édition inquiète
Au sein de ses recommandations, l'agence mentionne un mécanisme de compensation pour les éditeurs, mais les professionnels se montrent pour la plupart très inquiets. « À une époque où nous nous sommes davantage concentrés sur les livres numériques, permettre aux bibliothèques de transmettre de telles données exercerait une pression énorme sur le secteur privé. Il y aurait aussi plus de crainte d'une diffusion de versions pirates des livres », indique un éditeur au quotidien.
Le président d'une autre maison d'édition tempère toutefois les inquiétudes, assurant que l'autorisation pour communiquer un extrait « pourrait tout à fait déboucher sur l'achat d'une œuvre ».
Les conditions de la communication au public restent assez floues, et pas vraiment précisées par l'article de l'Asahi Shimbun. Rappelons que le prêt numérique contrôlé, une pratique défendue par certains bibliothécaires et notamment pratiquée par la plateforme Internet Archive, s'appuyait aussi sur la communication au public d'œuvres sous droit, numérisées par les bibliothèques, sous certaines conditions. La suite est connue : de grands groupes d'édition ont intenté un procès à Internet Archive...
Yoshio Yanagi, professeur en bibliothéconomie à l'université de Tokyo, souligne à ce titre que les compensations versées aux éditeurs et auteurs, si les recommandations sont adoptées, devraient être « très élevées »...
Photographie : illustration, MIKI Yoshihito, CC BY 2.0
Commentaires
MDR, le 18/11/2020 à 06:29:52
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