La journée aura été intense, pour le Syndicat de la Librairie Française. Ayant découvert hier que les rayons de Fnac ainsi que ceux de la grande distribution, pourraient continuer à vendre des livres, alors que les librairies étaient fermées, le Syndicat a fait entendre sa voix. Et Bruno Le Maire a tranché en leur faveur. Une fermeture des rayons sera actée pour le 31 octobre.
Voici le communiqué de presse diffusé par le SLF.
Cette décision s’appliquera à partir de demain matin, samedi 31 octobre. Elle vise à rétablir une situation de concurrence plus équitable entre les librairies et les enseignes.
Le SLF a apporté son appui à cette solution en soulignant néanmoins deux points :
la fermeture des rayons livre de l’ensemble des magasins physiques, si elle rétablit partiellement la concurrence, offre « un boulevard » à Amazon au détriment du commerce physique et ne résout donc qu’une partie du problème ;
le rétablissement d’une concurrence véritablement équitable ne peut passer que par la réouverture des librairies. Bruno le Maire et Roselyne Bachelot, favorables à titre personnel à cette réouverture, se sont engagés à travailler avec le SLF sur les conditions sanitaires qui permettraient d’examiner la faisabilité d’une telle réouverture dans quinze jours. Dans cette période cruciale pour tous, ce serait une bonne nouvelle pour les libraires, mais également pour l’ensemble de la filière, à commencer par les auteurs et les éditeurs.
Les deux ministres se sont par ailleurs engagés à réexaminer, dès la semaine prochaine, la question d’un tarif postal privilégié pour les expéditions de livres réalisés par les libraires, le SLF ayant rappelé que, sur ce point également, la concurrence avec Amazon qui facture à perte les frais de port était totalement faussée.
Notons que cette mesure intervient après une journée médiatiquement dense : la distorsion de concurrence pointée par tous, en voyant la position de Fnac, en regard de la situation des librairies, a fait l'objet d'un nombre considérable de publications. Plusieurs libraires, sur tout le territoire, avaient même décidé de maintenir l'ouverture de leur boutique, allant contre les mesures prises par le gouvernement.
Un autre point : tout le monde dans la grande distribution et les grandes surfaces culturelles n'avait pas opté pour cette voie royale.
#nantes suite... Leclerc plus légaliste que la Fnac ? pic.twitter.com/Fb1StwOPdb
— Caroline de Benedetti (@CarolinedeBene1) October 30, 2020
Leclerc, ami des libraires indépendants ?
Un libraire parisien déplore malgré tout que l’on ait basculé dans une interdiction globale. « Le mouvement demandait le réexamen de l’ouverture des librairies, pas la fermeture des rayons Fnac. C’est un traitement égalitaire que nous souhaitions, pas un nivellement par le bas. Cela ressemble à une victoire à la Pyrrhus, pour l’ensemble de l’industrie du livre. »
Un point de vue que la présidente du SLF, Anne Martelle, avait esquissé dans nos colonnes. « Nous essayons de faire le maximum, pour obtenir la réouverture des librairies ou la limitation des espaces de ventes. » Étaient en effet visées les grandes surfaces spécialisées et les grandes surfaces alimentaires, où « il y a une concurrence injuste ». En cas de non-réouverture des librairies, un gel des ventes de livres deviendrait une solution envisageable, « même s’il n’est jamais bon, pour l’édition, de ne pas vendre de livres. Il faut penser aux librairies de centre-ville, qui font face à des Fnac Darty ».
Fnac colmate les brèches
En parallèle, l’enseigne Fnac a communiqué en urgence pour indiquer que « face au constat de l’impossibilité d’une ouverture de l’ensemble des acteurs de la vente de livres », ses rayons culture — livres, musique, etc. — allaient fermer. Pour une durée de quinze jours, mais pourquoi donc ? Selon Enrique Martinez, Directeur général de Fnac Darty, il s’agit d’agir « dans un souci de responsabilité ». Pas un mot en revanche sur l'action menée par le SLF...
Et de préciser : « L’ensemble des activités essentielles telles que permises par le gouvernement resteront ouvertes en magasin. Nous maintenons également en totalité les dispositifs de Click & Collect dans tous nos magasins. »
Le directeur général réaffirme également « le soutien et la solidarité de la Fnac à ses libraires et à l’ensemble du monde de la culture qui souffre particulièrement de la crise sanitaire et ses conséquences. Les équipes de la Fnac consacrent leur vie à la culture et continueront de le faire ».
Un soutien que l’on pourra toujours interroger, se souvenant qu’après le déconfinement, Fnac n’avait passé aucune commande de nouveauté Livre — à l’exception des best-sellers.
Mise à jour 19 h 17 :
Jean-Luc Treutenaere, président du Syndicat des Distributeurs de Loisirs Culturels, a fait parvenir à la rédaction le message adressé aux ministres Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot. Selon nos sources, dans ce dossier, Cultura fut le plius virulent des acteurs engagés contre cette disponibilité de livres chez Fnac.
Au nom du SDLC, qui représente les enseignes Cultura, Le Furet et Decitre, je tiens à vous remercier d’avoir organisé la réunion téléphonique de ce jour qui a permis de clarifier les conditions de concurrence entre enseignes de produits culturels.
Comme vous le savez, nous restons très attachés à favoriser l’accès à la culture au plus grand nombre et nous appelons à ouvrir l’ensemble des libraires au plus vite. Nous avons bien compris que les conditions sanitaires ne le permettaient pas dans l’immédiat.
A l’instar de la position que nous avons pris dès ce matin, nos magasins resteront fermés au public jusqu’à nouvel ordre. Nous avons pris bonne note que, sous votre impulsion, l’ensemble de la GSA et la FNAC fermaient leurs rayons culturels, permettant ainsi une certaine neutralité du marché.
Nous sommes néanmoins conscients que le grand gagnant reste Amazon et nous appelons vos services à largement communiquer que l’immense majorité des libraires, ainsi que Cultura, Le Furet et Decitre offrent la vente en ligne et des conditions facilitées de clic and collect.
Nous nous tenons à votre disposition pour étudier avec vos services les conditions de sécurité sanitaire qui pourraient permettre une réouverture dans les meilleurs délais.
mise à jour : 19h42
Une communication interministérielle vient de conclure le dossier, ici diffusée dans son intégralité.
Bruno Le Maire, ministre de l’Economie, des Finances et de la Relance, et Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la Culture, ont réuni aujourd’hui au cours d’une conférence téléphonique les principaux représentants de la filière du livre et de la grande distribution.
A la suite de cet échange, il a été décidé, par souci d’équité entre grandes surfaces et les librairies indépendantes, que les rayons livres et culture des grandes surfaces alimentaires et spécialisées seraient momentanément fermés.
Cette décision sera mise en œuvre dès ce soir.
Concernant les librairies, le système de click-and-collect est possible et sera encouragé par des aides spécifiques.
Enfin, Bruno Le Maire et Roselyne Bachelot-Narquin réuniront la semaine prochaine l’ensemble des acteurs de la filière du livre pour étudier avec eux les modalités d’une éventuelle réouverture des librairies, dans la perspective du point d’étape fixé par le Président de la République.
Crédit photo ; ActuaLitté, CC BY SA 2.0