DOSSIER – Comprendre la relation entre l’agent littéraire et ses interlocuteurs, tant les auteurs qu’il représente que les éditeurs avec lesquels il échange et négocie permet de mieux saisir son importance. Chaque agent a sa manière, sans qu’aucune ne prévale sur les autres. Avec le concours de David Pathé-Camus, ActuaLitté propose une grande réflexion sur ce métier bien plus essentiel qu’il n’y paraît.

Je dis bien « son agent littéraire », et non pas « un agent littéraire », car beaucoup d’éditeurs travaillent en permanence avec des agents littéraires, mais ceux-ci ne sont pas « leur » agent littéraire. Ils sont ceux de leurs clients. Ils sont « votre » agent, à vous, auteur. L’agent est là pour vous défendre. Il est payé par vous, pour travailler à défendre vos intérêts — qui se confondent avec les siens. Si vous ne gagnez rien, l’agent ne gagne rien non plus. D’où l’importance de la confiance mutuelle dont je parlais précédemment, qui doit être absolue.
Agent, vecteur de publication
Or, paradoxalement, même si certains éditeurs râlent un peu lorsqu’un auteur prend un agent, ce ne sont pas forcément eux qui voient les agents du plus mauvais œil. Les éditeurs — surtout ceux œuvrant dans le domaine des littératures étrangères — ont l’habitude des agents. Ils les rencontrent souvent et entretiennent, la plupart du temps, de très bons rapports avec eux.
Une bonne relation avec un agent permet de gagner du temps et de recevoir de bons textes, rapidement. Ceux qui ont le plus de mal à faire confiance aux agents sont les auteurs eux-mêmes, qui pourtant auraient le plus à y gagner. Pourquoi ? Plusieurs raisons à cela. D’abord, par méconnaissance. Beaucoup d’auteurs ignorent que ce métier existe. Ensuite, parce que les agents interviennent justement dans ces domaines que les auteurs connaissent le plus mal : financier et juridique. Un éditeur, aux yeux d’un auteur, peut toujours se parer de l’aura littéraire. Après tout, il est la destination finale de l’auteur et du manuscrit : la publication.
Mais un agent ? Il n’est bien souvent, aux yeux des auteurs débutants, qu’un palliatif. Un mal nécessaire dont l’auteur se débarrassera à la première occasion — considérant son agent comme un « coût », un poste de dépense et non pas de recettes. Et oubliant au passage que des auteurs aussi confirmés que Michel Houellebecq, J.K. Rowling ou Stephen King ont tous des agents, et que ce n’est pas parce qu’ils ont du mal à trouver un éditeur.
Parlons d'argent, c'est le moment
D’ailleurs, comment un auteur pourrait-il calculer (et donc accepter de payer) la valeur ajoutée que lui apporte un agent, puisque, dans la plupart des cas, il ne comprend même pas les conditions de départ ? Beaucoup d’auteurs se disent : « Je peux gagner 3000 € avec mon manuscrit, mais si je prends un agent je vais devoir payer en plus une commission de 15 % dessus. » Hormis le fait que ce calcul est erroné et ne correspond à rien dans la réalité – ce que peut rapporter un manuscrit ne se limite pas à l’à-valoir –, il faut savoir qu’un auteur qui raisonnerait ainsi fera le bonheur de tout agent en ne venant PAS solliciter ses services.

Oscar Wilde écoutant (un peu...) son agent littéraire (apocryphe)
Cela peut paraître difficile à entendre, et beaucoup ne partagent pas mon avis, mais j’ai tendance à penser que la valeur d’un livre n’est pas subjective — ni sa valeur commerciale ni sa valeur littéraire. Un agent connaissant bien son marché sait combien vaut votre livre, et ce qu’il peut espérer en obtenir sur le marché des éditeurs. Vous devez lui faire confiance — et le tenir au courant, de tout.
La représentation, ou les trois coups frappés
Lorsqu’un agent accepte de représenter un auteur, il lui envoie ce que nous appelons un « mandat de représentation », autrement dit une sorte de contrat fixant les modalités de leur collaboration, notamment la durée pour laquelle l’auteur est représenté (généralement un an ou deux), la rémunération de l’agent (varie de 10 à 20 % en fonction des territoires et du type de droits travaillés), et les obligations des uns et des autres.
Ainsi, c’est à l’agent qu’il revient de s’occuper des soumissions des manuscrits — pas à l’auteur. Parmi mes règles, il y a celle-ci à laquelle je tiens tout particulièrement : « Si j’estime que ce n’est pas prêt, je n’envoie pas. » Êtes-vous prêt à l’accepter ? Si non, alors c’est que je ne suis pas l’agent qu’il vous faut (un autre le sera peut-être).
Le métier d’un agent c’est de faire en sorte que les éditeurs ouvrent ses mails. Si les éditeurs commencent à se dire que je leur envoie n’importe quoi, ils jetteront vite mes mails à la poubelle — sans les ouvrir. Ils sont les acheteurs, nous sommes (nous, agents), les vendeurs. À nous de veiller à leur envoyer les produits (manuscrits) qui leur correspondent le mieux. Un éditeur pourra nous pardonner de lui envoyer un manuscrit qui ne lui correspond pas. Mais il ne comprendrait pas qu’on le fasse systématiquement, ou qu’on lui envoie des horreurs — manuscrits non relus, mal construits et truffés de fautes d’orthographe.

Jusqu'à ce que la mort vous sépare ? Non...
C’est pourquoi — afin de préserver ma relation avec les éditeurs, et donc de servir au mieux les intérêts de mes clients — j’ai toujours relu et retravaillé les manuscrits de mes auteurs, et je leur sais gré de m’avoir écouté. La plupart de leurs manuscrits ont été pris, et souvent aux enchères.
Autrement dit : si vous décidez d’aller voir un agent, ce n’est pas pour avoir des remords après. Comme toute relation, celle qui vous unit à votre agent peut se terminer.
Je considère qu’à partir du moment où je choisis de représenter quelqu’un, c’est pour la vie. Peu importe que mon auteur ait ou non du succès — je crois en lui, je crois en moi, et un jour ou l’autre, pourvu qu’il travaille et soit bien accompagné, il aura ce succès que je pressens pour lui.
Mais il est important également que la relation unissant auteur et agent soit choisie et assumée par les deux parties. C’est pourquoi la durée du mandat qui les unit n’est généralement que d’un an ou deux. (Quand mes amis éditeurs apprennent cela, eux qui ont l’habitude de faire signer des contrats allant jusqu’à 70 après la mort de l’auteur, ils sont toujours à deux doigts de tourner de l’œil.)
Nous sommes dans un métier où nous ne pouvons pas contraindre. En tant qu’agent, je ne peux pas contraindre un éditeur à lire (et encore moins à acheter) un manuscrit. On ne peut pas contraindre un auteur à écrire. Et l’éditeur ne peut pas contraindre le public à acheter le livre qu’il a mis sur le marché. C’est pourquoi j’aime tant ce métier : nous sommes sans arrêt confrontés à la liberté de l’autre.
Maintenant que vous avez trouvé votre agent, et travaillé votre manuscrit avec celui-ci, vient le moment où votre agent vous annonce que votre livre est enfin prêt à être envoyé aux éditeurs. Cette étape, cruciale, est celle de la soumission.
Prochain article : « La soumission – partie 1 »
Précédemment : Comment trouver un agent littéraire : travailler à deux
Dossier - Profession : agent littéraire, un métier mal connu
Commentaires
Clem, le 18/10/2019 à 14:18:29
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David, le 19/10/2019 à 14:07:03
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Clem, le 22/10/2019 à 12:10:46
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Alex, le 25/09/2019 à 02:53:15
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David, le 25/09/2019 à 14:25:56
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Sylviane, le 29/09/2019 à 10:30:00
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David, le 29/09/2019 à 15:14:58
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TARA, le 30/09/2019 à 09:12:16
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David, le 09/10/2019 à 15:34:48
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