Un quart des librairies de France se trouverait dans la région francilienne — 550 boutiques avec au moins un salarié. Les commerces sans salariés ne sont pas pris en compte. Cependant, entre 2007 et 2019, la part de marché est descendue de 47 % à 39 %. De quoi conclure à une réelle fragilité.
Le Crocis, Centre d’observation du commerce, de l’industrie et des services en Île-de-France, publie un panorama du commerce du livre. Première conclusion, sans étonnement : les librairies font face à de lourdes charges et affrontent la concurrence, parfois déloyale, d’acteurs du web de dimension mondiale.
En outre, isolées, elles cherchent de plus en plus des solutions collectives pour retrouver une visibilité et des marges à la hauteur de leur rôle en faveur du livre et de l’édition.
On compterait en IDF 935 librairies (incluant celles sans salarié), dont 75 % sont situées à Paris. Et plus spécifiquement dans les Ve et VIe arrondissements, qui en dénombrent plus de 100. La densité d’habitants et les zones de forte chalandise expliquent cette opulence.
De même, la grande couronne affiche un taux d’occupation moindre — les départements du Val-d’Oise et de l’Essonne ne comptent que 21 établissements. Dans ces territoires, les grandes surfaces culturelles, aux offres diversifiées, occupent bien plus d’espace.
Paris, mon désamour...
Or, depuis une vingtaine d’années, les librairies quittent la capitale : depuis 2002, elles sont passées de 958 à 703 en 2018, un recul de 27 %. L’économie y joue pour beaucoup : « Une étude réalisée par l’institut Xerfi pour les Rencontres Nationales de la Librairie de juin 2019 évalue à 1 % le taux de rentabilité moyen des librairies françaises, taux qui baisse à 0,3 % si on ôte le “coup de pouce” que représente le CICE pour ces commerces », évoque le Crocis.
Pourtant, le taux de défaillance n’est que de 1,8, indiquant que « les libraires se satisfont d’une faible rentabilité qui dans d’autres secteurs serait jugée insuffisante et entraînerait l’arrêt de l’activité ».
Parmi les postes de dépenses, les charges prennent la première place : avec 3070 employés en région IDF, la moitié des établissements n’ont aucun salarié. Les effectifs ont par ailleurs diminué de 11 % entre 2009 et 2018 — proche du niveau national, en recul de 10 %. « Toutefois cette politique pourrait s’avérer néfaste à moyen terme : en effet, diminuer les effectifs se ferait au détriment de la qualité de service et risquerait de faire perdre aux librairies leur principal avantage concurrentiel », souligne le Crocis.
Les loyers sont également une part douloureuse de la gestion des entreprises. La rationalisation des stocks pour maximiser le taux de rotation des ouvrages en est une claire illustration.
Reste que pour améliorer ses conditions de vie, le gérant n’a pas pléthore de solutions : les achats représentent 70 % de son chiffre d’affaires, aussi lui faut-il disposer des meilleures conditions auprès de la diffusion. La remise varie alors entre 28 et 40 %, reposant sur des critères quantitatifs et qualitatifs.
Si le Syndicat de la librairie française préconise un 36 % minimum, les entreprises souhaiteraient que leur travail qualitatif soit mieux pris en compte.
Entre prix unique et livre d'occasion
La loi Lang est également pointée : avec l’interdiction de pratiquer des remises supérieures à 5 %, le libraire est préservé de la concurrence. Mais dans le même temps, privé de « toute marge de manœuvre sur le prix de ses produits ». Par ailleurs, les clients méconnaissent encore trop cette législation, se persuadant alors qu’acheter sur internet ou en grande surface leur permet de faire des économies.
Selon GfK, les grandes surfaces culturelles représenteraient 34 % des ventes de livres : 21 % des achats auraient lieu dans ces circuits (Fnac, Cultura ou Espaces culturels Leclerc), que ce soit sur Paris ou région parisienne.
En parallèle, la vente en ligne pèserait 13 % du marché du livre en France. Et sur ce secteur, Amazon avec les frais de livraison à 1 centime, a frappé fort. Car les libraires, eux, sont soumis à des coûts postaux importants — sans qu’aucune mesure ne soit prise sur le sujet.
L’autre volet de la vente en ligne c’est la disponibilité constante, et la présence d’offres d’occasion, aux côtés des livres neufs — avec une tentative, même estompée, de détourner le principe du prix unique. Entre 2012 et 2016, les foyers sont passés de 13 % d’achats de livres d’occasion à 15,5 % — internet assurant aujourd’hui 66 % des ventes en valeur et 53 % en volume…
S'unir et fidéliser
Mutualiser serait alors la nécessité première : regrouper les forces pour faire front. Des groupements comme Librairies 93 ou le GIE Librest existent, et des solutions de e-commerce comme Paris Librairies, encore faut-il les connaître.
La fidélisation des clients devient alors l’enjeu majeur : les établissements bénéficient encore de la confiance des grands lecteurs, mais ces derniers se réduisent. Et il importe de trouver les petits et moyens lecteurs, pour les amener à franchir les portes des boutiques. Si 98 % des librairies proposent des animations, elles engendrent des coûts importants, et manquent de rentabilité…
Or, la librairie a surtout scellé son sort à celui des centres-villes. Si elle valorise, en tant que commerce culturel, ce dernier, apportant une identité propre, face aux commerces de bouches ou aux enseignes d’habillement, leur pérennité est mise en doute.
Ainsi, « malgré une très bonne image auprès du public, un marché du livre plutôt stable, et un taux de sinistralité assez bas, beaucoup d’entre elles se trouvent dans une situation de grande fragilité financière qui les place à la merci du moindre incident ou retournement conjoncturel », conclut Crocis.
D’autant que leur fragilisation serait une menace pour l’ensemble du secteur…
À télécharger : Au cœur des centres-villes, les librairies franciliennes (synthèse). Consulter et télécharger le document complet, Entre faible marge et concurrence accrue, le quotidien difficile des librairies franciliennes, ci-dessous.
photos ActuaLitté, CC BY SA 2.0
Commentaires
Black Bullet, le 24/01/2020 à 01:37:00
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Margot, le 24/01/2020 à 13:18:25
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Thomas, le 29/01/2020 à 09:34:33
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