Particulièrement actif dans le secteur de l’édition, le député Michel Larive s’est dernièrement penché sur la défense des auteurs, en cas de contrefaçon. Interrogeant le ministère de la Culture dans une question écrite, il s’inquiète d’une situation jugée catastrophique.
Le cas s’est encore récemment trouvé, avec la reproduction d’un texte signé par Samantha Bailly, sur le site Le Bonbon. Puisant dans son livre Stagiaires : le guide de survie, le média reprenait, sans la citer, le fameux lexique corporate qu’elle avait recensé. Il aura fallu près de deux jours pour que l’article soit retiré, et que le média admette une grossière erreur.
La justice à contre-courant ?
Pour le député, c’est bien l’essence du problème : comment auteurs et créateurs peuvent-ils réagir lorsqu’est constatée « une reproduction illicite de leur œuvre » ? Et plus encore, c’est la question du « traitement judiciaire » qui est au cœur des préoccupations du député.
« En effet, depuis quelques années, les auteurs et créateurs ne sont plus jugés sur la base de la loi, mais sur la base d’une “création purement jurisprudentielle” (expression tirée de la lettre de mission du CSPLA du 23 juillet 2018) catastrophique pour leurs droits », indique-t-il.
C’est que le juge français a ajouté une condition à la loi : parvenir à prouver l’originalité de l’œuvre. Un problème sérieux, puisque cette approche contrevient à la Déclaration des droits de l’Homme, selon laquelle « nul ne peut être contraint à faire ce que la loi n’ordonne pas ».
Un avis subjectif, totalement déplacé
Or, souligne le député, « cette preuve est impossible à faire puisque les juges peuvent, selon cette jurisprudence, écarter l’antériorité, le style propre à l’auteur, l’angle de traitement personnel des idées ». Comment, dès lors, apprécier réellement l’originalité de l’œuvre, si cette dernière ne découle plus de critères objectifs, « mais de l’avis subjectif du juge, ce qui ne protège pas les auteurs de l’arbitraire et ce qui ne garantit pas l’impartialité des tribunaux » ?
Les auteurs se retrouveraient donc « arbitrairement dépossédés de leurs droits sur leur œuvre ». Et c’est tout le droit patrimonial, autant que le droit moral qui seraient alors mis à mal. Avec pour conséquence de gravement porter « atteinte à la culture et à la liberté de création et d’expression ».
Le député poursuit : « Comme la France s’est engagée à respecter et à faire respecter le droit d’auteur et comme la France est tenue de réparer les dommages causés par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, il demande [au ministre de la Culture] quelles mesures il compte prendre à l’égard des auteurs qui ont eu à subir cette jurisprudence. »
Et, plus largement, il sollicite le gouvernement sur l’action qui sera entreprise pour « garantir aux auteurs et créateurs l’application de la loi, l’impartialité des tribunaux et le respect de leurs droits fondamentaux ».
Entre copyright et j'menfoutisme
Rappelons qu’aux États-Unis, une législation est actuellement en préparation pour simplifier la résolution de litiges en cas de violation du copyright. L’idée est d’instaurer un comité en charge d’examiner les affaires, pour que les ayants droit et créateurs n’aient pas à intenter des procédures longues et coûteuses.
Reste qu’en signant un contrat d’édition, l’auteur s’en remet à l’éditeur, qui s’engage à lutter contre toute forme de contrefaçon. La saisie des tribunaux par les auteurs ne devrait donc pas être de mise, puisqu’il revient à l’éditeur, détenteur des droits d’exploitation, de faire respecter la propriété du texte qui lui est confié.
Toutefois, la France a déjà, et très officiellement, conclu que le droit d’auteur n’était finalement pas si fondamental que cela. En effet, une loi autorisant la numérisation d’œuvres indisponibles a été introduite le 1er mars 2012, permettant, sans avoir à demander l’autorisation aux auteurs ni aux ayants droit, de numériser des livres en vue de leur commercialisation.
Le projet tristement connu sous le nom de ReLIRE a été invalidé par la Cour de justice de l’Union européenne, mais l’industrie de l’édition espère bien pouvoir continuer cette exploitation indue, reposant sur une contrefaçon... légalisée.
À suivre…
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Namaenashi, le 02/08/2019 à 04:36:45
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