Publié ce 19 aout, l’essai féministe Moi les hommes, je les déteste sera peut être victime de censure. La menace ne vient pas d’organisations militantes réactionnaires, mais bien d’un chargé de mission au ministère délégué à l’égalité femmes-hommes. L'État, fait loi, comme dirait Judge Dredd...

Publié par la maison d’édition associative Monstrographe, l’essai Moi les hommes, je les déteste se veut une invitation à la misandrie. Derrière le titre provocateur, l’autrice, Pauline Harmange, interroge cette hostilité à l’égard des hommes, trop souvent tournée en dérision ou source de fantasme. La quatrième de couverture présente le manifeste comme « un chemin joyeux et émancipateur », une manière de faire place à la sororité et à des relations bienveillantes et exigeantes.
Dans un article publié ce lundi, Médiapart révèle... un risque de sanction. Le 19 août, jour de la sortie du livre, Ralph Zurmély, chargé de missions au ministère délégué à l’égalité femmes-hommes envoie un mail à la maison, cité par le média : « Ce livre est de toute évidence, tant au regard du résumé qui en est fait sur votre site qu’à la lecture de son titre, une ode à la misandrie », écrit-il. « Or, je me permets de vous rappeler que la provocation à la haine à raison du sexe est un délit pénal ! En conséquence, je vous demande d’immédiatement retirer ce livre de votre catalogue sous peine de poursuites. »
Si les éditeurs ont pour l’instant catégoriquement refusé de s'exécuter, la menace qui plane n’est pas anodine. Monstrographe est tenu par Martin Page et Coline Pierré, auteurs ici éditeurs bénévoles, pour qui assurer des frais d’avocats serait tout simplement impossible.
Un livre dangereux ?
Interrogé par Médiapart, Ralph Zurmély maintient ses propos, pour lui l’ouvrage « n’a rien à voir avec le principe d’égalité femmes-hommes que nous défendons et constitue ni plus ni moins un délit pénal ».
Le chargé de mission au ministère délégué à l’égalité femmes-hommes n’a pourtant, de son propre aveu, pas lu le manifeste. Sa conviction de l’illégalité du pamphlet ne repose donc que sur le titre et sur la quatrième de couverture. Or, comme le rappelle Coline Pierré : « Le titre est provocateur, mais le propos mesuré. C’est une invitation à ne pas s’obliger à fréquenter les hommes ou à composer avec eux. À aucun moment l’autrice n’incite à la violence. »
Contactée par ActuaLitté, Pauline Harmange souligne le caractère confidentiel du tirage : environs 400 exemplaires. Moi les hommes, je les déteste n’est pas un objet politique incitant à la haine et à la divison, mais un propos destiné « à un public d’ami·es » explique l’autrice, qui souhaitait s’adresser à des lecteurs déjà au fait de ces questions.
L’écrivaine n’est pas surprise par ce genre de réactions qui illustrent, selon elle « que la parole féminine et féministe n’est toujours pas la bienvenue chez les hommes ». Reste que la position de M. Zurmély est symbolique : « Je ne trouve pas cohérent qu’un homme confronté régulièrement à “des dossiers de viols et d’agressions sexuelles” ait le réflexe de vouloir censurer un livre qui parle précisément de ces problèmes. »
Une initiative qui intrigue
L’envoi des mails et la menace de censure seraient apparemment une initiative personnelle de M. Zurmély. Selon Médiapart, les équipes d’Élisabeth Moreno, ministre chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, ont souligné que cette décision n’engageait en aucun cas le ministère. Les collaborateurs de la ministre n’ont cependant pas directement condamné ses propos.
L’Observatoire pour la liberté de création s’insurge de son côté contre la démarche du politique : « Vous n’avez aucune autorité juridique pour demander le “retrait” d’un livre, n’étant pas le ministère de l’Intérieur, lequel, à notre connaissance, n’est pas saisi selon la procédure ad hoc. »
En plus de l’illégalité de la démarche ce dernier pointe le « contresens » à la fois sur les missions que l’homme est supposé défendre et sur le livre qui n’a pas été lu. « Nous vous demandons fermement de revenir sur votre demande et d’adresser vos excuses à l’éditeur », conclut l’organisation.
Happy ending ?
L’affaire ayant défrayé la chronique, Pauline Harmange est aujourd’hui sous le coup des projecteurs. La menace de censure aura fait réagir sur les réseaux sociaux et beaucoup d’internautes ont commandé l'essai en soutien à l’autrice et à la maison.
« On a l’exemple d’un bel effet Streisand, car ce livre qui aurait dû rester confidentiel est au final parti pour sa 3e réimpression, après que le 2e tirage se soit écoulé en une nuit. »
La polémique continue cependant de prendre l’ampleur et l’écrivaine doit désormais subir des attaques personnelles sur Twitter. Pour tenter de dépolariser un peu les débats, et de calmer le bruit et la fureur, il s’agirait de revenir au propos central de ses écrits.
« J’invite simpement les femmes à imaginer une manière d’être nouvelle », explique Pauline Harmange, « À prendre moins en compte l’avis souvent peu étayé des hommes, à envisager l’adage “il vaut mieux être seule que mal accompagnée” avec sérieux, et à redécouvrir la force des relations féminines pleines de réciprocité, de douceur et de force. »
Crédit photo : Editions Monstrographe
Commentaires
NAUWELAERS, le 02/09/2020 à 20:30:32
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clmasse, le 02/09/2020 à 21:48:22
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Dexter, le 03/09/2020 à 02:02:25
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Ribiata, le 03/09/2020 à 10:16:42
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clmasse, le 06/09/2020 à 22:00:36
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Jujube, le 03/09/2020 à 05:24:44
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rez, le 03/09/2020 à 09:14:38
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NAUWELAERS, le 03/09/2020 à 11:46:12
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belaval, le 03/09/2020 à 15:14:29
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Jujube, le 03/09/2020 à 21:41:31
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