Fleur Pellerin était de retour dans l’Hémicycle, dans le cadre de l’examen du projet de loi de Finances pour 2016. Au menu, l’implication de la rue de Valois dans le devenir des industries culturelles. L'occasion pour les différents députés d'apporter quelques commentaires sur l'enveloppe que le gouvernement accorde à la rue de Valois. Et pour la ministre de revenir sur l'optimisation fiscale. Cadeau.
Le 10/11/2015 à 13:22 par Nicolas Gary
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10/11/2015 à 13:22
Pour mémoire, le budget proposé pour le MCC est de 7,3 milliards €, soit une augmentation annoncée de 2,7 %. Un signe de « promesse tenue » pour Fleur Pellerin, celle de Manuel Valls, engagé pour la culture. Sauf que personne n’a manqué le silence gênant autour du Centre National du Livre – alors que ceux du cinéma et de la chanson ont été largement évoqués.
Au centre de l’activité pour le livre, les contrats « territoire-lecture » seront dotés d’un million d’euros, rappelle la ministre. Dans le même temps, pour assurer aux bibliothèques des solutions pérennes, le gouvernement « proposera par amendement de mobiliser la dotation générale de décentralisation “Bibliothèques” ». Cette dernière permettra de faire évoluer ou étendre les horaires d’ouverture.
On notera qu’il n’y a pas un mot sur la fameuse Nuit des bibliothèques, idée empruntée par la ministre au rapport de Sylvie Robert. Ainsi, comme ActuaLitté l’indiquait, toute la difficulté réside en grande partie dans le financement d’animations à travers 16.000 établissements, pour les rendre attractifs.
Christian Kert ramène aussi à la réalité en rappelant que le Médiateur du livre dispose de 200.000 € de budget, « tout à fait modeste », estime-t-il. Encore faut-il déterminer ce à quoi cette enveloppe est employée. Jean-Noël Carpentier soulignera que le programme Livre et industries culturelles « progresse » tout en insistant sur le volet numérique « inéluctable, notre pays a été trop frileux ». Et d’encourager le gouvernement à s’impliquer davatange dans tout cela.
La loi anti-Amazon, ou le terrain miné
Comme nous l’avions noté, la députée Sophie Dessus est intervenue pour demander à la ministre de la Culture ce qu’il était advenu de la loi dite anti-Amazon. Un véritable récital, où la députée a dévoilé sa bibliothèque pour parler de la législation. Celle-ci devait permettre de rétablir une réelle concurrence saine entre les librairies physiques et le marchand en ligne. Fleur Pellerin saluera la forme de l’exercice, sans pour autant en évoquer le fond.
Rappelons que cette législation devait interdire la pratique de la gratuité des frais de port cumulée à la remise de 5 %, seule autorisée pour le livre. Entre les oublis tragiques de la rue de Valois, et l’approche passablement rock’n roll du projet législatif, la France a finalement accouché d’une souris, qui n’a pour l’instant pas fait sentir le moindre effet.
Si l’on fait un effort de mémoire, on se souviendra de l’intervention de la ministre sur ce sujet... voilà un an, ou peu s’en faut. Fleur Pellerin, répondant à des sollicitations parlementaires, elle indiquait : « La faculté de pratiquer un rabais sur le prix public du livre n’est dorénavant possible, en France, que lorsque l’acheteur retire l’ouvrage dans un commerce de vente au détail de livres. »
Mais la ministre était contrainte de reconnaître que la législation avait avant tout répondu à « un objectif symbolique et pédagogique assumé ». Ce qui aurait pu être pris pour argent comptant si un rapport parlementaire n'avait mis les pieds dans le plat : Jean-Marie Beffara, dans ses observations, indiquait : « Si symboliquement la loi est respectée, il est évident que son impact économique et son objectif de rééquilibrage concurrentiel au profit des librairies en sont fortement affaiblis. Le Gouvernement ne semble pas vouloir prendre de mesures afin d’encadrer davantage le prix de la livraison. »
Dans la froideur automatisée des champs d'algorithmes
Soucieuse de ne pas revenir sur le sujet, glissant, Fleur Pellerin se contente de noter qu’elle a rendu visite à une librairie d’Uzerche, lors de l’inauguration de la Foire du livre de Brive-la-Gaillarde. « Je partage votre appel enthousiaste à ce que la France continue d’être en pointe dans ce combat contre des groupes “hors-sol”, qui, opérant depuis l’extérieur, ne paient pas d’impôts et qui, non contents de ne pas contribuer au financement de la création, menacent la diversité culturelle », explique la ministre, bottant alors en touche sur la question de la loi anti-Amazon.
Elle se déclarera cependant attachée « à la préservation de ce réseau des librairies indépendantes. Il n’est que de constater la tristesse suscitée par la disparition totale de ces librairies dans les pays qui n’ont pas su les soutenir pour se convaincre de la nécessité de les préserver ». Et de rappeler toutefois que le plan librairie de 2012 a permis aux établissements de « faire face à la concurrence déloyale de ces plates-formes numériques ».
L’élan lyrique étant assurément une veine que l’on apprécie, Fleur Pellerin poursuit : « Un algorithme froid et automatique ne remplacera jamais la médiation d’un libraire. Nous devons continuer à aller de l’avant ensemble, avec le Parlement et tous les libraires indépendants qui souhaitent pouvoir ajuster leur modèle à la transition numérique. »
Mais pour ce qui est des résultats de la loi anti-Amazon, il faudra attendre. Certainement un peu plus longtemps.
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