Le changement, c'est maintenant : le Conseil européen propose, comme l'annonce Herman Van Rompuy, l'actuel président du Conseil des ministres, la nomination de Jean-Claude Juncker. Celui qui fut Premier ministre du Luxembourg n'a pas encore gagné la partie : il faudra passer par le vote du Parlement européen pour trancher. Mais la situation ne sera pas des plus simples : David Cameron, Premier ministre britannique, n'est pas du tout favorable à ce choix...
François Hollande, CC BY NC ND, 2.0
À l'exception de la Hongrie et du Royaume-Uni, tous les chefs d'États votant ont opté pour Juncker, qui sera présenté comme candidat le 16 juillet prochain. Et la réaction de l'intéressé n'a pas tardé :
Je suis fier et honoré d'avoir reçu le soutien du Conseil européen aujourd'hui
— Jean-Claude Juncker (@JunckerEU) 27 Juin 2014
À Strasbourg, l'homme politique devrait être en mesure de compter sur plus de la moitié des 751 voix - et donc, à moins d'un retournement de situation, obtenir le poste de président.
Mais pour David Cameron, ce choix est le pire que le Conseil puisse faire. Bien seul, même si accompagné par le Hongrois Viktor Orbán, pour combattre la candidature de Juncker, Cameron avait mené une lourde campagne contre le Luxembourgeois. Or, cette défaite pourrait s'accompagner d'une sortie de l'Union européenne, selon des analystes évoqués par l'AFP.
Dans le pays, Juncker est considéré comme une personnalité avec une vision trop fédéraliste, et le Brexit (NdR : contraction pour British et exit, désignant le départ du Royaume-Uni de l'UE) se rapprocherait. Mats Persson, directeur de l'Institut londonien Open Europe est clair : « L'épisode Juncker est clairement une défaite importante pour David Cameron, et sans un remède à cela, il augmente le risque d'un Brexit. »
Mais Juncker en candidat pour la présidence de la Commission européenne rappelle aussi la défaite de Martin Schulz. Le candidat socialiste et social-démocrate allemand, ancien libraire, était nécessairement exclu de la course après la victoire de la droite aux élections européennes. « Nous respect(ons) les institutions européennes, l'esprit qui a été celui qui a présidé aux élections européennes, c'est-à-dire que le parti qui arrive en tête puisse proposer le candidat qui a été présenté, en l'occurrence Monsieur Juncker », avait assuré François Hollande, cité par l'agence Reuters.
Martin Schulz devrait pour sa part être proposé comme le président du Parlement européen. Selon Sigmar Gabriel, vice-chancelier allemand, Schulz « aurait été le parfait candidat pour la Commission européenne, mais les élections sont les élections (...) et c'est pourquoi Juncker sera le président de la Commission ».
Decision made. The European Council proposes Jean-Claude Juncker as the next President of the European Commission #EUCO
— Herman Van Rompuy (@euHvR) 27 Juin 2014
On se souviendra peut-être du portrait habilement brossé par le sénateur socialiste Jacques Chiron, en mai dernier.
Rappelons nous qui est Jean-Claude Juncker. Premier Ministre du Luxembourg de 1995 à 2014, il a fait du Luxembourg un véritable îlot fiscal en matière de taxes et impôts, toujours en retard pour appliquer les standards internationaux en matière de finance et toujours prêts à diminuer la fiscalité des entreprises, favorisant ainsi le dumping fiscal en Europe. Pendant 19 ans, il a attiré dans son pays les sièges de grandes multinationales, tout cela au détriment des finances d'autres États membres. En tant que Président de l'Eurogroupe de 2005 à 2013, il aurait dû être garant d'une politique juste où chacun reçoit l'impôt qui lui est dû. Il a préféré siphonner les recettes fiscales des pays européens, participant ainsi à la mise en péril de l'Espagne, du Portugal, de la Grèce, de l'Italie et même de la France. Juncker incarne une droite ultra-libérale, il représente un danger pire que Barroso. D'ailleurs, depuis son éviction au Luxembourg fin 2013, les choses avancent enfin dans son pays. Le Luxembourg a enfin signé la directive Epargne (avec l'Autriche) !
Luxembourgeois de premier ordre, Juncker pourrait ne pas être favorable à la taxation et l'imposition des entreprises dans le pays où elles exercent leurs activités - avec en ligne de mire les Google, Amazon, Facebook, Apple, pour qui l'optimisation fiscale est un sport quotidien. Nous sommes loin des déclarations que faisait Martin Schulz, pour qui il était « tout simplement impensable que des géants de l'Internet comme Amazon dictent les goûts mondiaux en terme de lecture ». Il comptait parmi les critiques d'un accord de libre échange entre les États-Unis et l'UE, estimant que cela entraînerait des conséquences néfastes tant pour le domaine culturel que scientifique.
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