L’histoire qui agite actuellement le BTS proposé par l’ASFORED tire ses racines d’un mal-être social qui ne date pas d’hier. Alors que sa directrice, Aïda Diab, et le président, François de Waresquiel, continuent de camper sur une position de volontaire ignorance.
Le 27/09/2011 à 14:25 par Clément Solym
Publié le :
27/09/2011 à 14:25
Si l’on remonte correctement le fil des événements, il est facile de découvrir parmi les éléments déclencheurs l’éviction de deux formateurs, en juin 2009 et 2010, qui s’étaient dressés contre des décisions prises par la direction.Au cours de l’année passée, les élèves ont déploré une réelle dégradation des conditions d’études BTS. (voir notre actualitté)
Une dégradation qui s’est déroulée tant sur le plan humain, que matériel, par ailleurs. En somme, la lettre ouverte des étudiants de la promotion 32 démontre bien l’ensemble des tensions accumulées. Celle-ci, diffusée fin juin 2011 fait suite à deux évictions de formateurs, et trois démissions spontanées, tant par solidarité, que par refus des conditions posées par la directrice de l’établissement.
Mais qui fait sonner le glas ?
Or, loin de pouvoir accuser les formateurs eux-mêmes d’être à l’origine des mouvements de protestation, comme cela a pu être fait, il faut bien comprendre que ce sont les élèves qui ont décidé de manifester au mieux, leur étonnement, au pire leur indignation.
L’ASFORED, de ce que nous avons pu en découvrir, est un écosystème scolaire où les formateurs comptent autant pour leurs compétences professionnelles, que pour les relations qui se tissent avec leurs élèves. Nombre de témoignages font état d’une réelle complicité et d’un grand dévouement de la part des formateurs à l’égard de leurs élèves. Justifiant et expliquant, si besoin est, la colère témoignée contre la directrice, et un management que d’aucuns n’hésitent à qualifier de « sauvage ».
Il faut également prendre en compte, selon les témoignages que nous avons recueillis, une certaine volonté de semer la discorde et désinformer, émanant de la direction. Dans une politique de l’autruche, pour se cacher les réels écueils qui frappent l’établissement, nous avons pu découvrir qu’à plusieurs reprises, la direction a soufflé le chaud et le froid, n’hésitant pas à diffuser des informations erronées, pour apporter de l’eau à son seul moulin. Mais l’histoire battait déjà de l’aile.
Été d'Indiens !
Entre juin et septembre de cette année, le tumulte, loin de s’apaiser, comme souhaitent le faire croire la direction et la présidence de l’ASFORED, s’est au contraire accru. D’abord, parce que les démissions et évictions se sont succédé à un rythme étonnamment soutenu, et souvent accompagnées de justifications maladroites. Ainsi, au 1er juillet, on peut retenir les propos d’Aïda Diab, expliquant le départ de Philippe marchand comme suit : « La rentrée 2012 se fera avec un nouveau référentiel. Cela peut justifier de ne pas reconduire certains contrats. »
Un prétexte qui ne tient pas, selon nos informations, puisqu’à cette date, le seul contrat non renouvelé du fait de l’Asfored est celui de Philippe Marchand, d’une part. D’autre part, Philippe Marchand est un des formateurs missionnés par Aïda Diab pour représenter l’Asfored dans la commission de travail sur la refonte du référentiel du BTS au ministère de l’Éducation nationale (il sera donc parmi les plus à même de donner les cours correspondants).
Les grands départs
L’intéressé avait d’ailleurs fait l’objet d’une campagne de désinformation soignée : il se dit en effet qu’il souhaite quitter l’établissement. Interrogé sur le sujet, lui-même avoue n’en avoir aucunement l’intention, mais finit par être contraint au départ, alors que la direction lui a retiré toute forme de confiance... pour la bonne raison qu’il avait appuyé les revendications des élèves, formulées en avril 2011. Il lui a également été reproché d’avoir organisé un week-end de révisions, en dehors du cadre de l’établissement, chose qui constituerait en soi une faute répréhensible.
On peut alors mieux comprendre l’investissement des formateurs, et le désarroi des élèves, devant ces départs. Quant à la faute, difficile de saisir sur quelles bases elle repose.Si d’un côté la direction s’acharne donc à semer le trouble, la présidence de son côté affiche un profond mépris pour les élèves, restant sourde aux différents appels lancés entre fin juin et début juillet.
La seule réponse qui parviendra, en retour aux différents courriers à adressés à François de Waresquiel est donc une invitation à un pot, le 7 septembre. Et la prise en compte assurée des petits tracas matériels qui agitent le BTS. Selon lui, la direction a été saisie de cette affaire, et se chargera au plus vite de les régler.
Des réponses insatisfaisantes, bien entendu. « Il y a un malaise grave de la part des élèves, qui est essentiellement un malaise de communication. Je vais réunir la promotion sortante, la promotion qui entame sa seconde année et la nouvelle promotion le 7 septembre, aux éditions Citadelles et Mazenod », expliquait donc M. de Waresquiel à LivresHebdo.
Et surtout, il renouvelait implacablement sa confiance à une direction dont il saluait les qualités de management « irréprochables ». Au point que, en matière de communication, c’est une politique de la terreur qui ait été instaurée.
Reproches trop directs : délit d'expression
De quoi faire étrangement écho à une lettre que David Alliot avait envoyée à la directrice, fin juin.
«Tu ne cesses de reprocher aux jeunes de te coûter cher, de faire du bruit, de ne pas manger le midi au restaurant (vu leur salaire ce sera difficile...) et de remplir leur salle d'effluves culinaires. Mais où peuvent-ils aller par ailleurs ? Les ordinateurs destinés aux apprentis sont souvent défectueux et leurs logiciels obsolètes. Ce qui n'est jamais le cas pour la formation continue... Il est vrai qu'ils payent – eux – leur stage et que les apprentis du BTS – qui eux ne payent pas leur formation – peuvent se contenter d'un matériel défectueux.De plus, le départ d'Alexandre va enfin te permettre de te débarrasser d'un poste qui avait le malheur de t'encombrer et de te coûter trop cher.Il est vrai que pour des formations longues auprès des jeunes, il n'y a nul besoin de coordinateur pédagogique. Les jeunes n'ont qu'à écouter ce qu'on leur dit. Voilà une marque éclatante de l'ignorance crasse que tu affiches envers les élèves de ce BTS et des formateurs qui y participent. Il est vrai que la pédagogie est pour toi une notion abstraite. Tu ne connais que le rapport de force.
C'est ta façon de voir les choses. Elle n'est heureusement pas partagée pas tous. Dans les autres centres de formation ou je travaille, on aime, que dis-je, on s'enorgueillit d'accueillir des jeunes et de les former. De participer aux défis de la formation, de l'améliorer sans cesse par un travail collectif. Sauf à l'Asfored où les jeunes ne sont qu'une variable d'ajustement, un poids, un fardeau financier que tu tentes de minimiser au plus près des obligations légales.
Pour moi, donner cours aux BTS, c'était un honneur et un plaisir de le faire. Plaisir à retrouver mon ancienne école, plaisir à retrouver une équipe pédagogique soudée et motivée, plaisir à donner cours, plaisir à transmettre un savoir, une expérience, etc. J'ai la faiblesse de croire que ce sentiment était partagé par les élèves et mes collègues. Mais il ne l'était pas par toi. Depuis deux ans, ta politique vis-à-vis des formateurs et des élèves du BTS se résume à la politique de la terreur, de l'exclusion, de la méfiance, de la paranoïa et de la suspicion. » (voir sur Facebook, sa reproduction)
Un courrier qui a valu à l’intéresser de se retrouver dans un procès, après une plainte déposée pour diffamation, et dont le sort devrait être prochainement scellé.
La sinistre valse de la rentrée
Enfin, quelques jours avant la rentrée, de bien tristes nouvelles surviennent. Une nouvelle éviction, cette fois constatée sur l’intranet de l’ASFORED par les élèves eux-mêmes. Il s’agit d’Hélène Plaziat, qui se retrouve exclue de la formation, dans son ensemble. En guise de justification, on lui fait savoir que la profession, ainsi que la directrice scientifique, pour le mastère spécialisé, auraient exigé que les formateurs signataires des courriers au SNE et au membre du conseil d’administration soient évincés de ces formations.
Des courriers qui furent envoyés début juillet, et dans lesquels les formateurs en appelaient au SNE, pour tenter une autre approche et faire valoir leurs inquiétudes. Après tout, le BTS avait été créé en 1978, à la demande du Syndicat national de l’édition. Mais en l’occurrence, le SNE nous explique aujourd’hui qu’il n’a plus rien à voir avec la formation, le BTS, ni l’ASFORED. À ceci près que depuis plusieurs années, on retrouve le SNE et l’ASFORED qui partagent leur stand au Salon du livre, la direction ayant compris quelles économies elle pouvait réaliser.
Cette nouvelle éviction, toute stratégique, est alors interprétée comme une véritable menace : d’abord, contester, ou soutenir la contestation est risquée. Ensuite, que ceux qui ne se rangent pas à l’avis de la directrice deviennent persona non grata, et que c’est la porte qui les attendra, sans autre forme de procès.
Une méthode qui, dans une société, apparaîtrait déjà comme dictatoriale, et unilatérale, mais dans un organisme formant aux métiers de l’édition, le plus strict domaine de la liberté d’expression, on peut s’interroger sur ce que les élèves vont apprendre. Et retenir. Le culte de l’omerta, étoufferait-il celui de l’expression d’une opinion ?
Le renvoi de cette formatrice s’accompagnera d’un autre départ, pour une retraite anticipée, de la part d’une formatrice qui refuse la politique de la direction.
Qui nous gardera des gardiens (et de quel temple !)
On peut alors interroger les instructions très précises données par le président de Waresquiel à la direction. S’agissait-il de museler le plus rapidement possible ceux des formateurs qui représentaient un danger à l’image lisse et propre que l’on souhaite donner ? Et s’il s’agit de communiquer, nous avions pu relever les élèves n’avaient finalement pas pris part à ce fameux pot de communication.
On se demandera en vain auprès de qui M. de Waresquiel trouvait impératif de communiquer, la réponse se trouvant dans des propos rapportés par LivresHebdo : « L’Asfored est un organisme qui se porte très bien, la direction et l’équipe ont toute ma confiance. »
Alors, une fois encore, alors que la direction de l’ASFORED et sa présidence n’hésitent pas à communiquer, sur l’air des lampions, que tout va bien, madame la marquise, pourquoi refuser encore et obstinément de répondre à nos sollicitations ? Redoute-t-on dans ces hauts lieux de ne pas parvenir à cacher ses squelettes dans des placards fermés pourtant à double tour ?
Mieux encore : alors que les formateurs sont les premières victimes d’une politique scolaire pour le moins épatante, voire qui n’hésite pas à marcher sur la tête, pour laisser accroire que tout file droit, qu’en est-il des élèves eux-mêmes et de la qualité de leur actuelle formation ?
Si lisse que tout doit glisser
Si tout va bien, madame la marquise, il ne faut pas oublier que pour la première fois dans l’histoire de l’établissement, le remplacement des formateurs se fait par des personnes qui ne connaissent ni l’examen d’État ni les spécificités de l’apprentissage.
Aucun relais n’a été effectué entre les anciens formateurs et les nouveaux, de même que le poste de coordinateur pédagogique a été supprimé, probablement parce que tout va si bien qu’il est inutile de le maintenir. Où trouver alors les informations sur la scolarité, pour les élèves ? Auprès d’une direction qui s’est contredite à plusieurs reprises, et s’arrange pour semer la zizanie, dans une optique de diviser pour mieux régner ? Passionnante perspective.
Dans une lettre ouverte d’un élève, voilà ce que l’on pouvait découvrir : « Nous avions pointé les mensonges des publicités de l’école qui indiquaient que chaque élève du BTS pouvait avoir accès à un ordinateur avec les logiciels à jour sur simple demande. Vous nous avez dit avoir fait le nécessaire pour qu’il n’y ait plus de décalage entre les discours et les faits. Le résultat est déjà là : sur le site de l’Asfored, le paragraphe en question a été supprimé. »
Deux captures d'écran sur Facebook l'attestent
Evidemment, tout cela se passait voilà quelques mois, mais comme entre temps, la logique de pression et de muselage s’est accentuée, les interrogations sont plus grandes encore... Mépris de la qualité de l’enseignement, du confort intellectuel et de l’expérience elle-même de cette formation, associé au mépris plus insidieux à l’égard des élèves eux-mêmes, tout un programme qui fait envie, bien sûr...
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Aujourd'hui le Conseil des Prud'hommes a été saisi par trois anciens formateurs pour travail dissimulé, licenciements sans cause réelle et sérieuse dans des conditions vexatoires.
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